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La Russie a besoin d’une nouvelle stratégie en Afrique

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La visite du président guinéen à Moscou a été l’occasion, pour Vladimir Poutine, de rappeler que la Russie avait annulé 20 milliards de dollars de dettes des pays d’Afrique.

Contrairement aux abus répandus dans les relations du continent avec certains de ses partenaires, les relations avec l’Afrique sont mutuellement bénéfiques pour la Russie, et présentent de bonnes perspectives pour l’avenir. Selon le quotidien Vzgliad.

A l’âge de 79 ans, Alpha Condé dirige la Guinée depuis plus de 7 ans mais il a vécu la majeure partie de sa vie en France. Son pays a fait partie des premiers à obtenir leur indépendance en Afrique noire, et fêtera son 60e anniversaire l’an prochain. En Guinée, tout comme dans la plupart des pays du continent, les socialistes sont restés au pouvoir jusqu’au début des années 1990. Ils ne s’orientaient pas uniquement sur l’URSS, maintenant un équilibre entre l’ouest et l’est, entre l’Europe, les USA, l’URSS et la Chine.

Le pouvoir a changé en Guinée dans les années 1990, et à cette époque la plupart des pays d’Afrique ont formellement renoncé à l’«orientation socialiste», même si les mêmes partis et les mêmes têtes étaient restées au pouvoir. Ainsi, le président angolais Santos se souvient encore de Leonid Brejnev. Et indépendamment de celui qui se trouve au pouvoir dans tel ou tel pays africain, pratiquement chacun d’eux souhaite que la Russie revienne en Afrique — car avant le début des années 1990 elle était un acteur majeur sur ce continent.

Aujourd’hui l’Union africaine, qui regroupe tous les pays du continent, suit de très près les démarches entreprises par la Russie. Moscou reviendrait-il en Afrique?

Oui et non. Le fait est que sur les 55 pays de l’Union africaine, six font partie de l’Afrique du Nord: l’Égypte, la Libye, l’Algérie, le Maroc, la Tunisie et le Soudan. Ce n’est pas vraiment l’Afrique au sens géopolitique, plutôt une partie du monde arabe — et c’est avec ces États que la Russie entretient les relations les plus développées, caractérisées par un commerce important (les trois quarts des échanges totaux avec l’Union africaine), de nombreux touristes et des voyages périodiques de responsables russes — par exemple, Vladimir Poutine s’est rendu en visite dans quatre de ces six pays d’Afrique du Nord (excepté la Tunisie et le Soudan).

Alors que l’Afrique subsaharienne, réunissant 49 des 55 États de l’Union africaine, est une tout autre histoire. Les relations étaient très proches à l’époque soviétique mais aujourd’hui la Russie entreprend seulement des tentatives de les relancer. Or il faut agir dans les conditions d’une concurrence accrue.

L’Afrique noire est le continent le plus prometteur du XXIe siècle parce qu’elle est peu exploitée, contient d’immenses ressources naturelles et possède la main d’œuvre la moins chère du monde. Les principaux acteurs se battent entre eux pour elle: l’Europe, les USA, la Chine, l’Inde, le Japon, le monde arabe. Même la Corée du Sud, le Brésil et la Turquie ont leur propre stratégie africaine. Qu’en est-il de la Russie?

Moscou mise sur l’Afrique du Sud. Ce pays n’est pas seulement le plus puissant du continent sur le plan économique: c’est également son représentant informel sur la scène internationale. L’Afrique du Sud fait partie des Brics, autrement dit le club informel sino-indo-russe où elle représente l’Afrique, tout comme le Brésil représente l’Amérique du Sud. L’Afrique du Sud est probablement le seul pays d’Afrique noire avec lequel la Russie réalise non seulement des projets économiques conjoints, mais entretient également une coopération politique au niveau des chefs d’État. Les présidents des deux pays se rencontrent chaque année aux forums des Brics, Valdimir Poutine s’est rendu deux fois en visite en Afrique du Sud — et c’est le seul pays d’Afrique noire qu’il a visité.

En effet, Dmitri Medvedev, à l’époque président, s’est rendu en Afrique du Sud mais aussi au Nigeria, en Angola et en Namibie. Mais ce voyage date de huit ans et il est resté l’unique voyage du chef de l’État russe en Afrique au sud du Sahara. En même temps, c’est justement à cause des positions affaiblies de la Russie dans cette région du monde qu’il faut utiliser le format des relations personnelles entre les premiers dirigeants.

Il ne s’agit pas seulement du fait qu’en Afrique, tout est relié aux chefs d’État. Simplement, la puissance de l’influence occidentale à travers différentes compagnies et un système intégré de formation des cadres (ce que font la France, le Royaume-Uni et les USA) ne pourront être compensés que par un travail de Moscou dans ce même sens. Certes, la Russie ne dispose pas d’autant d’argent que les USA ou la Chine, mais elle a des relations aussi bien au niveau des responsables qui ont fait leurs études en URSS, qu’en hommage à l’aide que l’Union soviétique a apporté aux pays d’Afrique à l’époque.

Sachant que cette aide était très diversifiée — de l’exploration géologique aux armes, du soutien sur la scène internationale à la construction d’écoles, de la formation des cadres aux projets d’infrastructure. Aujourd’hui la concurrence est énorme pour l’attention des Africains. A tel point que les Sud-Coréens se battent pour ce marché avec les Japonais alors que les Chinois investissent d’importantes sommes d’argent sur le continent.

Mais tous les autres pays en concurrence sur le continent noir n’ont pas l’avantage de la Russie: une très bonne réputation. Bien que certains pays en veuillent à Moscou d’avoir disparu dans les années 1990, aujourd’hui tout le monde est conscient de son retour. De nombreuses compagnies russes — Rousal, Rosneft, Gazprom, Renova — travaillent en Afrique. L’agence Rosvooroujenie fournit des armes, Rosatom et les Chemins de fer russes réalisent des projets prometteurs sur le continent. Mais il n’existe aucun programme global, aucune stratégie africaine.

Sachant que dans l’entourage proche de Poutine on compte au moins deux “africanistes”: Sergueï Ivanov a travaillé au Kenya, Igor Setchine au Mozambique et en Angola. Mais ils ont également d’autres affaires, et l’Afrique ne fait pas partie des priorités. La Russie a besoin depuis longtemps d’un représentant spécial du président pour l’Afrique. Poutine doit effectuer des visites dans les principaux pays (après lesquelles la bureaucratie nationale bougera).

Il faut organiser des sommets réguliers Russie-Union africaine, comme ceux organisés non seulement par la France et la Chine, mais également par la Turquie.

Les intérêts russes en Afrique sont vastes: le profit d’un accès aux matières premières locales et au marché intérieur grandissant est indéniable.

La Russie dispose de toutes les capacités nécessaires pour revenir en Afrique — intellectuelles, humaines, économiques et historiques. Il faut simplement apporter à ce mouvement un caractère organisé et stratégique. Pour que les actions de tous les acteurs russes en Afrique soient coordonnées et soumises aux tâches nationales concrètes, aux intérêts de la Russie.

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Source: Sputnik

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