Les Touaregs ont été, de façon récurrente, au centre de nombreux conflits de l’indépendance du Soudan Français devenu Mali en 1960 jusqu’à nos jours. Ce qui a fait dire à certains que les Touaregs ont de la difficulté à vivre avec les autres Maliens du Sud du pays.
Tout et son contraire a été avancé pour expliquer ce que certains appellent l’irrédentisme Touareg. La persistance de la question Touareg au Mali est la preuve que la vraie solution n’a toujours pas été trouvée. Et la vraie solution n’a pas été trouvée simplement parce que la vraie source des crises n’a jamais été clairement identifiée. De quoi il est résulté que nous avons assisté à un cycle de crises suivies de résolutions de crises elles-mêmes suivies par de nouvelles crises et cela pendant un demi-siècle.
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LA PERSISTANCE DE LA QUESTION TOUAREG
La société Touareg est très hiérarchisée, contrairement à la perception générale selon laquelle il n’y aurait qu’une seule et unique entité Touareg.
En haut de la Hiérarchie se trouvent IFORAS, représentant la chefferie traditionnelle. Les IFORAS sont considérés comme le Nobles et donc les leaders naturels des autres groupes. Ils sont basés à KIDAL. Ils avaient autrefois droit de vie ou de mort sur les autres Touaregs.
Viennent ensuite les IDNANES, considérés comme les cousins par alliance des IFORAS.
En dessous des IDNANES se trouvent les CHAMANAMAS qui vivent dans les secteurs de Ménaka et Kidal.
Plus bas dans l’échelle se trouvent les IMGHADS qui vivent à Kidal, Gao et Ménaka.
Enfin viennent les DAOUSSACKS qui se disent eux-mêmes au-dessus des IMGHADS lesquels soutiennent évidemment le contraire.
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EVOLUTION ET RAPPORTS DE FORCES
Dans la réalité historique des Touaregs, les IFORAS ont toujours été la classe dominante par rapport au reste des Touaregs eux-mêmes divisés entre divers sous-groupes ethniques.
De la même manière, les KEL-ANSARS et les KOUNTAS furent les classes dominantes dans la communauté Arabe du Nord du Mali.
Si telle est la réalité découlant du fait historique, « So be it !! », (ainsi soit-il !).
Il convient alors de prendre en compte cette réalité historique dans toute approche du fait Touareg au nord du Mali. Sauf que le monde a évolué, les réalités sociologiques, bien souvent déterminées par les rapports de force économiques ont, elles aussi, évolué.
Voilà que la chefferie des IFORAS se trouve confrontée à un grand défi : la remise en question de son autorité par certains groupes ethniques qui leur faisaient autrefois allégeance.
Un des facteurs de cette remise en question de l’autorité traditionnelle des IFORAS reste l’avènement de la Démocratie au Mali.
Avec la Démocratie, de nouveaux principes sont édictés qui prônent l’égalité des Hommes, la liberté d’opinion, les libertés individuelles, l’élection, (basée sur la règle Un Homme / Une Voix), comme mode de conquête du pouvoir.
Autant de principes qui sont en contradiction directe avec les Droits et privilèges dont les IFORAS ont toujours bénéficié dans leur communauté du seul fait de leur naissance.
Dès lors, la gouvernance dans la localité de KIDAL et l’exercice du pouvoir devient une question aussi importante que sensible. Il faudra la résoudre par des solutions innovantes qui prennent à la fois en compte les principes universels de la Démocratie et les réalités sociologiques de la communauté Touareg basée encore sur le féodalisme.
Tout en étant l’ethnie noble les IFORAS demeurent cependant les moins nombreux en terme démographique. Autrefois puissants influents et riches, les IFORAS sont aujourd’hui les moins cultivés et les moins ouverts aux changements du monde. Ceci tient au fait que pendant la colonisation, les IFORAS ont systématiquement refusé d’envoyer leurs enfants à l’école, (perçue comme l’enseignement des cafres et des envahisseurs). Plutôt, ils ont fait inscrire les enfants de leurs esclaves, ceux des autres groupes ethniques inferieurs. En conséquence, les premiers intellectuels Touaregs ont évolué dans l’administration publique Malienne mais sont restés sans aucune influence sur la marche des affaires de leurs localités du Nord où ils n’ont aucun pouvoir de décision.
En revanche, l’instruction a entrainé une prise de conscience et un changement de mentalité qui s’est produit graduellement au fil des décennies.
C’est ainsi par exemple qu’en 2006, pour la première fois dans l’histoire, les IMGHADS ont simplement refusé de constituer l’effectif combattant de la rébellion commandée par les IFORAS. Ils entendent désormais s’affranchir du dictat ne plus être la chair à canon pour une minorité.
Ce besoin de libération des IMGHADS a été renforcé par l’avènement de la Démocratie et du pluralisme politique au Mali après la Révolution du 26 Mars 1991.
Le mode d’accession au pouvoir n’était plus celui du système féodal mais plutôt les élections pour lesquels un Homme équivaut à Une Voix.
Et c’est précisément à ce niveau qu’il situer la position loyaliste et anti – indépendantiste des IMGHADS. Clairement, le choix des IMGHADS est basé sur leur combat légitime pour plus de liberté et d’égalité. Seul la République peut constituer l’espoir de liberté pour eux tandis qu’à l’opposé, l’indépendance ou même le Fédéralisme signifie pour eux leur assujettissement éternel aux IFORAS. En d’autres termes, les IMGHADS veulent simplement faire leur « Révolution de 1789 » et renverser la royauté de KIDAL.
Ailleurs, la lutte des IMGHADS contre la partition due leur pays été encouragée, célébrée et qualifiée de « RESISTANCE ». Dans le cas Malien, curieusement, d’aucuns voudraient que l’Etat Malien se démarque et condamne un groupe de citoyens qui pourtant, comme lui et conformément à la constitution, s’oppose à la partition du pays.
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LE FOND DE LA QUESTION IFORAS
Il est indéniable que la volonté des IFORAS de demeurer les décideurs et les maitres dans la communauté Touareg de KIDAL tire son fondement de l’Histoire de cette localité. Mais la roue de l’Histoire a tourné et les réalités du monde ont beaucoup changé.
Des raisons existent qui rendent de plus en plus difficile aux IFORAS de maintenir leur statut de nobles à KIDAL encore moins dans le reste du Nord du Mali, même si PERSONNE ne nie leur Noblesse.
- Les IFORAS n’ont plus tous les moyens requis pour convaincre et faire accepter leur supériorité sur les autres groupes du nord du Mali.
- Les IFORAS ne sont plus ceux qui font vivre et qui protègent ceux-là censés rester « leurs esclaves ». Il est difficile d’assujettir un groupe ethnique qu’on ne nourrit pas et qui se prend lui-même en charge.
- Il est difficile, voire aléatoire de convaincre les Touaregs des autres groupes qui sont nombreux à avoir fait de grandes études et des voyages partout dans le monde, qu’ils doivent accepter d’être des sous-hommes du seul fait de leur naissance. Ils ont appris ailleurs que « Les Hommes naissent égaux et libres ».
- Il sera de plus en plus en plus difficile pour les IFORAS de recevoir les multiples aides et dons au nom de la communauté Touareg dans son entièreté sans obligation de rendre des comptes.
- Il serait risqué, sinon suicidaire pour les IFORAS de vouloir imposer aux autres groupes leur autorité par les armes et la coercition.
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LA PROBLÉMATIQUE DE KIDAL
La situation de la ville de KIDAL peut se résumer en un questionnement simple :
Comment préserver les privilèges de la chefferie des IFORAS dans un système Démocratique unitaire et égalitaire ?
Quel système socio-politique faudra-t-il innover pour satisfaire les deux besoins apparemment antinomiques ?
Comment faire appliquer les règles du jeu démocratique à KIDAL sans ignorer la réalité des IFORAS ?
Quel système faudra-t-il imaginer pour que les IFORAS puissent continuer à bénéficier des avantages liés à leur RANG sans pour autant leur attribuer la gouvernance politique et administrative au détriment de la grande majorité des autres ethnies Touaregs?
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PROPOSITION DE SOLUTIONS
KIDAL constitue aujourd’hui un problème majeur dans la recherche de la paix et la stabilité pour le nord du Mali. Un problème se gère.
Trouver une solution à la problématique KIDAL sera dans l’intérêt de tous :
- Celui des IFORAS eux- mêmes en premier lieu.
- Celui de l’Etat Malien en second lieu car cela aboutira à l’instauration de l’harmonie entre les communautés du Nord.
- Celui de la communauté internationale qui a souvent fait la mauvaise lecture des réalités dans le nord du Mali en restant mystifiée par l’histoire des « Hommes Bleus » sans se rendre compte qu’aujourd’hui les descendants de ces « Hommes Bleus » sont en costume, maitrisent l’outil informatique et savent se rendre seuls au siège de l’Union Européenne.
La réponse à la problématique posée par la question des IFORAS de KIDAL pourrait trouver sa solution dans un certain nombre de dispositions qui pourraient être innovées et mises en œuvre :
- Amener les IFORAS à accepter les principes de la Démocratie. Leur faire comprendre que toutes les royautés, à travers le monde, sont passées par cette étape existentielle et que c’est la seule issue raisonnable et durable pour préserver dans le long terme leurs intérêts et ce qui reste de leurs privilèges.
- Amener les IFORAS à comprendre que le système féodal est en contradiction avec le système Démocratique. Partout où les deux systèmes ont été en conflit, la royauté a renoncé à l’exercice de la gouvernance. C’est ainsi qu’au Ghana, que le « Regional Minister », (équivalent du gouverneur de région au Mali), de la région ASHANTI n’est pas de la famille du puissant Roi actuel des Ashantis, de même que, plus près de nous, le Gouverneur de SIKASSO n’est le petit-fils ni de BAMEMBA ni de TIEBA, les Rois fondateurs de la cité du KENEDOUGOU.
- Amener l’Etat Malien à trouver un statut pour la Chefferie de KIDAL, à l’image des familles fondatrices de Bamako, où les anciens Chefs ont certains privilèges et de nombreux autres avantages sans qu’ils aient besoin de se mêler de la gouvernance. Ce statut devra garantir aux IFORAS la possibilité de vivre décemment et sans jamais être dans le besoin tandis que le jeu Démocratique pourrait avoir droit de cité à la satisfaction du plus grand nombre.
- Consolider la démocratie Malienne en trouvant une ligne médiane entre la protection des minorités sans pour autant tomber dans l’extrême inverse qui voudrait que de ce soit la minorité qui impose son autorité et sa volonté à la majorité.
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CONCLUSIONS
KIDAL étant l’épicentre de la crise du Nord à plusieurs points de vue, il revient à l’Etat Malien de faire une analyse critique de tous les aspects de la question récurrente des IFORAS, d’identifier et de mettre en œuvre des solutions novatrices et durables.
La stabilité des régions du nord du Mali, et dans une certaine mesure la sécurisation de l’ensemble du Sahel dans le long terme sont à ce prix.
Cabinet Eureka-Mali, un « Think- tank » qui produit des études , des analyses , des stratégies de prévention et gestion de crise et la gestion des problèmes complexes.
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Cabinet Eureka-Mali-11 octobre 2017
Source: Cabinet Eureka-Mali