– “Nous avons immobilisé 12 véhicules pour fausse plaque d’immatriculation et les intéressés ont été mis à la disposition de la Bij”
Au cours de cet entretien exclusif, le Commandant de la Compagnie de la circulation routière (Ccr), le Commissaire principal de police Abdoulaye Coulibaly, se prononcé sur les questions relatives aux dispositifs mis en place pour lutter contre l’insécurité routière, à l’application de l’Arrêté réglementant la circulation des gros porteurs, la circulation des véhicules avec des plaques d’immatriculation CH…
Aujourd’dui : Les mesures prises pour l’application stricte de l’Arrêté relatif à la circulation des gros porteurs dans la ville de Bamako sont-elles toujours en vigueur ?
Abdoulaye Coulibaly : Les mesures relatives à la circulation des gros porteurs, nous sommes en train de les appliquer à la lettre. Le lendemain de ma prise de service, j’ai constaté que les gros porteurs circulaient librement sans respecter des heures de passage. Nous avons multiplié des rencontres en son temps avec nos partenaires, notamment le syndicat des transporteurs, le chef de village de Samé, la jeunesse et l’Imam de la même localité. Nous avons multiplié les contacts et nous sommes convenus de l’application de l’Arrêté relatif à la circulation des gros porteurs dans le district de Bamako pour sauver des vies car, l’objectif de cet arrêté, c’est la libre circulation des personnes et de leurs biens et en même temps lutter efficacement contre l’insécurité routière.
À l’époque, nous enregistrions sur l’axe Bamako-Kati via Samé en moyenne quatre à cinq accidents par jour. C’était un chiffre alarmant et il fallait rapidement trouver des solutions. Puisque je suis un habitant de Kati et j’étais le commissaire du 1er arrondissement, j’empruntais fréquemment la route de Samé et je voyais en ce moment ce qui s’y passait. Je me disais qu’il fallait trouver une solution à cette situation. Du jour au lendemain, je me retrouve ici, aux commandes de la Compagnie de la circulation routière (Ccr). C’est ainsi que j’ai demandé au syndicat des transporteurs de respecter les heures de passage qui commencent le soir de 23 heures jusqu’ à 6 heures du matin et ensuite en milieu de journée de 10 heures à 13 heures.
Par rapport à l’application de l’Arrêté, il n’y avait pas fait d’exception. C’est ainsi que, moi-même, j’ai interprété l’arrêté quand bien je n’ai pas le droit car l’arrêté n’a pas tenu compte de la circulation des camions-citernes qui approvisionnent nos stations d’essence. Je me suis dit que l’on ne peut stationner les citernes de 6 heures à 23 heures, ainsi que les camions transportant les fruits et les produits périssables comme les poulets, les poissons et autres. Ces camions aussi, si nous les immobilisons sans le système de refroidissement, les produits risquent de se décomposer. Donc, je les ai laissés circuler. Voilà les deux exceptions en la matière, quand bien même que l’Arrêté ne tenait pas compte de la circulation de ces engins, j’ai essayé de le faire pour humaniser l’arrêté en tenant compte des préoccupations des uns et des autres.
L’Arrêté a été appliqué le 20 février 2017. Depuis cette date, nous avons seulement trois cas d’accidents avec blessés graves et aucune perte en vies humaines n’a été enregistrée. Et en plus, les gens circulent librement sans embouteillage et sans bouchon.
Vous avez également pris des mesures concernant la sécurité routière à l’intérieur de la ville de Bamako. Où en est-on ?
Nos missions, c’est la lutte contre l’insécurité routière concomitamment avec les commissariats de police. Notre mission avec les commissariats se recoupe au niveau de la lutte contre l’insécurité routière. Les commissariats, en plus de cette mission, ont l’obligation de protéger les personnes et leurs biens. Quelque part, il y a une nuance, même si on se rejoint en luttant contre l’insécurité, on contribue aussi à sauver des vies et à protéger les personnes. Il y a ces nuances entre nous. Nous avons constaté qu’au niveau de l’ACI 2000 et de plusieurs quartiers du district de Bamako, il y a des personnes qui se livraient à des démonstrations de motocyclistes. Les commissariats de police intervenaient pour les interpeller parce que la Ccr n’a pas cette casquette d’Officier de police judiciaire (Opj). Nous pouvons réprimer en saisissant les engins objet de l’infraction et en leur demandant de payer la contravention.
Si nous constatons éventuellement des cas de délit, nous saisissons systématiquement le commissariat de police territorialement compétent. Si l’auteur se présente à leur niveau, ils font une mise à disposition pour qu’il puisse être poursuivi. Aussi, au lendemain du Sommet Afrique-France, nous avons reçu une importante dotation en motos avec laquelle nous avons multiplié les patrouilles permettant de faire face à nos missions de lutte contre l’insécurité routière et contre le phénomène de démonstration de motocyclistes au niveau de l’ACI 2000.
Aujourd’hui, ce phénomène a considérablement diminué, mais les jeunes qui se livrent à cette pratique se sont dirigés vers le quartier de Sotuba. À ce niveau également, nous sommes allés les chercher à travers des descentes de police. Au cours desquelles, nous avons pu interpeller quelques-uns et nous avons également saisi quelques engins. Dès lors, nous n’avons plus de nouvelles de ces personnes qui s’adonnent à cette pratique.
Concernant la circulation des tricycles, aujourd’hui c’est un phénomène qui est récent parce que la circulation des tricycles pose beaucoup de problèmes. En effet, il existait déjà une réglementation en la matière prise par l’ancien gouverneur du District qui avait essayé de réglementer la circulation des tricycles sur les axes principaux et certaines grandes artères, notamment le Pont Fadh, le Pont des Martyres et celui de l’Amitié Chino-Malienne communément appelé 3ème pont. Sur ces axes, nous avons fixé des heures de passage de ces engins. À titre d’exemple, sur le pont Fadh, l’accès est interdit aux tricycles à partir de 6 heures du matin. Ils ne commencent à y circuler qu’à partir de 10 heures, jusqu’à 13 heures. Aucune circulation de tricycle n’est autorisée au-delà de 13 heures. Pour contrôler effectivement le respect strict de ces dispositions, nous déployons des policiers sur les bretelles de certains axes afin d’éviter certains conducteurs de monter sur le pont. Donc, cela fait un effectif de moins, rien que pour les motocyclistes.
Si nous voulons interpeller tous ceux qui violent ces mesures, saisir les engins et les amener, cela va faire beaucoup de tohubohu et au lieu que cela arrange la situation, cela va apporter des désagréments aux usagers qui veulent rentrer tranquillement chez eux. Donc, nous avons préféré mettre des policiers en amont pour bloquer les tricycles afin de permettre aux autres usagers de circuler librement. À l’heure de la fluidité totale, nous les laissons circuler. Aussi, de temps en temps, nous organisons des opérations de rafle de tricycles dont les propriétaires n’ont pas de pièces administratives afférentes à la circulation. Nous les interpelons et nous les verbalisons en les obligeant à se procurer des vignettes et à souscrire à l’assurance afin de circuler librement. Toutes ces actions s’inscrivent dans le cadre de la lutte contre l’insécurité routière.
Envisagez-vous des mesures par rapport à la circulation des véhicules à immatriculations CH, plus précisément sans plaque d’immatriculation et aussi des plaques fantaisistes ?
Non, nous ne sommes pas en réflexion. Nous avons commencé à faire des opérations ! Même, tout de suite, il y a des personnes qui faisaient des va-et-vient, c’étaient toujours par rapport à ces opérations-là.
Les rafles des véhicules à immatriculation CH sont un phénomène très complexe. Raison pour laquelle nous avons voulu qu’il y ait un contrôle conjoint, c’est-à-dire un contrôle à la fois des civiles et un contrôle destiné aux agents des forces armées et de sécurité. Ainsi, j’ai adressé une correspondance au directeur de la Police militaire par voie hiérarchique. C’est pour faire en sorte que nous puissions avoir, à partir du chef d’état-major général des armées, une autorisation qui permette de rafler tous les véhicules qui ne sont pas en règle, y compris ceux appartenant aux éléments des forces armées et de sécurités ainsi que les plaques fantaisistes. J’appelle plaques fantaisistes, les plaques sur lesquelles les éléments des forces armées et de sécurité écrivent leur nom en lieu et place de numéro d’immatriculation. Et ces opérations seront très bientôt enclenchées à l’encontre des éléments des forces armées et de sécurité. C’est toute une question de procédure, nous ne pouvons pas nous lever un jour pour procéder à des rafles sans avoir l’aval de la hiérarchie et sans que tous les acteurs impliqués soient informés de la mesure et s’en tenir aux conséquences, s’il y a eu lieu de prendre des dispositions pour éviter des interprétations.
Quant à la population civile, nous avons eu à faire beaucoup de communication et de campagne de sensibilisation afin de les inviter à mettre leur véhicule en règle. De temps en temps, nous menons des opérations de saisie de véhicule sans pièces pour procéder à leur mise en fourrière et les propriétaires sont invités à se procurer des pièces administratives par rapport à la circulation. Très souvent, nous avons des retards de délivrance de carte grise provisoire, sinon nous constatons que tous les autres documents sont en règle, mais nous les invitons à immobiliser le véhicule en entendant la délivrance de la carte grise provisoire.
C’est également le lieu de lancer un appel à tous les usagers titulaires d’une carte grise provisoire sans plaque d’immatriculation qu’ils peuvent librement circuler parce que si l’usager arrive à s’acquitter de tous les droits vis-à-vis de l’État et si en retour l’État n’arrive pas à délivrer la carte grise provisoire ou définitive à temps, il n’y a aucune raison que l’usager souffre de la faute de l’administration. Nous disons à nos collègues policiers de laisser librement et simplement circuler, tout usager muni d’une carte grise provisoire en cours de validité. Même ce matin, je les ai mis à l’aise par rapport à cette question. Si tel est le cas, il y a des numéros qui ont été communiqués, nous allons saisir le commandement pour des comportements peu catholiques de certains agents de la police. Et nous envoyons tout de suite une équipe d’inspection sur le terrain pour constater et sanctionner en la matière pour que les usagers puissent être respectés.
Indépendamment de tout cela, nous avons créé une brigade mobile composée essentiellement d’éléments chevronnés, expérimentés, courtois, très courageux et très dévoués qui ont pour mission la mise en fourrière des véhicules avec de fausses plaques d’immatriculation, des véhicules avec des plaques fantaisistes ainsi que les véhicules dépourvus de toutes pièces.
Aujourd’hui, nous avons retrouvé quatre véhicules volés. C’est généralement à la demande des commissariats de sécurité publique qui nous envoient des avis de recherche pour des véhicules volés. Nous avons retrouvé également cinq autres véhicules impliqués dans les cas d’accidents avec délit de fuite, la plupart aussi ce sont les commissariats de police qui nous envoient les avis de recherche et nous avons immobilisé 12 véhicules pour fausse plaque d’immatriculation et les intéressés qui se sont présentés ont été mis à la disposition de la Brigade d’investigations judiciaires (Bij). Les intéressés qui ne se sont pas présentés, les engins sont immobilisés, nous attendons qu’ils se présentent.
Aujourd’hui, cette brigade fait la fierté de la police malienne, c’est une brigade mobile efficace, très discrète et disponible qui à l’ombre fait du très bon boulot.
La lutte contre l’insécurité routière d’une manière générale est une affaire de tout le monde. Nous ne disons pas que nous ne pouvons pas immobiliser les véhicules des éléments des forces armées et de sécurité, loin sans faux, si les véhicules sont dépourvus de vignette ainsi que d’autres pièces administratives, nous les faisons immobiliser et en leur demandant de se mettre en règle. Mais je parle plutôt de la saisie définitive du véhicule. À ce moment, nous avons estimé qu’il nous faut une autorisation afin que tout le monde soit au même niveau d’information pour éviter un conflit entre les corps. C’est pour minimiser ces cas que nous voulons que tous les chefs de service soient au niveau d’information de ces opérations que la police à la lourde tâche de mener.
Pour la population civile, il n’y a plus de problème. C’est au niveau des éléments des forces armées et de sécurité où il y a des problèmes et nous sommes en train de travailler pour aplanir ces problèmes. Il est anormal qu’un élément des forces armées et de sécurité circule à bord d’un véhicule sans pièces et qu’un citoyen lambda circule, on le fait saisir, ce n’est pas normal. Nous sommes en train de corriger cela, c’est une question de procédure.
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Propos recueillis par Boubacar PAÏTAO
Source: Aujourd’hui-Mali