Paris – Malick Sidibé a été le révélateur dans les années 60 et 70 de la jeunesse de Bamako. Mali Twist, l’exposition que lui consacre jusqu’au 25 février la Fondation Cartier à Paris, présente plus de 250 de ses photos noir et blanc : du jamais vu !
En 1962, Malick Sidibé ouvre son minuscule studio à Bagadadji. Il va devenir l’oeil de toute une jeunesse, qui vient se montrer dans ce quartier animé au coeur de la capitale.
“Dans ce quartier, à l’époque, il y a deux rues goudronnées. La rue Bagadadji et la rue Patienga.
Le vendredi et samedi, les jeunes vont défiler dans ces rues, parce qu’il y a l’électricité, donc la lumière, et du macadam : on se voit et on ne salit pas ses chaussures”, raconte à l’AFP André Magnin, galeriste spécialisé dans l’art africain, et commissaire de la plus grande exposition jamais présentée sur Malick Sidibé, décédé l’année dernière.
Le photographe a alors 27 ans. Il va devenir le grand frère de cette jeunesse qui s’éclate dans ces premières années de l’indépendance.
Son secret ? L’immense modestie et l’extrême gentillesse de ce Peul qui, enfant, gardait les troupeaux en brousse, avant d’aller se perfectionner dans l’art du dessin, puis de la photo, à l’école des Blancs.
Armé de son Foca Sport, il va écumer les surprises parties. Une soirée dansante sans l’oeil de Malick est une soirée ratée.
“C’est lui qui fait la réputation des soirées”, confirme André Magnin, qui a découvert Malick Sidibé par hasard en 1992. Changement de régime politique, arrivée de la couleur, difficulté à trouver du papier… celui-ci gagne alors sa vie en réparant des appareils photo.
“Mali Twist” témoigne d’une époque bénie, de ces années d’insouciance et de
liberté liées à la décolonisation.
Certains de ses clichés de couples habillés à l’occidentale, dansant sur les tubes de l’époque, sont devenus célèbres. Comme “Nuit de Noël”, où l’on peut discerner la forme d’un coeur entre les deux corps des danseurs.
Ces tubes twist, yéyé et rock’n roll constituent la bande-son idéale de l’exposition, et dont le titre est celui d’une chanson de Boubacar Traoré, enregistrée en 1962, un grand succès radiophonique au Mali.
– “L’idole de la jeunesse” –
Mais au-delà du reporter des nuits bamakoises et de ses lendemains sur les bords du fleuve Niger pour des retrouvailles enjouées, l’exposition est une nouvelle occasion de découvrir un portraitiste hors pair.
Il voit en effet défiler dans son minuscule studio le jeune peuple de Bamako, qui se sent en confiance. Tout le monde entre se faire tirer le portrait, affublé des accessoires de son choix : chapeaux, costumes délirants, pantalons patte d’eph’, mais aussi mobylettes, vespas, motos, chiens…
Vingt-deux de ces portraits, parmi la trentaine d’inédits tirés spécialement en grands formats pour l’événement, sont accrochés sur un immense panneau dans la grande salle qui ouvre l’exposition.
Le visiteur peut prolonger le plaisir de l’exposition par une photo dans le décor du studio de Malick, reconstitué.
“Ce qui fait la grandeur de l’oeuvre de Malick Sidibé, c’est qu’il établit une véritable complicité”, explique André Magnin. “Il parlait à ses modèles, leur souriait, les touchait, les mettait à l’aise. Tout ça est lié à la confiance que la jeunesse avait pour lui et l’amour qu’il avait pour cette jeunesse. C’est capital”. “Malick, c’était l’idole de la jeunesse”, résume-t-il.
Grâce à cette alchimie, Malick Sidibé a tiré des portraits empreints d’une grande tendresse, non dénués d’humour.
“Malick Sidibé, il riait d’abord, c’était son caractère, il causait, il riait, et puis il faisait des photos. Il ne pouvait pas faire des photos comme ça”, confie aussi Boubacar Traoré à l’AFP.
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Source: AFP