C’est à la faveur d’une table ronde organisée le 3 octobre 2017 dans le cadre de la célébration des 30 ans de jumelage entre Thionville en Lorraine et la ville de Gao, que ce directeur de recherche émérite au Centre Nationale de Recherche Scientifique (CNRS), anthropologue du développement, auteur d’articles et d’ouvrages sur le nomadisme et la société des touaregs André BOURGEOT a animé une conférence sur la situation du Mali et des pays d’Afrique subsaharienne. Un autre Serge Michailof chercheur associé à l’IRIS, ex-professeur à Paris-Sorbonne et à Sciences Po auteur de nombreux ouvrages de géopolitique, notamment « Afghanistan » paru en octobre 2015, et notre « maison brûle au sud » faisait partie également des conférenciers. André BOURGEOT, pense que l’origine de la crise dans le sahel se résume à quelques faits et dates situés entre 2006 et 2015.
En 2006, il y a eu la rébellion à Kidal et Ménaka, menée par l’alliance du nord-Mali qui a le 23 mai pris les camps de Kidal et de Ménaka pour se retrouver à la frontière du Mali et de l’Algérie. L’Etat brillait par son absence dans cette zone depuis quelques années. Il a fallu signer en 2006, un accord avec eux en Algérie lequel accord avait été critiqué à l’époque par IBK en tant que Président de l’Assemblée Nationale.
En 2007, il y a eu la création du GSPC qui a remplacé le F.I.S Algérien. Le GSPC s’est déplacé vers le sud Algérien et le nord malien donc dans une zone de non droit. Ensuite le GSPC a pris le nom d’AQMI après son démantèlement par l’armée algérienne. Toute chose qui a marqué la sanctuarisation des islamistes au niveau local entre le Mali, l’Algérie, le Niger et la Mauritanie.
Entre 2005 et 2011, l’Etat n’était pas toujours présent dans cette zone, où les groupes armés islamistes se donnaient libre cours sans être inquiétés. On a eu l’impression que l’Etat avait renoncé à défendre son territoire contre les nouveaux occupants.
En 2011, il y a eu l’intervention menée par Nicolas SARKOZY en Libye précédant celle de l’OTAN, dont le but était de casser l’organisation politique de la Libye, alors qu’à l’époque il y avait une certaine stabilité dans le sahel. Ces interventions ont été catastrophiques pour le sahel. Ces groupes terroristes circulaient désormais librement. Rappelons que la grande sècheresse de 1973 a eu pour résultat l’exil de nombreux jeunes touarègues et arabes qui vont former la redoutable légion étrangère du Colonel Kadhafi au sein de la légion verte , constituée en grande partie par les touaregs nigériens, maliens et d’autres nationalités venant d’Afrique et du moyen orient. A la suite de l’Invasion européenne et américaine, les touaregs maliens et nigériens qui formaient la garde prétorienne de Kadhafi ont décidé de rentrer au bercail avec armes et bagages. Si l’Etat du Niger a contrôlé les arrivants et leurs arsenaux, tel ne fut pas le cas du Mali, qui a demandé à l’Algérie de les laisser passer, avec armes et bagages. Accueillis à bras ouverts par les autorités maliennes. Ils ont fini par créer le Mouvement National de Libération de l’Azawad(MNLA) en 2012, après avoir créé préalablement en novembre 2011 le Mouvement National de l’Azawad (MNA) lorsque le pouvoir d’Etat était affaibli dans les régions du nord. Il faut reconnaitre que suite à ces interventions contre la Libye, les sahéliens ont eu beaucoup de mal à installer leur autorité sur l’ensemble du Sahel.
Les objectifs affichés en plusieurs étapes par les touaregs maliens revenants de la Libye étaient de faire reconnaitre que l’Azawad est le territoire de leurs ancêtres colonisés par le Mali, de revendiquer cette partie au profit des peuples coloniaux touareg dessaisis au profit de l’Etat malien, tout en mettant en avant l’idéologie victimaire de toutes les révoltes dans cette partie du Mali. Pour André BOURGEOT, l’Azawad, n’a jamais été un territoire touareg. C’est un espace de nomadisme tout court. Il a précisé en plus que dans ce cas précis le découpage administratif est différent du découpage politique. Il a mis en garde l’Etat de ne pas accepter l’instrumentalisation de la notion d’Azawad à des fins politiques, et que les touaregs n’ont pas eud’assise politique sur les peuples qui vivent dans cette zone. Cependant, il regrette que la Conférence d’Entente Nationale n’ait pas fait appel à des spécialistes du nord pour démonter la thèse d’une Azawad politique.
Concernant l’aspect géopolitique de la situation de la crise multidimensionnelle, il a précisé que le nord devenait en 2012 un épicentre de la déstabilisation du Mali et des pays du sahel (Niger, Mali, Mauritanie, Algérie, Tchad etc…). La création avec l’appui d’AQMI de la République islamique d’Azawad avortée cinq jours après sa proclamation, procède non seulement de cette déstabilisation, mais de la volonté de s’attirer les faveurs des pays islamiques du Golf. Concernant le MNLA, il a précisé au cours de la conférence que le pouvoir dans cette organisation est aux mains des militaires rebelles touareg, et que l’affichage politique revenait aux autres.
Le MNLA selon lui, s’est associé à Ançardine ou Ansaria au niveau local, au MUJAO dont les actions devraient couvrir tous les pays de la CEDEAO tout en développant l’aspect humanitaire avec le Qatar, au HCUA afin d’assurer l’ordre, car toute société a besoin d’ordre pour atteindre ses objectifs. Il a salué au passage la résistance des jeunes patriotes de Gao contre le MNLA et le MUJAO laquelle résistance a permis de briser le projet d’envahissement et de soumission de la ville de Gao. Concernant l’Accord d’Alger, il a fait remarquer que cet accord n’a pas été débattu et ni entériné par l’Assemblée Nationale, d’où son inapplicabilité, jusque-là du fait que le HCUA refuse de reconnaitre jusque-là l’Etat malien. C’est un mouvement séparatiste fabriqué par Iyad. Selon André BOURGEOT toujours par rapport à l’Accord, le projet de régionalisation que la CMA défend, n’est autre que l’amorce du processus de fédéralisme sur le plan politique, juridique et administratif. Il s’agit de la création de Région-Etat. Ce qui est surprenant dans le dit Accord, du fait que son contenu fait référence à l’Azawad. Il s’agit de transférer l’Etat central à l’Etat régional. Ce n’est que cela.
Pour André BOURGEOT, le problème de l’Etat malien au nord, est dû aux autorités françaises à cause des ressources minières convoitées telles que l’uranium à l’est de Ménaka, l’or à l’est de Kidal, le pétrole à Taoudéni. La manière dont la crise malienne a été traitée au préalable a fait qu’entre 2015 et 2017, la crise a embrasé l’ensemble du sahel, chose regrettable.
Envoyé spécial
Adama KEITA
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Source: Le Carrefour
Des vérités crues, de l’histoire vraie, une synthèse indiscutable. C’est un Français qui a parlé. Il aime la France puisque le Mali mais il dit la vérité.
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