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Le commandant de barkhane rompt le silence : “Des ordres sont passés par Iyad Ag Ghali du Nord vers le Sud”

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Le commandant de la force barkhane, le général Guibert lève le voile sur le double jeu de groupes armés du Nord du Mali. Sans ambages, selon lui, il existe bel et bien une collusion entre les mouvements signataires et les jihadistes. L’officier français confirme que le terroriste Iyad Ag Ghali est une cible prioritaire de Barkhane mais bénéficie de protections en Algérie et au Mali.

Dans le journal français “Le Monde”, le chef de Barkhane fait plusieurs révélations. En premier lieu, il met la lumière sur ce qui se murmure ces derniers temps. “Les groupes armés signataires valident à Bamako des règles qu’ils n’appliquent pas sur le terrain”, lance-t-il.

L’officier français, le général Guibert, qui tient ces propos fracassants, n’est pas n’importe lequel puisqu’il s’agit du commandant de la force Barkhane, depuis N’Djamena, au Tchad. Le commandant de la force Barkhane en profite pour évoquer la nouvelle stratégie que la force anti-terroriste française entend développer face à la tactique de guérilla utilisée par les groupes jihadistes.

L’officier français, qui sait ce qu’il dit, enfonce le clou en disant tout de go que l’application de l’accord pour la paix et la réconciliation nationale, signé en 2015 entre le gouvernement du Mali et les groupes du Nord, traine toujours.

Il pointe un doigt accusateur sur les fossoyeurs de l’accord de paix en ces termes : “Les groupes armés signataires valident à Bamako des règles qu’ils n’appliquent pas sur le terrain, la collusion existe avec les groupes terroristes, les accords piétinent”. Comment ces propos-accusateurs du général Guibert sonneront-ils dans les coulisses du Conseil de sécurité des Nations unies ?

“Barkhane, l’opération militaire que mène la France au Sahel depuis 2014, effectue ‘un mandat charnière’”, selon les mots du général Guibert, qui la commande depuis N’Djamena, au Tchad.

A Paris, des arbitrages pour réorganiser la force sont attendus, calés sur un rendez-vous majeur : le scrutin de l’été 2018 au Mali, au cours duquel le président, Ibrahim Boubacar Kéita, remet son mandat en jeu. Dans ce pays, où ‘Barkhane’ possède sa base principale, tous les indicateurs sécuritaires, politiques, économiques, sont au rouge.

La plus importante opération extérieure française va rester déployée encore longtemps, les responsables français de la défense en conviennent.

Mais il ne s’agit pas non plus de rester trente ans au Mali, dit-on dans l’entourage de la ministre, Florence Parly. Aujourd’hui, ‘Barkhane’ compte 4500 hommes avec les forces spéciales, 500 blindés, des moyens aéromobiles et de renseignement importants, et une logistique à flux tendus sur un territoire de la taille de l’Europe.

“Nous allons passer à une mission de contrôle de zone dans la durée”, précise le général Guibert. Jusqu’alors, ‘Barkhane’ remplissait sa mission de contre-terrorisme à grand renfort de renseignements techniques et d’opérations coups de poing lancées contre les groupes armés depuis plusieurs postes disséminés au nord du Sahel, en Mauritanie, au Mali, au Niger et au Tchad.

Ce modèle, outre qu’il nécessite beaucoup de moyens, s’essouffle. Car “l’ennemi est beaucoup plus dilué, il a adapté ses actions, et nous avons du mal à identifier des katibas-groupes armés-réduites à une dizaine de combattants”, souligne le commandant de la force.

En outre, l’insécurité s’est enkystée au centre du Mali. Dans l’immédiat, il n’y aura donc pas moins de soldats français. Le général veut les déployer sur le terrain pendant des périodes longues, plusieurs semaines, pour “acquérir du renseignement humain auprès des populations”.

“On emploiera toujours des moyens lourds, dit-il, mieux concentrés sur les zones de repli des groupes terroristes. Notre présence doit rassurer, avec des moyens de développement en parallèle”. Pour ‘Barkhane’, le piège est tout autant l’usure que la contestation par la population d’une force bunkérisée, dans un scénario tel que celui vécu par l’Otan en Afghanistan.

 

“Groupes  rustiques”

Alimentés en logistique, non en ressources humaines, depuis la Libye, les groupes classés ‘terroristes’ ne croissent pas leurs effectifs sont estimés à 500 au total. Mais ils ont basculé dans la guérilla – menant des actions-éclair retentissantes sur des points-faibles, casernes de gendarmes, forces onusiennes de la Minusma, écoles, bus civils…

Autoproclamé en mars, le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM) a, selon les sources françaises, consolidé sa fonction de coordination régionale sous la houlette du Touareg malien Iyad Ag-Ghali, une cible prioritaire de Barkhane qui bénéficie de protections en Algérie et au Mali.

L’homme veut chapeauter, outre son propre mouvement Ançar Eddine, le groupe Al-Mourabitoune de Mokhtar Belmokhtar (tué par les Français fin 2016), aujourd’hui conduit par Ould Nouini, les katibas 3Alpha et Al-Furqan, liées à Al-Qaida au nord du Mali et le Front de libération du Macina d’Hamadou Kouffa au centre, en pays peul.

Il faut aussi compter sur Ansaroul Islam, à la frontière du Mali et du Burkina Faso. Et sur l’organisation Etat islamique dans le grand Sahara (EIGS), groupe mené par Al-Sahraoui plus à l’est, entre Ansongo et Ménaka, aux frontières du Mali, du Burkina et du Niger. Avec quelque 180 combattants, il est le seul à avoir accueilli des étrangers, venus de Libye, d’Egypte ou de Tunisie, et tente d’essaimer des cadres dans la région. Mais il recrute surtout des Peuls et est contenu par Ançar Eddine.

Chacun a conservé son autonomie et opère dans sa région propre. Mais des ordres sont passés par Ag Ghali du Nord vers le Sud. Et une coordination tactique apparaît entre l’EIGS et le GSIM, qui s’échangent des spécialistes en explosifs improvisés ou en mortiers. Les katibas sahéliennes, estime le renseignement français, évoluent ainsi volontairement sous le seuil de l’armement lourd (sol-air notamment). “Les groupes restent rustiques et dangereux”, indique un officier de ‘Barkhane’.

Pour l’armée française, le deuxième objectif, “l’appui aux forces partenaires”, demeure lui aussi un défi. Pour espérer passer le relais, la France doit continuer de mobiliser de nombreux acteurs internationaux. L’armée malienne, aidée par l’Union européenne, reste faible. La Minusma, qui a subi quelque 50 attaques – depuis deux ans, et déplore 149 morts -, est peu efficace. Portée à bout de bras par ‘Barkhane’, la dernière-née, la force conjointe du G5 Sahel, émerge à peine.

Avec les forces américaines déployées dans des zones différentes, ‘Barkhane’ cherche une meilleure coordination. Comptant 800 soldats dans la région, le Pentagone reste le partenaire militaire privilégié de Barkhane, fournissant drones, ravitailleurs et avions de transport indispensables. Paris espère que les moyens américains seront renforcés, après l’embuscade réussie par l’EIGS au Niger, le 4 octobre, qui a tué quatre commandos.

 

Les accords piétinent

Mais le troisième objectif de Barkhane “l’application des accords de paix signés au Mali en 2015 avec les groupes armés touareg du Nord, est un échec total en raison de l’immobilisme de Bamako”. On se focalise sur l’action militaire, qui a des résultats, car les groupes terroristes sont sous forte pression, mais c’est sur le plan politique que tout se joue, répète le général Guibert.

Les groupes armés signataires valident à Bamako des règles qu’ils n’appliquent pas sur le terrain, la collusion existe avec les groupes terroristes, les accords piétinent. Une source française à Bamako ajoute : “La France aurait dû être beaucoup plus ferme pour dire que le gouvernement malien ne respectait pas les accords, on a perdu beaucoup de temps ces trois dernières années et voilà la force instrumentalisée dans le jeu politique malien”.

‘Barkhane’ a devant elle un étroit et difficile chemin de sortie.

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A. M. C. avec Nathalie Guibert

Source: L’Indicateur du Renouveau 

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