L’ex-première du Mali, Adame Ba Konaré, a fait des confidences dans l’ouvrage « Mars des femmes 1991-Chronique d’une révolution malienne » de Cauris Livres.
Historienne et écrivaine, l’épouse d’Alpha Oumar Konaré dont le témoignage a été recueilli par notre consœur Ramata Diaouré, a retracé l’historique de son engagement pour la liberté et la démocratie. ‘’L’historien n’est jamais éloigné du présent et devient toujours « engagé », qu’il le veuille ou non. Je n’ai commencé à militer de façon visible que lors des évènements de 1990 et de 1991. Cependant, mon engagement pour la liberté, la démocratie, la revalorisation de nos traditions, de notre culture, de notre histoire, remontait à plusieurs décennies, à l’époque où, tout jeune, on nous disait : « l’Afrique n’a pas d’histoire. »’’, témoigne Adame Ba Konaré. Elle édifie l’opinion de ses premiers pas de professeur d’histoire africaine à l’Ecole normale supérieure (Ensup) où elle est entrée après son doctorat décroché à Varsovie en Pologne. ‘’On m’avait confié tous les cours sur l’Afrique au sud du Sahara, toutes les régions et toutes les époques confondues. Ces cours étaient auparavant assurés par une enseignante française. Parallèlement à mon métier d’enseignante, j’écrivais beaucoup, l’écriture étant mon autre passion’’, précise-t-elle.
Rôle de l’historien : répondre un peu aux injections du présent
L’initiatrice du Musée de la femme Muso Kunda donne d’autres éléments qui édifient davantage la nouvelle génération sur les causes profondes de son engagement. ‘’Un autre élément important, à chaque fois que je me rendais dans une tribune internationale, on me posait inévitablement la même question : «Mme Konaré, est-ce que les femmes maliennes, les femmes africaines, ont joué un rôle dans l’histoire ?» Cela m’agaçait, car j’étais là pour parler de sujets précis d’histoire, pas de la problématique féminine. A un moment donné cependant, je me suis dit que tout le monde posait cette question, c’était qu’il y avait un problème et que le rôle de l’historien était aussi de répondre un peu aux injections du présent. J’ai donc décidé de « voir cela de près », d’où l’idée du Dictionnaire des femmes célèbres du Mali, qui compte trois cent-six biographies de femmes, dont les figures historiques. J’ai moi-même interviewé soixante-quinze à quatre-vingt-dix pour cent des dames qui y sont citées’’, témoigne l’auteur de « l’Os de la parole ». Mme Konaré explique qu’elle est devenue par la suite ‘’une espèce de confidente, de complice, de porte-voix de ces femmes’’.
La politique : le « truc », l’affaire de mon mari
S’agissant de la politique et de « Les Echos », Adame Ba Konaré confie : ‘’Quant à la politique, c’était le « truc », l’affaire de mon mari. J’étais associée à tout ce qu’il faisait, sauf le militantisme clandestin, auquel je ne me suis jamais réellement mêlée. Les premiers numéros des Echos ont été conçus dans notre salon de Dar-Salam, sur une vieille machine à écrire, avec le regretté Beidy Diarra’’. L’objectif au début du combat en 1990 n’était pas d’obtenir la chute du Général Moussa Traoré mais l’ouverture démocratique. « Au moment du combat de 1990 – 1991, ce que nous recherchions n’était pas fondamentalement le renversement du régime de Moussa Traoré. C’était le multipartisme intégral. Il ne l’a pas compris, parce qu’il tenait à son Congrès et à son parti unique », a fait savoir l’épouse d’Alpha Oumar Konaré, premier président du Mali démocratique.
Celle qui a initié le centre Kadiatou Thiam en hommage à sa mère, relate dans les détails son combat pour la création du Collectif des femmes du Mali (Cofem) dans la mouvance de la lutte pour l’instauration de la démocratie. ‘’C’est à cette même période que l’idée est venue de mettre en place une organisation de femmes pour accompagner le mouvement démocratique. Nous avons commencé à tenir des réunions en sélectionnant les invités par un genre de cooptation. Ainsi est né le noyau du COFEM, avec Sanaba Sissoko, Sy Kadiatou Sow et beaucoup d’autres femmes gagnées par le souffle de la démocratie. La mise en place du COFEM a été quelque chose d’extraordinaire. Un travail rigoureux de proximité a été effectué. Nous nous étions « partagé » les quartiers. Par exemple, avec Manassa Danioko nous avons sillonné l’Hippodrome. Nous avons même imaginé une grande rencontre au stade Modibo Keïta, où ne sont venues pas plus de cinq femmes. Nous avons beaucoup ri ce jour-là. L’ambiance était très bonne et nous nous chahutions beaucoup. Nous tenions les réunions dans le bureau de Lalla Ben Barka et chez Bintou Camara, avec Sy Kadiatou Sow, qui était déjà une figure de proue, Rokia Ba, Bintou Maïga, Bintou Sanankoua, Ramata Dia, Rokia Sanogo, etc., au fur et à mesure des adhésions’’, nous apprend l’ex-première dame du Mali. ‘’Le sigle du COFEM a été élaboré chez moi à l’Hippodrome, avec Manassa Danioko, puis peint par Abdoulaye Konaté’’, précise-t-elle.
L’historienne et enseignante nous apprend qu’elle a contribué à la rédaction du texte de dénonciation des évènements tragiques du 22 mars 1991. Aussi, elle nous renseigne sur sa participation ‘’à toutes les marches en scandant « anw te korolen fè fo kura » autrement dit « de l’ancien, nous n’en voulons plus. C’est du nouveau qu’il nous faut »’’.
‘’Tout le monde était à l’unisson, jeunes, femmes, syndicat, associations….’’, conclut Adame Ba Konaré.
Mars femmes 1991-Chronique révolution malienne petites confidences épouse Alpha Oumar Konaré
Chiaka Doumbia
Source: Challenger