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Burkina (1er volet), la revanche de Blaise Compaoré

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L’ex président Blaise Compaoré

 

En panne de leadership, le Burkina où arrive Emmanuel Macron le mardi 28 novembre, peine à répondre aux espoirs suscités en 2014 par la chute de l’ex président Blaise Compaoré. Une série de Francis Sahel

« Il ne nous reste plus qu’à nous mobiliser pour réserver un accueil chaleureux à Blaise Compaoré, fondateur du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP). Car tôt ou tard, s’il le souhaite, il sera parmi nous ».

S’ils avaient été tenus il y a seulement un an, ces propos de Mathias Ouédraogo, Coordinateur national de la jeunesse du CDP auraient été jugés inacceptables voire indécents. Mais aujourd’hui, le retour éventuel de Compaoré, pour répondre devant la justice pour les uns, pour aider à sauver le pays pour les autres, n’est plus une question qui peut être évacuée d’un revers de la main. Et c’est déjà une revanche que savoure l’ancien président  depuis son exil à Abidjan. Lui qui avait dû fuir Ouagadougou le 31 octobre 2014 avant d’être récupéré puis conduit à la frontière de Côte d’Ivoire dans le cadre d’une opération montée par la DGSE.

En réalité, si l’on parle tant de l’hypothèse d’un retour de Blaise au pays, c’est parce que plus de deux ans après son installation, le nouveau pouvoir n’a pas réussi à répondre aux espérances placées en lui. Là ou Blaise régnait sans partage et régentait tout, Roch Marc Christian Kaboré, son successeur, a choisi de gouverner avec un triumvirat composé de lui, feu Salif Diallo l’ancien président de l’Assemblée nationale décédé le 19 août dernier à Paris, et de Simon Compaoré, le ministre d’Etat chargé de la sécurité publique. Cet attelage entre Roch le modéré, Salif le tacticien et Simon le militant impétueux a produit de nombreux ratés. Le plus emblématique fut le flottement dans la désignation du nouveau Premier ministre. C’est Mme Hadizatou Rosine Coulibaly (actuel ministre de l’Economie, des Finances et du Développement) qui avait été d’abord été annoncé à ce poste avant que le pouvoir ne rétropédale pour porter finalement son choix sur Paul Kaba Thieba, l’actuel titulaire du poste. En dépit de la volonté manifeste d’en minimiser la portée, plusieurs autres couacs sont intervenus à la tête de l’Etat, faisant croire qu’il n’y a pas un seul pilote à bord de l’avion Burkina Faso.

La résurrection du CDP

A la faiblesse du leadership de Roch est venue s’ajouter la difficulté du Mouvement du peuple pour le progrès (MPP), son parti, à prendre la place laissée vacante par le CDP. En effet, si le MPP a été consacré première force politique du Burkina Faso à l’issue les législatives de 2016 avec 55 sièges sur 127, il est loin d’avoir la position hégémonique qui fut celle du CDP sous Blaise Compaoré. Ainsi, 22 sièges seulement séparent le MPP de l’Union pour le progrès et le changement (UPC) de Zéphirin Diabré, chef de file de l’opposition. Alors que le CDP et ses alliés affichaient sous Compaoré une majorité confortable qui leur permettait de faire passer toutes ses lois et qui leur avait même permis d’envisager la modification du fameux (article 37 sur la limitation des mandats présidentiels) par voie parlementaire, le MPP a été obligé de s’appuyer sur de petites formation politiques telles UNIR/PS (5 sièges) pour être majoritaire à l’assemblée nationale.

La disparition brutale de Salif Diallo, son principal stratège, pourrait même affaiblir le MPP sur la scène politique nationale. Profitant de la conjoncture, le CDP a entamé un retour en force. Tout avait pourtant été fait pour l’affaiblir définitivement sous la transition. Le parti de Blaise n’avait pu présenter un candidat à la présidentielle de novembre 2015, il avait également vu ses comptes bancaires geler et plusieurs de ses cadres s’étaient enfuis à l’étranger. Autre entrave, le président du CDP Eddy Komboïgo avait été placé sous mandat de dépôt pour son implication présumée dans la tentative de coup d’Etat de septembre 2015 avant de bénéficier finalement d’une liberté provisoire.

Non seulement le CDP n’a pas disparu du paysage politique malgré toutes ces épreuves, mais il a surtout confirmé son statut de troisième force politique du Burkina Faso. Malgré le contexte défavorable, le parti de Blaise avait obtenu 18 sièges, devenant la troisième force politique représentée au parlement après le MPP et de l’UPC. Il avait récidivé lors des municipales de mai 2017 en s’adjugeant 2134 élus municipaux dans 363 communes.

Vers une recomposition de la scène politique

Au-delà du retour en grâce de ses partisans, c’est l’éclatement de la coalition qui l’a renversé que l’ancien président burkinabé suit avec jubilation depuis son exil doré d’Abidjan. Hier alliés pour chasser Compaoré du pouvoir, le MPP de Roch Marc Christian Kaboré et l’UPC de Zéphirin Diabré sont à couteaux tirés.

« Nous sommes là parce que le MPP a trahi l’idéal pour lequel nous avons, en son temps, parcouru et reparcouru les artères de Ouagadougou et d’autres villes », a déclaré Zéphirin Diabré, chef de file de l’opposition lors d’un meeting organisé en avril 2017 à Ouagadougou. Il a également accusé le pouvoir de Roch de chercher à déstabiliser son parti, en encourageant des dissensions internes, notamment la création d’un nouveau groupe parlementaire à l’Assemblée nationale sous le nom de UPC/RD.

Ironie de l’histoire, le CDP de Blaise Compaoré et l’UPC de Diabré travaillent désormais ensemble pour, disent-ils, défendre la démocratie et obtenir des conditions transparentes pour l’organisation des prochaines échéances électorales, dont la présidentielle de 2020. Le CDP et l’UPC ont été rejoint dans ce nouveau front des partis de l’opposition par l’Alliance pour la démocratie et la fédération/Rassemblement démocratique africain (ADF/RDA) et la Nouvelle alliance du Faso (NAFA) de Djibril Bassolé. Le parti de l’ancien ministre des Affaires étrangères en veut à Roch d’avoir jeté en prison pendant près de deux ans son leader dans le cadre de l’enquête sur la tentative de coup d’Etat militaire du 16 septembre 2015.

Ensemble, les partis de l’opposition dénoncent la « mauvaise gouvernance » et le recul des libertés démocratiques. Il n’en fallait pas plus pour que François Comparoé, le jeune frère de Blaise Compaoré, affirme dans les colonnes de l’hebdomadaire Jeune Afrique : « L’histoire rendra justice à Blaise Compaoré ».

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Source: MondAfrique

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