Rien ne va plus entre la Chambre des mines du Mali présidée par Abdoulaye Pona et le ministère des Mines du Pr. Tiémoko Sangaré. La cause de ce bras de fer est l’institution par le ministère des Mines de la carte d’accès aux sites d’orpaillage. Pour le président de la Chambre des mines, la gestion desdites cartes relève des prérogatives de sa structure. En plus, ce questionnement du ministre Tiémoko Sangaré ” Qui sait si une partie de l’or du Mali ne sert pas à financer le terrorisme dans notre pays ? ” a été très mal pris par les orpailleurs. Et pour mieux informer les adhérents de la Chambre des mines, le président Pona a organisé un point-presse le vendredi 17 novembre 2017 pour éclairer la lanterne des délégués venus des régions minières du Mali (Kayes, Koulikoro, Sikasso et de Ségou).
Dans son introduction, Abdoulaye Pona, le président de la Chambre des mines du Mali, a précisé que la conférence de presse a pour but d’éclairer la lanterne des orpailleurs par rapport au problème de la carte d’accès sur les sites d’orpaillage et à la déclaration du ministre qui traite les orpailleurs “de terroristes”. Il a laissé entendre que, depuis 2013, il s’est battu avec tous les ministres qui se sont succédé à la tête du département des Mines pour la défense des intérêts des orpailleurs parce que ces différents ministres ont tenté de tripatouiller le 1er Code minier de 1991 qui était le meilleur Code. “Cela fait 35 ans que je suis dans l’orpaillage. Et durant ces 35 ans, je ne me suis jamais battu avec quelqu’un. Mais c’est à partir de 2013 que j’ai eu à faire à des ministres parce qu’ils ont tenté de trafiquer des codes miniers qui allaient à l’encontre des intérêts des orpailleurs maliens. Il s’agit du 2e code fabriqué au Canada en 1998 à un million de dollars et du 3e code de 2012. Je me suis opposé à ces codes qui n’étaient pas bons pour les orpailleurs maliens et qui favorisaient la corruption en avantageant les grandes compagnies. Ces deux codes ont été élaborés sans les observations des orpailleurs. Ce qui n’était pas normal parce que l’orpaillage doit bénéficier aux orpailleurs et à l’Etat. Et sans l’association des orpailleurs à l’élaboration des codes, il n’y aura pas de code minier. De 2013 à nos jours, les ministres me combattent parce que l’organisation de la Chambre des mines ne les arrange pas. On me combat pour rien “, a-t-il dénoncé.
Réagissant à l’instauration du registre et de la carte d’accès à l’orpaillage par le ministère des Mines, M. Pona dénoncera cette pratique du département des Mines qui veut se substituer à la Chambre des Mines parce que, selon le président Pona, cette prérogative a été confiée à la Chambre, respectivement par la Loi n° 04-006 du 14 janvier 2004 portant création de la Chambre des mines du Mali, le Décret n° 04-537-P-RM du 23 décembre 2004 fixant l’organisation et les modalités de fonctionnement de la Chambre des mines du Mali, et l’Arrêté n° 2013 3265/MM-SG du 6 août 2013 instituant le registre de la Chambre des mines du Mali. “En instaurant sa carte, le ministère des Mines veut se substituer à la Chambre des mines qui a, dans ses missions, le recensement et l’enregistrement des orpailleurs. Ce qui veut dire que le département est devenu une boutique de vente de cartes d’orpailleurs. Nous avons dénoncé ces ventes de cartes par le département et nous nous y opposerons car cela n’est pas son rôle. En plus, le ministère est en train de vendre ces cartes à 10 000 Fcfa. Nous ne sommes pas d’accord aujourd’hui, nous ne serons pas d’accord demain. Et tant que je suis dans le secteur des mines, je me battrai contre les mauvaises pratiques sur les sites d’orpaillage. Je n’accepterai plus qu’on continue à m’écraser”, a expliqué Abdoulaye Pona.
Les arguments du ministre des Mines
Pour le ministre des Mines, Pr. Tiémoko Sangaré, la motivation de l’instauration de cette carte par son département est d’ordre sécuritaire. Lors du 20e compte rendu du Conseil des ministres, le ministre Sangaré avait expliqué que depuis dix ans son département n’avait pas de statistique réelle sur les productions artisanales d’or. “C’est pour cette raison que nous avons décidé, sous l’instruction du gouvernement, d’organiser et d’encadrer ce secteur. Parce qu’il nous est revenu qu’au moment où notre production nationale était de 50 tonnes, aux Emirats Arabes, il y avait des gens qui avaient acheté pour près de 60 tonnes d’or en provenance du Mali, alors que sur nos 50 tonnes de production nationale, aucun gramme ne va vers les Emirats Arabes. Cela veut dire que, quelque part, il y a quelque chose qui cloche. Donc, pour changer cela, le département des Mines a décidé d’organiser et d’encadrer des mines artisanales. C’est pour cette raison que l’orpaillage est fermé durant les périodes d’hivernage. De nouvelles dispositions seront mises en place à l’ouverture de l’orpaillage, à savoir l’institution des cartes d’accès aux sites d’orpaillage, de registres de vente et d’achat d’or sur les sites d’orpaillage. Il urge d’organiser et d’encadrer le secteur qui représente quatre défis : le défi économique parce que l’Etat ne contrôlant pas la production du secteur artisanal, ne peut pas prélever ses impôts et taxes ; un défi socio sanitaire parce qu’il y a beaucoup de localités où les écoles se vident au profit des sites d’orpaillage ; un défi environnemental parce que des dommages sont causés dans les environnements des sites d’orpaillage ; un défi sécuritaire parce que ne sachant pas qui est sur ces sites, personne ne sait ce qui se passe là-bas. Et qui sait si une partie de l’or extrait sur ces sites d’orpaillage ne sert pas à financer le terrorisme dans notre pays ? Donc, l’organisation et l’encadrement de l’orpaillage traditionnel est une urgence pour le gouvernement. Et c’est le département qui est en train de faire ce travail. C’est le devoir de l’Etat de faire des cartes d’accès pour les sites d’orpaillage pour répertorier tous ceux qui sont sur ces sites. Et celui qui ne veut pas être connu n’aura pas accès aux sites d’orpaillage. L’orpaillage est aujourd’hui pour le ministère des Mines un axe clé parce nous tenons à ce que le secteur soit organisé. Le 2e axe est la petite mine parce que nous voulons que les Maliens deviennent des miniers. Et les Maliens ne peuvent devenir des miniers qu’à partir des petites mines qui sont à la portée des Maliens. Donc, en investissant un peu dans le secteur des petites mines, on pourra tout changer dans notre pays “, avait argumenté le ministre Sangaré.
“Et qui sait si une partie de l’or extrait sur ces sites d’orpaillage ne sert pas à financer le terrorisme dans notre pays ?”, la déclaration du ministre des Mines qui fâche.
Cette déclaration du ministre Sangaré n’a pas reçu le consentement des orpailleurs. Parce qu’à leurs dires, le ministre les a traités de terroristes. Par rapport à cette déclaration, le président de la Chambre des mines soulignera que, de 2012 à nos jours, l’or a permis à beaucoup d’orpailleurs de faire des réalisations dans leurs localités respectives. Car, à ses dires, l’orpaillage est comme tous les autres secteurs de développement du Mali.
“Les orpailleurs ne sont pas des terroristes. L’orpaillage est le port du Mali qui emploie beaucoup de diplômés et de non diplômés. Je demande à tous les orpailleurs du Mali de rester unis et soudés derrière la Chambre des Mines du Mali qui est l’unique structure habilitée à éditer des cartes de membres au bénéfice de toutes les professions des mines au Mali “, a-t-il indiqué.
Beaucoup de délégués venus des régions minières se sont inscrits en faux contre la déclaration du ministre des Mines. “En déclarant que les orpailleurs sont des terroristes, le ministre des Mines nous a provoqués. Si nous étions des terroristes, nous n’allions pas construire des écoles, des centres de santé et autres infrastructures dans nos localités. Nous ne voulons pas la carte d’accès à l’orpaillage du ministre. IBK doit ouvrir les yeux car Tiémoko Sangaré n’est pas pour l’intérêt du Mali. Nous ne pardonnerons jamais à Tiémoko Sangaré. C’est Tiémoko lui-même qui est terroriste”, a indiqué Bakary Magassouba (1er vice-président de la Chambre régionale des mines de Koulikoro.
Selon le témoignage de beaucoup de délégués, c’est Seydou Kéita de la Fédération nationale des orpailleurs du Mali (Fnom, une création du ministre des Mines à leurs dires), qui serait l’instigateur de la zizanie sur les sites d’orpaillages.
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Siaka Doumbia
Source: Aujourd’hui-Mali