Le Mali est devenu une vraie passoire. Ou, si vous voulez, un moulin. Non content de laisser le nord sous la coupe des rebelles de la Coordination des mouvements de l’Azawad, notre pays entretient sur un pied de roi les chefs de ladite rébellion: ces bonshommes enturbannés logent ainsi, à l’œil, dans des palaces de luxe à Bamako. Au menu: des salamalecs le matin, des plats croustillants à midi, du lait de chameau la nuit et, bien entendu, des massages de pieds. Habitués à ces gâteries, messieurs les bandits armés font durer leur plaisir en multipliant les attentats à longueur de journée.
Du coup, le feu s’est transporté du nord au centre du pays. A part la ville de Sévaré où siègent le poste de commandement opérationnel de l’armée et, tout récemment, l’état-major du G5 Sahel, aucune localité de la cinquième région ne connaît la paix. Groupes rebelles et groupes terroristes se répartissent les rôles pour faire régner la terreur. Le président de la Haute cour de justice, l’honorable Abdramane Niang, en sait quelque chose: pour avoir voulu se rendre en tournée électorale à Téninkou, le compère a failli se faire cueillir par des terroristes postés sur son chemin. C’est à Allah seul qu’il doit son salut, et non aux soldats envoyés à son secours et qui, comme toujours, arrivent en retard.
A présent, le rouleau compresseur ennemi s’étend à la région de Ségou. Sans aucun respect pour la mémoire des fiers guerriers bambaras qui reposent là: je veux parler des Tondjons de Biton Coulibaly et de Da Monzon Diarra. Et ce n’est pas le juge de Niono, Soungalo Koné, qui me démentira: au moment où j’écris ces lignes, le pauvre magistrat se trouve entre les mains de ses ravisseurs qui, pour reprendre la formule officielle consacrée, sont des « hommes armés non identifiés ». Outre Niono, les villes de Diabali et de Nampala, toutes dépendantes de la région de Ségou, servent de fiefs aux groupes armés qui y font la pluie et le beau temps.
On aurait pu penser qu’après avoir perdu pied au nord et au centre, nos braves forces de défense et de sécurité se débrouilleraient pour sécuriser le reste du pays (30%).Mais voilà: elles viennent de subir de lourdes pertes (4 morts) à Niéouléni, dans la région de Kayes, à la frontière guinéenne. Le comble, c’est que les assaillants ne ni des commandos américains, ni des forces spéciales israéliennes, mais plutôt … des chasseurs traditionnels guinéens ! Question: depuis quand des chasseurs armés de fusils artisanaux mettent-ils en déroute une troupe de gendarmes armés de fusils-mitrailleurs ? Ou bien nos forces sont-elles équipées de mitrailleuses en bois ? Je n’en reviens toujours pas ! On me répondra que sur le site d’orpaillage de Niéouléni, les gendarmes en poste ont été surpris par les chasseurs. A quoi je rétorque : un poste de gendarmerie doit-il se laisser surprendre ? Surtout, doit-il l’être par de simples chasseurs de lézards et de canards sauvages ? On me rapporte d’ailleurs que le site n’en est pas à son premier conflit entre orpailleurs maliens et guinéens: ce constat aurait dû pousser les gendarmes à la plus grande vigilance, d’autant qu’un gendarme est d’abord un agent de renseignements. Si, par un moyen ou un autre, des chasseurs guinéens viennent à bout d’une troupe malienne, qu’adviendra-t-il le jour où l’armée guinéenne envahit le Mali ? J’avais tendance à croire qu’en fait de chasseurs, nos forces de gendarmerie ont été plutôt décimées par des colonels guinéens déguisés : mais j’abandonne cette thèse que notre général-ministre, Salif Traoré, exclut d’emblée. Alors, s’agirait-il de chasseurs invulnérables aux balles leurs ancêtres Soumangourou Kanté et Soundjata Kéita ?
Et puis je m’interroge: au lieu de laisser là, à la frontière, quelques malheureux gendarmes, pourquoi n’y a-t-on pas déployé un bataillon de soldats ? Faute d’effectifs militaires suffisants, pourquoi ne pas déployer les policiers au lieu de les laisser s’agglutiner à dix ou vingt à chaque carrefour de la capitale? C’est vrai qu’après l’attaque du siège d’Ecobank, l’an dernier, la police a eu le courage de tenir une étrange conférence de presse pour raconter qu’elle n’avait pas pour mission de traquer les bandits mais de réguler la circulation routière ! Encore un peu, nos fameux policiers demanderaient à devenir écrivains publics en service à la poste! Ainsi donc, pourquoi les citoyens se saigneraient-ils pour leur payer des pistolets, un uniforme et un salaire juste pour réguler la circulation? Un bâton de berger y suffirait!
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Tiékorobani
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Source: Le Procès Verbal