Sa visite en tant que candidat à la présidentielle n’était pas passée inaperçue. Cette fois-ci, c’est en tant que chef de l’Etat qu’Emmanuel Macron se rend ce mercredi 6 décembre en Algérie. Une visite de quelques heures au cours de laquelle le président français rencontrera le président Abdelaziz Bouteflika. Au cœur de ce déplacement : la coopération économique, la lutte antiterroriste, mais aussi sur la question mémorielle.
Emmanuel Macron veut « tourner la page ». Comprendre : il ne va pas revenir sur ses propos de février, fait savoir l’Elysée. Alors candidat, il avait suscité une vive polémique en France en qualifiant la colonisation française de « crime contre l’humanité ».
Dans la foulée de son discours de Ouagadougou la semaine dernière, Emmanuel Macron souhaite « regarder le passé colonial de la France en face » et « construire une nouvelle relation » avec l’Algérie. Il s’agit pour le jeune chef de l’Etat, issu d’une génération qui n’a pas connu la guerre, d’« assumer l’héritage commun » des deux pays, comme il l’a fait savoir à Abdelaziz Bouteflika l’été dernier.
Les propos du candidat Emmanuel Macron avaient séduit côté algérien, mais jusqu’où peut aller le président Emmanuel Macron sur un dossier aussi sensible des deux côtés de la Méditerranée ? L’Elysée promet des annonces. Les autorités algériennes, elles, réclament toujours des excuses officielles. Elles ont aussi d’autres demandes, comme la restitution des crânes des résistants algériens de la guerre, mais aussi la restitution d’un canon datant de la période ottomane et qui se trouve en France depuis près de deux siècles.
Parmi les nombreux sujets discutés, la lutte antiterroriste….
La lutte antiterroriste est souvent un point de discorde entre les deux pays, selon Andrew Lebovitch, chercheur au ECFR, European Council on foreign relations : « Il y a un peu de frustration au sein de certains milieux en France, au sujet de ce qu’ils considèrent comme une participation algérienne limitée ou exagérément limitée aux efforts régionaux contre le terrorisme. Mais le gouvernement algérien soutient qu’ils ont encouragé la lutte antiterroriste régionale. En marge du forum d’Abidjan la semaine dernière, le Premier ministre Ouyahia a souligné que l’Algérie avait dépensé plus de 100 millions de dollars au cours des huit dernières années, en coopération bilatérale, rien que sur la formation et l’équipement d’unités de forces spéciales du Sahel et d’Afrique de l’Ouest.
Mais dans le même temps, l’Algérie est très impliquée sur le plan régional. Il y a depuis des années à la tête de la Commission de paix et de sécurité de l’UA des diplomates algériens. L’Algérie vient d’être nommée coordinatrice de la lutte antiterroriste de l’UA. Donc elle reste impliquée à travers ces mécanismes. Ce n’est tout simplement pas toujours dans le sens et la forme que la France souhaiterait particulièrement avec un Macron qui pousse pour la constitution de la force interarmées du G5 Sahel. »
…. Et la question de l’économie
Les relations commerciales entre les deux pays demeurent soutenues, même si la France perd du terrain face à la Chine.
L’année dernière la France a exporté pour 5 milliards d’euros de marchandises vers l’Algérie et en retour en a importé pour environ 3 milliards d’euros. Au premier semestre 2017 les exportations françaises ont reculé par rapport au premier semestre 2016. La France se maintient au rang de 2e fournisseur de l’Algérie grâce aux exportations de céréales, d’automobiles et de produits pharmaceutiques, mais l’écart se creuse d’année en année avec la Chine, le 1er fournisseur de l’Algérie, en progression rapide.
La France est aussi 2e client, après l’Italie, de l’Algérie, qui lui vend à plus de 90% des hydrocarbures et produits dérivés. En 2017 l’excédent commercial en faveur de la France se réduit en raison de l’augmentation du prix du pétrole et du gaz. Par ailleurs, les investissements français en Algérie sont estimés à 2,3 milliards d’euros. Ces investissements sont concentrés dans le secteur bancaire et dans l’industrie, avec au premier rang l’automobile, suivie de l’industrie alimentaire. En revanche les investissements français dans le secteur des mines et de l’extraction ont fortement chuté depuis 2015.