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L’Arabie saoudite lève l’interdiction des cinémas

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L’Arabie saoudite a levé lundi l’interdiction qui frappait depuis 35 ans les salles de cinéma, une ouverture de plus dans ce royaume ultraconservateur musulman initiée par le prince héritier Mohammed ben Salmane.

Le gouvernement a annoncé qu’il commençait immédiatement à accorder des licences et que les premiers cinémas devraient ouvrir leurs portes en mars 2018.

Outre la stimulation d’une industrie cinématographique locale, cette décision confirme la volonté des autorités de faire du secteur du divertissement un élément de transformation sociale dans un pays régi par une forme rigoriste de l’islam.

Le projet fait partie d’un vaste programme de réformes destiné à réduire la dépendance du pays vis-à-vis du pétrole. Appelé Vision 2030, ce plan ambitieux a été présenté en avril 2016 par le prince Mohammed, 32 ans, et il a été mené à marche forcée depuis, malgré la grogne des milieux conservateurs.

“Les cinémas commerciaux seront autorisés à opérer dans le royaume à partir du début 2018, pour la première fois depuis plus de 35 ans”, a déclaré le ministère de la Culture et de l’Information dans un communiqué.

“C’est un moment décisif dans le développement de l’économie culturelle du royaume”, a dit le ministre de l’Information, Awwad Alawwad.

L’Arabie saoudite devrait avoir plus de 300 cinémas, avec plus de 2.000 écrans de projection, d’ici 2030, selon le ministère.

Comme la plupart des espaces publics, les salles de cinéma devraient avoir des sections séparées pour les hommes et pour les femmes et une section pour les familles.

Et “les films seraient soumis à un comité de censure qui veillera à ce que leur contenu respecte les valeurs (de la société saoudienne) et ne contrevienne pas aux lois en vigueur”, a ajouté le ministère.

– ‘Belle journée’ –

Les milieux religieux radicaux, qui considèrent le cinéma comme une menace pour l’identité culturelle et religieuse, ont joué un rôle déterminant dans son bannissement dans les années 1980.

Le plus haut dignitaire religieux d’Arabie saoudite, Abdel Aziz al-Cheikh, avait mis en garde en janvier contre la “dépravation” que colporte cet art en affirmant qu’il corromprait la morale.

Mais les autorités ne semblent pas avoir tenu compte de cet avertissement.

Les Saoudiens eux-mêmes semblent surpris par le rythme des réformes qui incluent la décision de permettre finalement aux femmes de conduire à partir de juin et de les autoriser à se rendre dans des stades pour des évènements sportifs. Mais les Saoudiennes restent soumises à des restrictions: porter le voile intégral en public et avoir l’assentiment d’un tuteur masculin -père, mari ou frère- pour voyager ou faire des études.

Ces derniers mois, l’Arabie saoudite a organisé des concerts de musique, un festival de culture pop Comic-Con et une fête nationale mixte qui a vu des gens danser dans les rues pour la première fois sur de la musique électronique.

La transformation sociale va de pair avec la promesse de Mohammed ben Salmane de ramener l’Arabie saoudite à un islam “ouvert et modéré” et de “détruire” les idéologies extrémistes.

Les cinéastes saoudiens affirment depuis longtemps que l’interdiction des cinémas n’a pas de sens à l’ère de YouTube.

Des films saoudiens ont eu du succès à l’étranger, utilisant Internet pour contourner les canaux de distribution classiques et parfois la férule des censeurs d’Etat.

“C’est une belle journée pour l’Arabie saoudite”, a déclaré sur Twitter la réalisatrice saoudienne Haifaa al-Mansour en réaction à l’annonce sur les cinémas.

– Catalyseur de croissance –

Le film “Wadjda” de Haifaa al-Mansour, qui dépeint le rêve d’une fillette de se procurer un vélo, comme les garçons de son quartier conservateur, est entré dans l’histoire en 2013 après avoir été sélectionné pour les Oscars.

Cette année encore, l’Arabie saoudite est en lice pour un Oscar avec le film “Barakah Meets Barakah”, la première comédie romantique du royaume qui a déjà été présentée au Festival international du film de Berlin.

Sans salles obscures, les cinéastes estimaient difficile d’investir dans des films locaux, ce qui laissait la voie libre aux productions étrangères dépeignant les Saoudiens comme des primitifs ou des extrémistes.

“Aujourd’hui, nos jeunes hommes et jeunes femmes montreront au monde entier des histoires qui valent la peine d’être vues”, a déclaré le cinéaste saoudien Aymen Tarek Jamal sur Twitter. “Félicitations à la génération 2030”.

Au plan purement économique, les autorités espèrent une contribution de 24 milliards de dollars du secteur à l’économie, 30.000 créations d’emplois directs et 130.000 créations d’emplois indirects.

Les Saoudiens dépensent des milliards de dollars chaque année pour voir des films et visiter des parcs d’attractions dans des centres touristiques voisins comme Dubaï.

AFP

 

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