Des velléités visant à piétiner les arrêts de la Cour d’assises et de la Chambre d’accusation ne sont pas à encourager dans une République tout comme les lenteurs observées dans le jugement de l’affaire dite des bérets rouges. Les menaces proférées dans une lettre adressée au Directeur général de la Gendarmerie par les militaires et paramilitaires détenus dans le cadre de cette affaire seront assimilables à des infractions pénales s’ils mettent à exécution leur plan.
Les militaires et paramilitaires détenus dans l’affaire dite des bérets rouges, du nom de ces militaires du 33ème Régiment du commando parachutiste de Djincoroni Para exécutés et jetés dans une fosse commune à Diago, montent au créneau pour exiger leur mise en liberté en attendant la tenue du procès. Ils ont envoyé une lettre au Directeur général de la Gendarmerie afin de signifier leur volonté de quitter, ce 22 décembre 2017, leurs lieux de détention. Le général Amadou Haya Sanogo et ses co-accusés sont soutenus par leurs épouses qui projettent de battre le pavé ce vendredi 15 décembre 2017. Cette marche qui partira de la Place de la Liberté, devrait prendre fin à la Primature où le collectif des femmes des militaires et paramilitaires envisage de remettre une déclaration au Premier ministre réclamant la libération de leurs maris à défaut de la tenue d’un procès dans un délai bref. Ladite marche s’inscrit dans le cadre d’une série d’actions qui a commencé il y a quelques semaines avec une grève de la faim d’une semaine observée par les détenus. Jusque-là, ces actions étaient perçues comme des moyens de pression sur les plus hautes autorités afin d’accélérer la tenue de ce procès qui avait pourtant commencé en novembre 2016 avant d’être renvoyé pour de nouvelles expertises.
Les manœuvres visant à faire croire que la détention du général Amadou Haya Sanogo et de ses co-accusés est illégale, constituent une manipulation de l’opinion à des fins inavouées. Si l’on s’en tient aux dispositions du Code de Procédure Pénale et de l’arrêt du 8 décembre 2016 de la Cour d’assises de Bamako transportée à Sikasso, la détention du général Amadou Haya Sanogo et de ses co-accusés n’est pas contraire aux textes de la République.
Contrairement à une opinion largement répandue, il n’existe pas dans le Code de Procédure Pénale du Mali l’expression « liberté provisoire ». Le Code, qui a fait la liberté la règle et la détention l’exception, parle simplement de mise en liberté.
Les soutiens de l’ex-Président du CNRDRE appuient leur argumentaire par l’article 135 du Code de Procédure Pénale qui dit qu’« En matière criminelle, la durée du mandat de dépôt ne peut excéder un an. Toutefois, si le maintien en détention provisoire paraît nécessaire, le juge d’instruction doit renouveler cette détention par ordonnance spécialement motivée dans les huit jours ouvrables précédant l’expiration du délai ci-dessus spécifié. La prolongation de la détention provisoire peut intervenir chaque année. Cependant, en aucun cas, la détention provisoire de l’inculpé en matière criminelle ne peut excéder 3 ans ».
En poussant un peu plus loin notre lecture, nous découvrons les dispositions de l’article 137. Selon cet article, en cas d’ordonnance de transmission des pièces au Procureur général, les dispositions des articles 132 sont applicables en ce qui concerne le maintien en détention. Que dit l’article 132 ? Simplement ceci : « L’ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel met fin à la détention provisoire. Toutefois, le prévenu peut être maintenu ou exceptionnellement mis en état de détention provisoire jusqu’à sa comparution devant le tribunal par une ordonnance distincte spécialement motivée prise le même jour que l’ordonnance de renvoi et justifiée par des mesures de sûreté ».
« L’ordonnance de prise de corps se substitue au mandat de dépôt »
Le cas du général Sanogo peut être classé dans ce registre. Le juge d’instruction a bouclé son instruction. Le dossier a été transmis au Procureur général près la Cour d’Appel de Bamako. La Chambre d’accusation a étudié le dossier et a décidé de façon souveraine de traduire l’accusé devant la Cour d’Assises. Elle a pris un arrêt de renvoi devant les assises. Pour les spécialistes des sessions de la Cour d’Assises, les arrêts de renvoi de la Chambre d’accusation contiennent une ordonnance de prise de corps. Qu’est-ce que c’est ? Après une petite recherche sur la toile mondiale, on sait qu’il s’agit d’une disposition obligatoirement insérée dans l’arrêt de mise en accusation et en vertu de laquelle l’accusé doit être, s’il ne l’est déjà, mis en état d’arrestation.
Mieux, le procès entamé au cours d’une session spéciale de la Cour d’assises a été renvoyé pour des nouvelles expertises à la demande des avocats de la défense. Dans son arrêt de renvoi en date du 8 décembre 2016, la Cour d’assises, présidée par le Premier président de la Cour d’appel de Bamako, Mahamadou Berthé, a rejeté la demande de remise en liberté des accusés. Selon la Cour, l’ordonnance de prise de corps se substitue au mandat de dépôt. La mise en liberté des accusés est de nature à nuire au bon fonctionnement du procès et à la manifestation de la vérité.
Récemment, les avocats de la défense sont revenus à la charge devant la Chambre d’accusation qui a rejeté leur demande de mise en liberté.
Des velléités visant à piétiner les arrêts de la Cour d’assises et de la Chambre d’accusation ne sont pas à encourager dans une République tout comme les lenteurs observées dans le jugement de cette affaire. Les menaces proférées dans une lettre adressée au Directeur général de la Gendarmerie par les militaires et paramilitaires détenus dans le cadre de cette affaire seront assimilables à des infractions pénales s’ils mettent à exécution leur plan.
Chiaka Doumbia