Crise malienne situation sécuritaire recettes Yehiya Ag Mohamed Aly
Depuis la fin de l’année 2017, l’ancien ministre de l’Artisanat et du Tourisme pendant la transition de 2012, s’active avec des propositions sur la crise malienne et la situation sécuritaire du pays. Qui, selon lui, ne préoccupent plus personne. Dans une série de publications sur sa page facebook, il a fait 7 propositions de sortie de crise que nous vous proposons. C’est une contribution pour aider les autorités maliennes et les acteurs de la crise.
L’année 2017 s’achève dans l’incertitude pour notre pays tiraillé entre une rébellion qui persiste, une insurrection religieuse qui s’étend sur la quasi-totalité du nord, du centre et du centre ouest. La classe politique, à Bamako, est préoccupée par le calendrier électoral, avec l’espoir de congédier IBK et ses soutiens. Profitons de la rupture symbolique de fin d’année et de début d’une nouvelle année pour nous demander où nous allons. Le moment n’est-il pas arrivé de chercher à comprendre ce qui nous arrive et à y remédier ?
Notre pays a une expérience de résolution de conflits, mais nous en avons fait fi pour confier notre destin à la Minusma et à la communauté internationale. Je ne suis pas en train de cracher dans la soupe, je reconnais l’apport de la France et des Nations unies dans le sauvetage de notre pays, mais les standards de la Minusma en matière de résolution de la crise ne nous sont pas applicables. Reprenons notre destin en main sans fanfaronnade ou intimidations, et prenons contact avec nos frères qui nous attaquent pour comprendre leurs griefs, cela grandira notre nation. Les démonstrations martiales d’engins de guerre contre son propre peuple sont une faiblesse. Que Dieu sauve notre pays et accorde lucidité et sagesse à nos dirigeants.
Le discours du président de la République
Le discours du président de la République s’adresse essentiellement à ses contradicteurs. Il a parlé à son peuple pour lui demander de servir de dénonciateurs. Nous avons cette politique de déni depuis quatre ans et notre pays s’enfonce dans la violence et la misère chaque jour. Je supplie le président et le nouveau Premier ministre de regarder les choses en face et comprendre que notre peuple est meurtri et désespéré.
Nous avons besoin de calme, de générosité, la vraie, celle qui consiste à comprendre à défaut de pouvoir secourir, le discours martial, la revendication d’une légitimité fortement dissoute dans les promesses oubliées et les postures contrariées ne feront que précipiter notre implosion.
Je m’adresse à mon grand-frère Soumeylou, je te prie de prendre la pleine mesure de la situation, comprendre qu’à ce niveau, tes seuls adversaires c’est la fragilité de notre pays, le manque de confiance de notre peuple dans ses dirigeants et la misère profonde amplifiée par des récoltes médiocres. SBM, calme le jeu, retrouve tes réflexes de coach de basket, ils t’aideront. Que Dieu vous accorde sagesse, clairvoyance et humilité. Bonne et heureuse année au peuple malien.
La loi d’entente nationale
Que recouvre ce concept ? Il s’agit d’un concept inspiré de l’expérience algérienne pour mettre un terme à l’insurrection islamiste qui a fait suite aux élections gagnées par le Fis en 1991. Il s’agit de convaincre les insurgés de déposer les armes contre une amnistie et une réinsertion sociale. Cela est-il transposable au Mali ?
La réponse à notre avis est oui, mais sous certaines conditions. 1 : Un tel deal est basé sur la confiance et la crédibilité qu’inspirent ceux qui portent le projet. 2 : Prendre contact avec les leaders de l’insurrection, cela est parasité par l’implication de nos partenaires qui imposent ceux éligibles au dialogue. 3 : Un État fort capable d’exercer la force juste contre ceux qui s’excluent du dialogue. 4 Enfin, une gouvernance capable de réunir les forces politiques autour du projet sans malices ou calculs politiciens.
L’Algérie a réussi sa loi de concorde nationale car les Algériens ont fait face seuls, refusant toute ingérence extérieure dans leurs affaires. Le Mali actuel peut-il satisfaire ces conditions ? À mon avis, non ! La gouvernance actuelle n’inspire confiance à personne, le gouvernement actuel est perçu comme un exécutif de répression au service de la réélection d’IBK.
Les conclusions de la conférence d’entente nationale, socle de la future loi, n’ont pas été acceptées par toutes les parties de l’accord, issu du processus d Alger, ce qui en fragilise la portée. En conclusion, il s’agit du premier couac du cardinal, car il s’agit bien d’une initiative de Soumeylou qui en faisait la baguette magique pour le problème au Mali.
Bref rappel
Notre pays a connu une succession de rébellions et ou de révoltes essentiellement dans le Nord. Nous ferons l’économie de l’histoire de 1963. Pour nous concentrer sur 1990 à nos jours. La rébellion de 1990 a éclaté en fin juin 1990 par une attaque à Ménaka et depuis lors il y a eu une succession d’attaques dans la région de Gao (Kidal faisant partie de Gao). Ces attaques ont été revendiquées par le MPA dirigé par Iyad Ag Rhaly. Le régime de Moussa Traoré faisait face à une forte contestation interne conduite par le mouvement démocratique avec comme tête de proue : AJDP, ADEMA, CNID, aidés à partir de janvier par l’AEEM.
Moussa Traoré acculé à l’intérieur a mobilisé ses relais chefs traditionnels et surtout l’Algérie pour calmer le front Nord par la signature des accords dits de Tammanrasset en janvier 1991. Le régime de Moussa Traoré a été balayé par une insurrection populaire animée par l’AEEM et parachevée par des officiers tous proches de Moussa Traoré. Des organes ont été mis en place pour diriger une transition de 14 mois ; ces organes ont été animés par le mouvement démocratique civil et militaire. Une conférence nationale s’est tenue pour doter le pays d’une nouvelle constitution.
La Conférence nationale était devenue un forum de validation des propositions des leaders du mouvement démocratique, les proches non encore recyclés étaient bannis du débat. La chute de Moussa Traoré s’est faite suite à une répression terrible contre le peuple faisant près de 300 morts. Le peuple était en divorce avec son armée, malgré le parachèvement de la chute de Moussa. Le front Nord a recommencé à bouillonner avec des attaques aveugles contre des populations civiles sédentaires, des vols avec violence. Les rebelles ont profité de la trêve pour étendre leur influence à la région de Tombouctou qui avait été épargnée avant les accords de Tammanrasset…
Propositions de sortie de crise 3
Les stratèges du CTSP, surtout les militaires, ont vite compris l’avantage qu’ils pouvaient tirer du pourrissement au Nord. Ils ont financé une série de journaux ouvertement racistes et qui appelaient à la vengeance contre les Touaregs et les Arabes. Les officiels, y compris, au sommet de l’État, avaient un langage ambigu officiellement et se lâchaient totalement en privé contre les esclavagistes. Les populations ont été confrontées à une nouvelle menace menée par les rebelles et cela a accéléré la réconciliation de l’armée et de son peuple.
L’armée, ainsi conditionnée, a été envoyée au Nord pour mettre fin à la rébellion et ôter aux rebelles toute envie de reprendre les armes. Une répression massive s’abattit sur la population civile arabo-touareg obligée de s’exiler ou de se réfugier à la lisière du Sahara dans des zones inaccessibles aux convois militaires. L’opinion internationale, surtout française, admirative du Mali qui refait sa révolution de 1789, a commencé à s’interroger. La pression a commencé à monter sur le gouvernement de transition et il lui a été demandé d’ouvrir des nouvelles négociations avec la rébellion.
Les stratèges de l’Adema, qui ont commis un des leurs pour surveiller le président de la transition, ont compris qu’il commettait des erreurs qui le disqualifient pour prolonger son bail. Il faut souligner que le CTSP avait en son sein deux représentants des mouvements de la rébellion et qu’un ministre était au gouvernement pour le compte de la rébellion.
Les Maliens étaient entre eux et pouvaient trouver une solution nationale à leur différend, mais deux experts ont été commis pour proposer une monture d’accord sous la méditation algérienne. Les experts sont aujourd’hui décédés : Edgar Pisani et Ahmed Baba Miske (paix à leur âme). Le pacte national fut signé en grande pompe le 11 avril et le président Konaré déjà élu, mais non encore investi, était présent pour marquer son engagement à l’appliquer.
Propositions de sortie de crise 4
En juin 1992, le président Konaré prend le relais de la transition et le mouvement démocratique s’installa au pouvoir. Les principaux animateurs de la révolte contre Moussa se répartissent les postes clés de l’exécutif, du législatif et une partie du judiciaire (cour constitutionnelle). Les démocrates ne peuvent se permettre d’avoir du sang sur les mains (la répression pendant la transition est mise sur le dos des militaires), les faucons qui ont poussé à la répression contre les Arabo-touaregs sont très forts et n’ont pas renoncé au projet de nettoyage ou au moins d’élagage ethnique. Ils vont susciter la création d’une milice d’autodéfense sédentaire, Ganda Koy, dirigée par un capitaine de l’armée, dont la branche politique est animée par un avocat, encore aujourd’hui au cœur du processus d’Alger. Le Ganda Koy a commencé à revendiquer les exactions commises par l’armée des démocrates.
Très vite, les concepteurs du Ganda Koy ont crié au risque de guerre civile et ont inventé le concept de conflits intercommunautaires. Ce concept sera galvaudé, il sera financé par les partenaires financiers qui le légitiment. Autour de ce concept, on va régler des comptes sans que la justice ne s’implique et c’est de là que les fondements de notre État ont été déstabilisés.
Afin de réduire la composante la plus dure de la rébellion, l’Arla dirigée par Galla et Gamou, le pouvoir central profite d’un conflit né après l’assassinat de feu Bilal D’amour, par des éléments de l’Arla, pour exacerber ce conflit. Ainsi, les stratèges démocrates ont instrumentalisé le MPA d’Iyad pour faire dégénérer cela en conflits Imghads-Ifoghas, avec en filigrane une opposition ADEMA-CNID. Ce conflit tragique est à la base de la déstabilisation du Nord du Mali jusqu’à ce jour. La liquidation de l’ARLA a aussi entraîné la liquidation du CNID à Kidal. Le CNID était au gouvernement, mais les censeurs politiques (les mêmes aujourd’hui) avaient décrété que le MPA était un mouvement patriote et l’Arla des séparatistes, soutenir l’Arla c’était trahir le pays. Il est important de souligner que l’Arla est le père du GATIA et le MPA celui du HCUA. Les tireurs de ficelles sont pratiquement les mêmes toujours à la manœuvre et en position de force.
Les démocrates au pouvoir font amplifier la privatisation de l’économie qu’ils ont reprochée à Moussa. Les sociétés d’économie mixte fleurissent, dont ils sont les principaux détenteurs des parts du capital privé : ACI, Pmu-Mali, Malitel (privé et revendu à Sotelma)… Les démocrates se constituent alors en une classe sociale à part rentière d’État.
À la fin du deuxième mandat de Konaré, le principal parti du mouvement démocratique se fracture en plusieurs partis, qui resteront toujours aux affaires, même sous ATT 2. ATT a eu à gérer comme premier gros dossier la libération des otages autrichiens et allemands en 2003. Pour les négociations, il a fait appel à Iyad Ag Ghaly dont l’implication a accéléré la libération. Le gouvernement allemand a invité ATT pour une visite d’Etat en guise de remerciement. Les prises d’otages se multiplièrent et se dénouent toutes au Mali.
Parallèlement, le Nord-Mali devint une plaque tournante de trafics de drogue. Les retombées des rançons d’otages et des subsides de trafic de drogue sont acheminées par des conseillers spéciaux aux principaux décideurs publics. ATT s’éloigna rapidement d’Iyad, ce que ce dernier sentit comme une menace.
Iyad dirigea les attaques du 23 mai 2006, qui se terminèrent par les accords d’Alger, jamais mis en œuvre. ATT envoya Gamou à Kidal pour y rétablir l’ordre, aidé en cela par le gouverneur AG Ilyene. Kidal devint une zone de non droit, surtout pour les Ibogas. ATT joua l’envers de l’Adema. Les combattants cantonnés des accords d’Alger ne furent pas redéployés, certains grossirent les rangs du groupe de feu Ibrahim Bahanga. Les liens entre le sommet de l’État et le GSPC, devenu AQMI, étaient un secret de polichinelle. C’est dans ce contexte qu’intervint la guerre en Libye et le déclenchement de la rébellion de 2012.
Propositions de sortie de crise 7
Je constate que la mafia sort la grosse artillerie, alors nous irons à la nature de notre crise. Notre crise est une crise institutionnelle : À la chute de Moussa, le mouvement démocratique, convaincu d’arriver au pouvoir, n’a pensé à créer un système institutionnel équilibré, le président de la République est un monarque absolu durant son mandat, qui, sauf accident, est de 10 ans. La justice a été instrumentalisée par les gouvernants. L’économie est entre les mains des gouvernants et de leurs alliés.
Au Nord du Mali, certains chefs de guerre, ayant compris qu’il faut être du cercle proche pour vivre, ont utilisé la violence pour avoir un pouvoir de négociation. Les conséquences : la paupérisation du peuple, la violence instaurée comme mode de revendication surtout au Nord, la perte de crédibilité des politiques. Nous avons déjà frôlé la catastrophe en 2012.
Les solutions
Une nouvelle constitution qui rééquilibre les pouvoirs entre institutions. Une déconnexion entre le monde des affaires et la politique. Inversion du calendrier électoral législatives avant les présidentielles. Un audit international des sociétés d’économie mixte et confiscation au profit de l’État de toutes parts appartenant à des hommes politiques ou à leurs prête-noms. État exhaustif de la propriété des immeubles de l’ACI et autres, confiscation au profit de ceux appartenant à des politiques ou leurs prête-noms. Le peuple malien doit comprendre qu’il est orage d’une mafia tentaculaire qui unit les prédateurs du nord et du sud.
Yehiya Ag Mohamed Aly
Secrétaire aux affaires politiques du parti SADI
Crise malienne situation sécuritaire recettes Yehiya Ag Mohamed Aly
Source: Le Reporter