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Que sont ils devenus ? Soufiana Kéïta dit Soufi : le don à l’épreuve du sort Soufiana Kéïta dit Soufi : le don à l’épreuve du sort

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En parlant de Soufiana Keïta, certains se rappelleront de ce jeune stoppeur du Stade malien de Bamako de la fin des années 1980. Enviable dans une tenue de sport pour son élégance, il avait le secret d’une démarche noble. Evoluant à ses débuts comme milieu offensif, il sera reconverti stoppeur pour donner plus de visibilité à ses qualités. L’homme a manqué de chances. Autrement dit, avec ses qualités de joueur complet, il aurait pu mieux s’imposer au Mali et même décrocher un contrat professionnel. Parce que nul ne peut contester qu’il était un joueur physique, technique et excellent dans les duels aériens. Mais hélas ! Le jeune Keïta a été victime de deux facteurs qui ont eu un impact négatif sur sa carrière. D’abord au Stade malien de Bamako de 1982 à 1986 où l’unanimité a été faite autour de sa valeur intrinsèque, mais aucun entraineur ne lui a donné la chance de s’affirmer. Seul Cheick Diallo lui a tendu une perche. Ce test sonna le déclic et a étalé un boulevard de regrets de toutes ces années pendant lesquelles Soufi a été mis à la touche. Pour l’enfant de Bolibana, c’était le début d’un rêve. Mais dommage ! Un coup fatal le frappa. Comment ?  Nous en parlerons plus bas. Depuis six ans, Soufiana Keïta vit aux Etats Unis avec sa femme, après huit ans passés en Guinée Conakry et onze ans en France. Séjournant ces derniers temps à Bamako pour les vacances, nous l’avons rencontré à Djicoroni Para dans le cadre de la rubrique ” Que sont-ils devenus ? “. L’homme garde toujours sa gentillesse et son amabilité. Et c’est dans le salon de sa mère que l’entretien s’est déroulé. Pour la circonstance, la vieille Mariam Diakité, à qui nous avons expliqué les tenants et les aboutissants de la rubrique, a créé les conditions maximales pour nous faciliter la tâche. Très volontiers, Soufi s’est prêté à nos questions.

yant évolué dans un premier temps à l’équipe “Futur Pelé de Bolibana”, Soufiana Keïta dit Soufi finira par répondre aux sollicitations de ses camarades. Ceux-ci lui ont demandé de les rejoindre dans les catégories de jeunes du Djoliba.

Formé chez Faye !

L’infatigable Aly Koïta dit Faye s’occupait de tous ces gamins des quartiers populaires de Bolibana, Hamdallaye, Badialan, N’Tomikorobougou, Bamako Coura, etc. Son engagement et sa patience résidaient dans une seule conviction : “la patience paie à long terme”. Bien sûr que le centre de formation du Djoliba a donné les résultats escomptés. Cependant, beaucoup de joueurs aussi, tels des oiseaux après leur maturité, ont abandonné ou rejoint d’autres équipes. Moussa Kéïta dit Dougoutigui, Adama Traoré dit Adama Boxeur, Yacouba Traoré dit Yaba font partie de ce lot. A ceux-ci, il faut ajouter Soufiana Keïta.

Après deux ans passés chez Faye (1979 et 1980), il quitte le Djoliba. Dans un premier temps, pour des raisons d’études. Admis en 9ème année, son père lie la pratique du football à son admission au DEF.  Une fois le sésame en poche, rien ne l’empêche alors de reprendre les entraînements dans la catégorie de jeunes des Rouges. Mais c’est plus tard que Faye le reverra, sous les couleurs du Stade malien de Bamako. Pourquoi il n’est pas retourné au Stade Mamadou Konaté où le Djoliba s’entraînait ? Soufi explique les raisons de son détournement : “Chaque année, les vacances étaient marquées par une coupe à Bolibana. La plupart des entraineurs et des joueurs des grands clubs de Bamako venaient assister aux différents matches. En 1982, notre équipe, l’AS Iran, a rencontré en demi-finale l’AS Irak. Je faisais le même club que Seydou Diarra dit Platini, Mamadou Traoré dit Djéran, Drissa Diarra dit Driballon du COB. Après cette rencontre, Mamadou Keïta dit Capi a fait des remontrances à Platini, pour n’avoir pas songé à m’amener au Stade. Face à ses propositions pour le Stade, je n’ai pas hésité à lui dire que c’est le Djoliba qui m’intéressait. Avec des argumentations solides, il m’a convaincu. Ce jour, Capi m’a dit qu’avec la présence au Djoliba des joueurs comme Poker, Muller, Seyba Sangaré, Ousmane Diallo, Issouf Sidibé, il se demande comment je pourrai m’imposer. Or, poursuit-il, j’ai ma chance avec le Stade, surtout que lui-même est là pour veiller à ma progression. C’est dans ces conditions que j’ai signé ma première licence au Stade en 1982, en compagnie de l’entraineur Lamine Traoré dit Jules”.

La rébellion et l’heure de gloire

Soufi et sa génération n’auront passé que trois semaines dans l’équipe réserve des Blancs. Capi leur décerne un certificat de transfert pour évoluer dans le groupe des séniors. Ils ont 18 ans ! Une fois à ce niveau, Soufiana Keïta sera par la suite hanté par la tournure des événements. Capi, qui l’a fait venir au Stade, a été limogé suite à l’élimination du Stade en Coupe d’Afrique de vainqueurs de coupe. Malheureusement, tous les entraineurs qui viendront après Capi ne lui porteront pas leur confiance. Pourtant, les qualités de Soufi sont incontestables. Découragé par le traitement injuste dont il est victime selon son analyse, Soufi décide de rentrer en rébellion. Il abandonne les entrainements pendant quelques jours. Platini et Jules lui demandent de s’armer de patience et qu’au bout de l’attente, viendra son heure de gloire. Ses deux aînés étaient convaincus que leur cadet avait des qualités, mais le problème est que la génération forgée par Capi rentrait dans sa maturité et était indéboulonnable. Par respect, Soufi reprend les séances d’entrainement, mais avec le moral au talon.  Il va rester et se contentera des bouts de matches.

C’est dans cette situation que le coach des Aigles à l’époque, Stève Manfred, malgré le fait que Soufi ne fût pas un titulaire dans son club, avait relevé chez lui des qualités. Il le sélectionna en équipe nationale en 1985 pour une préparation de deux semaines à Alger, sanctionnée par un match amical contre le Niger. Un an après et en pleine saison, suite à un incident avec les dirigeants, Molobaly Sissoko quitta les rênes du Stade malien de Bamako. Cheick Diallo fut appelé pour achever la saison. Soufiana put enfin remercier le Bon Dieu, parce que le nouvel entraineur le mit en confiance, dopa son cœur afin qu’il profitât de l’occasion à lui offerte.

Dans l’avion et en partance à Dakar pour un tournoi qui devait regrouper le Hafia FC de Conakry, la J.A de Dakar, l’US Gorée et le Stade malien de Bamako, Cheick lui fit part de ses intentions, celles de le faire évoluer comme stoppeur. Le jeune Soufi rejeta de façon polie cette décision de son coach. Mais celui-ci resta campé sur sa décision, tout en lui promettant de le ramener à son poste initial, au cas où il ne serait pas efficace dans l’axe. Pour cela, Soufi se rappelle que Cheick Diallo le prenait avec Mamadou Coulibaly dit Kouicy après les entrainements collectifs, pour leur administrer certains paramètres des systèmes de jeu. L’enfant de Bolibana relèvera ce défi et surprendra tout le monde par ses anticipations, ses interventions et surtout ses relances. Au retour de l’équipe stadiste à Bamako, un match important de championnat contre l’AS Réal l’attendait. L’absence du pilier de l’axe central, Lassine Soumaoro, pour blessure, sema la panique générale. Cheick Diallo, par son entêtement à titulariser un novice, en rajouta à la frayeur. Surtout qu’en son temps, le jeune avant-centre des Scorpions, Abdramane Papa Coulibaly et le virevoltant ailier, Sékou Coulibaly, étaient au sommet de leur art. D’où l’appellation : attaque électronique, servie en munitions par Amadou Pathé Diallo “Vieux”. Mais Lassine Soumaoro rassura la famille blanche avec l’adage selon lequel “C’est en forgeant qu’on devient forgeron”. Il en a été ainsi car intronisé titulaire depuis, Soufi s’est montré comme un élément incontournable de la défense des Blancs de Bamako jusqu’en 1993, année à laquelle il s’exila en Guinée.

Dans son palmarès au Stade malien de Bamako, un titre de champion, en 1986, une super coupe du Mali, une coupe du Mali, une coupe Ufoa remportée en 1992 contre le Hafia FC de Conakry.

La douche froide

Pour en revenir à l’équipe nationale, après un tour en 1985, il signe son retour deux ans plus tard à la faveur d’un tournoi d’amitié à Ouagadougou et du match amical à Bamako contre le Sporting Club du Portugal. Dans la même foulée, Soufiana Keïta est de la campagne des Aigles qui s’est qualifiée au Maroc après un nul à domicile en éliminatoires de la CAN de 1988. Après cet exploit à Rabat, les protégés de Kidian Diallo sont internés au lycée de Badalabougou pour préparer le tournoi Amilcar Cabral devant se tenir en Guinée Bissau. La carrière de Soufi prendra une douche froide, un sérieux coup. Il est victime d’un accident de la circulation à la sortie de l’internat.

Comment son rêve s’est-il transformé en cauchemar ?

Soufi se rappelle au détail près des circonstances dans lesquelles il s’est retrouvé sur le lit d’hôpital : “En partant à l’entrainement au stade omnisport, les joueurs et l’encadrement ont embarqué dans le car. Boubacar Sanogo et moi avions préféré prendre la moto. Parce que la nuit, nous devions faire un tour dans nos familles respectives. Malheureusement, en sortant du lycée Badala, un véhicule remontant la pente à toute allure nous a percutés. Sanogo a anticipé le choc en sautant de la moto. Au même moment, je me suis retrouvé sur le toit du véhicule que conduisait une dame. Conséquence immédiate : une fracture à la cheville, des petites plaies sur la tête. A ce niveau, il faut remercier tout ce monde qui s’est chargé de notre évacuation sur l’hôpital Gabriel Touré où le seul spécialiste, le Professeur Abdou Touré, était permissionnaire. A l’époque, pas de téléphone cellulaire. Comment le retrouver ? Entre temps, je souffrais atrocement. Finalement, il sera retrouvé et en bon spécialiste Abdou a réussi l’intervention chirurgicale. Ce jour, l’équipe ne s’est pas entrainée et tout Bamako s’est retrouvé au centre hospitalier pour me témoigner sa sympathie et sa solidarité. Le lendemain matin, quand j’ai ouvert les yeux, c’est Seydou Diarra dit Platini, très ému, à l’instar des autres camarades, qui était assis à côté de moi. C’est vrai que l’accident a freiné ma progression en équipe nationale, mais si l’opération n’avait pas réussi, je n’allais reprendre à jouer au football et jusqu’en Guinée Conakry. C’est une façon pour moi de rendre hommage à présent au Professeur Abdou Touré pour son professionnalisme “.

L’aventure…

Effectivement, sa décision de rejoindre la Guinée en 1993 est consécutive à l’avenir sombre par rapport à son problème d’emploi. Les promesses des dirigeants stadistes tardaient à se concrétiser. Par le canal de son beau-frère, il s’envola pour Conakry. A peine arrivé, il décrocha un boulot à Métal Guinée comme chef magasinier, grâce à son talent d’excellent footballeur.

En 1996, après avoir contribué à hisser l’équipe de la commune de Rhatoma en première division, le pari était gagné. De commun accord avec les dirigeants du club, il mit un terme à sa carrière.

En 2001, Soufiana Kéïta retourna à Bamako pour s’envoler ensuite pour la France le 20 septembre de la même année.

Dans l’hexagone, Soufi se fit un chemin dans une société où il a évolué durant dix ans. Depuis le 30 août 2012 il vit aux Etats Unis avec sa femme.

Au cours de l’entretien, nous avons compris qu’il a de la peine à se défaire de ce paradoxe lié à ses qualités de bon joueur et ces facteurs qui ont entravé et compromis son avenir footballistique. Cela aurait pu lui ouvrir les portes de l’Europe.

Après tant d’années à l’aventure, Soufiana a-t-il des projets pour s’installer au Mali ? Evidemment ! répond-il. Il compte créer une société de transport pour donner de l’emploi aux jeunes. Mieux, Soufi ambitionne de siéger dans le C.E. de la Fémafoot pour contribuer à l’essor du football malien. Pour cela, il viendra avec ses propositions qui seront axées autour de la politique de jeunes et de la valorisation des joueurs locaux. Comme tous ces anciens internationaux que nous avons rencontrés dans le cadre de cette rubrique, Soufi reconnait que le football lui a beaucoup rapporté. C’est pourquoi, il reste branché au football malien, malgré la distance.

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O. Roger SISSOKO

Source: Aujourd’hui-Mali

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