La bataille autour d’une note confidentielle sur des écoutes du FBI contre la campagne Trump s’envenimait jeudi entre le président américain, les démocrates et la communauté du renseignement, la première épreuve de la courte carrière du discret directeur du FBI.
Au coeur du bras de fer: une note rédigée à partir d’informations secrètes par le controversé président républicain de la commission du Renseignement de la Chambre des représentants, Devin Nunes. L’objet: les écoutes mises en place par le FBI contre un membre de l’équipe de campagne Trump en 2016, dans le cadre des investigations sur les tentatives d’ingérence et de manipulation russes.
La conclusion de cette note, dont Devin Nunes a demandé au président Donald Trump d’autoriser la publication, peut-être dès les prochains jours: le FBI s’est servi d’informations partisanes pour demander ces écoutes, en pleine campagne présidentielle. Un abus de pouvoir, accusent les républicains.
La politique et le renseignement forment un mélange hautement explosif. C’est pour cette raison que la procédure moderne de mise sur écoute, réformée aux Etats-Unis après le scandale du Watergate dans les années 1970, est isolée du pouvoir politique: le FBI doit demander l’autorisation de juges d’une cour spéciale.
En démontant les étapes des investigations du FBI dans l’affaire russe, les républicains remettent en cause comme jamais auparavant la neutralité de la police fédérale.
Ce qui a conduit à un clash extraordinaire entre le directeur du FBI et le président Donald Trump, qui l’a nommé.
Christopher Wray, confirmé en août dernier à son poste, s’est en effet publiquement opposé à la publication du “mémo Nunes”… alors même que Donald Trump, dans un aparté avec un élu enregistré mardi soir par une caméra de télévision, a assuré qu’il donnerait son accord “à 100%” pour déclassifier la note.
L’opposition démocrate, elle, croit voir clair dans le jeu des républicains: il s’agit ni plus ni moins de discréditer toute l’enquête sur les ingérences russes dans la campagne. Une enquête reprise en main l’an dernier par le procureur spécial Robert Mueller, et qui déstabilise toute la présidence du milliardaire septuagénaire, dont des dizaines de proches et collaborateurs ont déjà été interrogés par les enquêteurs. Lui-même pourrait être appelé à s’expliquer sur une éventuelle collusion avec Moscou.
– Décision prochaine de Trump –
Donald Trump est apparemment persuadé que la hiérarchie du FBI et du ministère de la Justice entretiennent une vendetta contre lui. CNN a rapporté qu’il aurait demandé en décembre au numéro deux de la Justice, Rod Rosenstein, s’il était “dans (m)on équipe”.
Au Congrès, des républicains appellent à l’arrêt pur et simple de l’enquête du procureur spécial.
“Toute cette enquête Mueller est une fiction qui n’aurait jamais dû être lancée”, a dit le représentant républicain Matt Gaetz sur Fox News mercredi.
L’ancien directeur de la CIA Michael Hayden, défenseur de la communauté du renseignement, s’alarme des conséquences durables sur la légitimité du FBI et des programmes de surveillance.
Les écoutes “sont le volet du renseignement qui doit absolument rester séparé de la politique”, a-t-il dit jeudi sur la radio NPR. “Je crains que cette intervention hyper-partisane dans le processus ne provoque des dégâts immenses dans les institutions, du Congrès à la présidence en passant bien sûr par le FBI”.
Le Congrès et le gouvernement attendait du reste jeudi la décision du président concernant la publication de la note de Devin Nunes.
Les démocrates ont lancé une ultime tentative pour l’empêcher. Ils se sont rendu compte que la note transmise à la Maison Blanche par Devin Nunes comportait des changements, par rapport à la version adoptée par la commission lundi. Des changements “mineurs”, selon M. Nunes.
“Il est évident que le président Nunes ira jusqu’au bout pour saper l’Etat de droit et s’ingérer dans l’enquête russe”, a dénoncé le leader des démocrates du Sénat, Chuck Schumer. “Il fait le jeu de la Maison Blanche, il attaque nos responsables des forces de l’ordre et du renseignement, et désormais il ment à ses collègues de la Chambre”.
AFP