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Lutte contre l’impunité au Mali : 32 organisations de défense des droits de l’homme invitent IBK à suspendre la rédaction de la loi d’entente nationale

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Lutte contre l’impunité Mali 32 organisations défense droits l’homme invitent IBK suspendre rédaction loi d’entente nationale

 

Dans une lettre ouverte en date du 5 mars 2018 adressée au Président de la République du Mali, Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), 32 organisations de défense des droits humains exhortent le chef de l’Etat à « Suspendre le processus de rédaction du draft jusqu’à ce que des enquêtes impartiales soient véritablement menées par la justice malienne, par la Commission d’enquête internationale ainsi que par la Commission Vérité, Justice et Réconciliation dont les rapports pourraient servir de base pour réellement et justement permettre de cibler et distinguer ceux qui ont le sang sur les mains de ceux qui n’en ont pas ». Le cas échéant, les 32 organisations de défense des droits humains souhaitent leur participation au comité technique d’élaboration du projet de ladite loi. Or, le lendemain de la signature de cette lettre ouverte, à savoir le mardi 6 mars 2018, le premier ministre du Mali, Soumeylou Boubèye Maïga, recevait des mains du Médiateur de la République, Pr Baba Akhib Haïdara, la proposition d’avant-projet de loi d’entente nationale. Les 32 organisations de défense des droits de l’homme sont pourtant claires sur le sujet: « il ne peut y avoir de réelle réconciliation nationale ni de paix sans justice ». D’ailleurs, les 32 organisations de défense des droits humains précisent que l’une des mesures urgentes pourrait être l’adoption d’une loi élargissant la compétence du pôle judiciaire spécialisé aux infractions de crimes de guerre et tortures, crimes contre l’humanité́, et génocide. Lisez ci-dessous, l’intégralité de la lettre ouverte adressée au président de la République !

Loi d’entente nationale : Lettre ouverte de 32 organisations de défense des droits humains.

Bamako, le 5 Mars 2018

A
Son Excellence Monsieur Ibrahim Boubacar KEÏTA
Président de la République du Mali, Chef de l’Etat

Koulouba- Bamako,

Objet : Loi d’entente nationale : Lettre ouverte des organisations de défense des droits humains.

Appel des organisations contre des amnisties pour des auteurs des violations graves des droits humains et les crimes sexuels.

Votre Excellence,

Nous avons l’honneur de venir par la présente attirer votre attention sur le double risque d’impunité et d’arbitraire d’une loi d’entente nationale telle que vous l’avez annoncée à la veille du nouvel an à l’occasion de votre message à la nation.
Nous partageons votre souci de reconstruire l’unité et la réconciliation nationale et réaffirmons notre soutien au processus de paix notamment l’application de l’article 461 de l’Accord pour la paix– en particulier les dispositions relatives à l’imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre l’Humanité ainsi que la non amnistie pour les auteurs de violations graves des droits humains, de violences sur les femmes, les filles et les enfants liées au conflit.

Or, Il ne peut y avoir de réelle réconciliation nationale ni de paix sans justice. Les victimes que nous côtoyons tous les jours au Sud, au Centre et au Nord du Mali sont formelles : le jugement des auteurs est une garantie de réconciliation et une forme de réparation2.

Cependant, vous référant à la Charte pour la paix, l’unité et la réconciliation nationale, qui propose «des mesures spéciales»3, vous avez annoncé une loi qui prévoira «l’exonération de poursuites de tous ceux impliqués dans une rébellion armée, mais qui n’ont pas de sang sur les mains » et nous avons appris qu’un projet de loi serait en train d’être rédigé par un comité composé du Ministère de la Justice, du Ministère de la Réconciliation nationale, du Ministère de la solidarité et de l’action humanitaire, du Médiateur de la République et de la CVJR.

Nous déclarons ne pas nous reconnaître dans certaines dispositions de ladite Charte, en particulier celles relatives aux amnisties, en ce qu’elle a été élaborée sans consultation de nos organisations et dont l’interprétation permettrait des amnisties pour des auteurs de graves violations de droits humains.

En outre, une conjonction de facteurs incluant notamment l’insuffisance des moyens opérationnels de la justice, l’insécurité régnant dans les régions touchées par les violations, l’absence de protection octroyée aux magistrats en charge des dossiers de la crise et le manque de clarté sur les compétences juridictionnelles de certains tribunaux empêchent les poursuites judiciaires de prospérer.

Les enquêtes sont néanmoins un préalable nécessaire afin de se préserver de l’arbitraire que constituerait la délivrance d’une amnistie sans fondement. Nous exprimons ainsi notre vive inquiétude à ce que des auteurs des crimes graves bénéficient d’une telle mesure.
Par ailleurs, le manque d’ouverture et d’inclusivité du processus d’élaboration de cette loi augmenterait ces risques dans la mesure où certains aspects spécifiques aux droits humains pourraient être minimisés.
Votre Excellence, face à ce constat, nous, organisations de défense de droits humains, vous exhortons à:
1. Suspendre le processus de rédaction du draft jusqu’à ce que des enquêtes impartiales soient véritablement menées par la justice malienne, par la Commission d’enquête internationale ainsi que par la Commission Vérité, Justice et Réconciliation dont les rapports pourraient servir de base pour réellement et justement permettre de cibler et distinguer ceux qui ont le sang sur les mains de ceux qui n’en ont pas ;
2. Impliquer, le cas échéant, les organisations de défense des droits humains en les faisant participer au comité technique d’élaboration du projet de ladite loi afin qu’elles puissent contribuer et apporter le retour du terrain;
3. Diligenter toutes les mesures nécessaires pour lutter contre l’impunité des auteurs des graves violations des droits humains et du droit humanitaire international, et garantir l’accès des victimes à la vérité, à la justice et aux réparations ; l’une des mesures urgentes pourrait être l’adoption d’une loi élargissant la compétence du pôle judiciaire spécialisé aux infractions de crimes de guerre et tortures, crimes contre l’humanité, et génocide.
Nos organisations demeurent convaincues que le retour d’une paix durable et de l’unité nationale passe par une bonne distribution de la justice.
Votre Excellence, dans le souci de vous donner de plus amples informations, nous souhaiterions être reçues en audience à votre convenance afin de pouvoir discuter de vive voix.

En vous remerciant par avance de l’attention que vous accorderiez à ces demandes, nous vous prions d’agréer, Votre Excellence, l’expression de notre très haute considération.

Ampliation :
– Premier Ministre
– Président de l’Assemblée Nationale du Mali
– Ministre de la Justice, Garde des Sceaux
– Ministre des Droits de l’Homme
– Ministre de la solidarité et de l’action humanitaire
– Commission Vérité, Justice et Réconciliation (CVJR)
– Médiateur de la République
– Président de la Commission Nationale des Droits de l’Homme

Au nom des Organisations signataires

Me Moctar MARIKO, Président de l’AMDH Tel : 66 67 63 00

Mme BOUARE Bintou Founè SAMAKE,  Président de WILDAF/Mali Tel : 66 73 04 26

Mme GUISSE Ramata , Directrice Exécutive AI-Mali
Tel : 66 37 13 57

Liste des organisations signataires par ordre alphabétique

  1. Action Citoyenne pour la Promotion des Droits Humains-ACPDH
    2. Association des Femmes Africaines pour la Recherche et le Développement (AFARD-Mali)
    3. Association pour le Progrès et la Défense des Droits des Femmes-APDF
    4. Amnesty International-AI Mali
    5. Association DEME-SO
    6. Association des Juristes Maliennes-AJM
    7. Association Malienne des Droits de l’Homme-AMDH
    8. Association pour la Protection et la Promotion des Droits des Femmes et des Enfants_APRODEFE
    9. Avocats Sans Frontières-ASF Mali
    10. Conseil National des Associations de Victimes-CNAV
    11. Consortium Actions Droits Humains-CADH
    12. Centre d’Assistance et de Promotion de Droits Humains-CAPDH
    13. Coalition Malienne des Droits de l’Enfant-COMADE
    14. Coalition Malienne des Défenseurs des Droits Humains -COMADDH
    15. Coalition Malienne pour la Cour Pénale Internationale-CM-CPI
    16. Collectif CRI DE CŒUR
    17.Collectif des Femmes du Mali-COFEM
    18. ENDA Mali
    19.Femmes et Droits Humains- F&DH
    20.Fédération Internationale des ligues des droits de l’Homme-FIDH
    21.Fédération Nationale des Collectifs d’Organisations Féminines du Mali- FENACOF
    22.Groupe Pivot Droit et Citoyenneté des Femmes-GP/DCF
    23.Ligue Pour la Justice, le Développement et les Droits de l’Homme-LJDH
    24.Observatoire des Droits Humains et de la Paix-ODHP
    25.Observatoire des Droits de la Femme et de l’Enfant-ODEF
    26.ONG Développement Holistique Africa-DHA
    27.Plate-Forme DESC
    28.Réseau des Défenseurs des Droits Humains-RDDH
    29.Réseau National pour l’Eveil Démocratique et Patriotique -RENEDEP
    30.Réseau des Journalistes Pour la Promotion des Droits de l’Homme-RJPRODH
    31.Tribune Jeunes pour le Droit au Mali – TRIJEUD-MALI
    32.Women In Law and Development In Africa-WILDAF Mali
Lutte contre l’impunité Mali 32 organisations défense droits l’homme invitent IBK suspendre rédaction loi d’entente nationale

 

  1. Source : Le Républicain

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