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Mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali : La mauvaise foi de Moussa Mara

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En rejetant sur le seul gouvernement la responsabilité des lenteurs dans l’application de l’accord pour la paix et la réconciliation au Mali, l’ancien Premier ministre et Président du parti Yèlèma « Le Changement », Moussa Mara, fait preuve de mauvaise foi.

Dans le cadre de la sortie de son dernier livre « Le Mali entre vents et marées », Moussa Mara, ancien Premier ministre et Président du Parti Yèlèma, Le Changement, a accordé une série d’interviews à des organes de média. Ainsi, le 2 février dernier, il était sur les antennes de Radio France Internationale (RFI). Répondant à une question sur la responsabilité des lenteurs dans l’application de l’accord pour la paix et la réconciliation, Moussa Mara affirme : « la faute est au gouvernement ». En épargnant les groupes armés et la communauté internationale, l’ancien premier ministre fait preuve de mauvaise foi et tente de faire les yeux doux à ceux auprès de qui, il a perdu toute crédibilité depuis sa visite controversée à Kidal en mai 2014. Dire que l’accord issu du processus d’Alger ne connait pas de difficultés, c’est faire preuve de cécité, mais rejeter la responsabilité de ces lenteurs sur le seul gouvernement de la République du Mali, relève d’une malhonnêteté intellectuelle.

De nombreux textes législatifs adoptés

Dans le domaine des reformes politiques et institutionnelles, il est noté l’opérationnalisation des nouvelles régions de Taoudénit et Ménaka avec des gouverneurs qui travaillent avec leurs équipes. Des réformes législatives ont été menées pour prendre en compte les autorités intérimaires dont le processus d’installation a connu des débuts difficiles. Les plans d’actions prioritaires des autorités intérimaires de Tombouctou, Gao et Kidal et des collèges transitoires de Taoudénit et Ménaka sont soumis aux partenaires techniques et financiers. Les principaux textes sur la décentralisation, l’administration du territoire et les élections ont fait l’objet de relecture par le gouvernement. Il s’agit de la loi déterminant les conditions de la libre administration des collectivités la loi portant code des collectivités territoriales, la loi portant statut général des fonctionnaires des collectivités territoriales et la loi portant Statut général du district de Bamako. Les réserves formulées contre les lois n°2017-051 du 02 octobre 2017 portant code des collectivités territoriales et n°2017-052 du 02 octobre 2017 déterminant les conditions de la libre administration des collectivités territoriales ont été discutées lors des concertations inter-maliennes tenues les 15, 16 et 17 décembre 2017 au Centre de formation des collectivités territoriales. D’ailleurs, lors de ces travaux, les parties se sont entendues sur l’ensemble des points à l’exception de celui relatif au concept de chef de l’exécutif de la région et de l’ordre de préséance entre les représentants de l’Etat et les présidents des organes exécutifs des collectivités territoriales. Pas de besoin d’évoquer les soubresauts liés à la tentative de révision de la Constitution du 25 février 1992, un projet mis en sursis par le Président de la République sous la pression populaire. Après le report de décembre dernier, de nombreux leaders y compris Moussa Mara, ont appelé le gouvernement à surseoir à la tenue des élections communales partielles, locales et régionales au profit de la présidentielle de juillet prochain. Depuis le 31 décembre 2015, il a été créé un Conseil national de la réforme du secteur de la Sécurité (CN-RSS) et ses organes spécialisés à savoir la Commission nationale de désarmement-démobilisation et Réinsertion (CN-DDR) et la Commission d’intégration (CI). Ces structures sont opérationnelles. Mais jusque-là, les groupes armés n’ont pas déposé la liste de leurs représentants. Sur les 50 millions de dollars nécessaires pour le programme national DDR, le gouvernement a déboursé 10 millions et la Banque mondiale, une enveloppe de 15 millions. Les 25 autres millions sont à rechercher. Il serait exagéré d’imputer au seul gouvernement les difficultés de démarrage du mécanisme opérationnel de coordination (MOC).

Le dernier rapport de mise en œuvre du Plan d’urgence et de relèvement pendant la période intérimaire affichait à la date du 30 octobre 2016 un taux d’exécution d’environ 40%. Au-delà de la mise en place des agences de développement régional (ADR), la conférence internationale de haut niveau pour la relance économique et le développement du Mali a eu lieu à Paris le 22 octobre 2015. Une table-ronde sur les infrastructures prévues dans l’annexe 3 de l’accord a été organisée du 24 au 25 mai 2016 entre le gouvernement et les bailleurs de fonds avec comme chef de file la Banque africaine de développement (BAD). Après l’atelier de validation de la stratégie spécifique de développement des régions du nord, les projets de textes relatifs à la création et aux modalités de gestion du Fonds de développement durable adoptés par le conseil des ministres du 2 août 2017 attendent d’être adoptés par l’Assemblée nationale. Les groupes armés sont priés de réagir sur la note conceptuelle relative à la mise en place de la zone de développement des régions du nord du Mali. Le ministère de l’économie et des finances exécute un plan d’actions pour le transfert de 30% des recettes budgétaires de l’Etat aux collectivités territoriales. 24% ont été transférés en 2016.

Dans le domaine de la réconciliation, de la justice et des questions humanitaires, la mise en œuvre du plan d’actions de gestion des personnes déplacées internes et des réfugiés a permis le rapatriement de 61 089 personnes réfugiées à la date du 30 septembre 2017. Il a été poursuivi par l’opérationnalisation de la Commission Vérité Justice et Réconciliation (CVJR) qui a enregistré plus de 2 000 dépositions et recensé plus de 100 victimes qui ont besoin d’un accompagnement psychologique et médical. Prévue par l’accord, la conférence d’entente nationale a été organisée. Et Moussa Mara était présent au Palais de la culture pour embarquer dans le train du Président IBK. L’observateur indépendant a été  désigné et le choix a été porté sur la Fondation Carter.

Des questions légitimes à se poser pour avancer 

Il ne s’agit pas de dire que le gouvernement malien est exempt de tout reproche dans l’application de cet accord. Loin de là. La vérité que l’ancien Premier ministre n’a pas dite, est que la responsabilité est partagée entre  les différents signataires de l’accord pour la paix et la réconciliation dont la signature à deux dates (15 mai et 20 juin) était sans aucun doute le présage des difficultés d’application.  Sans oublier que la communauté internationale a sa part  dans les lenteurs constatées çà et là.

Qu’est-ce qui entrave la mise en œuvre de l’accord ? Le manque de volonté politique ?

Le manque de moyens financiers ? Le manque d’engagement des signataires ?

Quid du double-jeu de certains pays étrangers engagés dans le processus de paix ? Est-ce que l’accord est trop ambitieux et trop pauvre à la fois ? La situation sécuritaire sur le terrain est-elle quelque chose dans la non-application de certains engagements ? Pourquoi il y a plus de morts après la signature de l’accord qu’avant ? Le Mali a-t-il les moyens de mettre en œuvre tous les engagements contenus dans l’accord ? Voilà quelques interrogations légitimes dont les réponses permettront de franchir des pas géants dans le processus du retour à une paix progressive.

Dans tout cela, les populations sont laissées pour compte. Si le niveau de vie des responsables des groupes signataires de l’accord a changé, celui des populations à la base se détériore de jour en jour. Ce que l’ancien premier ministre, qui a défendu avec force l’achat de l’avion présidentiel, n’a pas le courage de dire, c’est que les patrons des groupes armés font tout pour  retarder les avancées afin de ne pas perdre leurs privilèges. Et cela au vu et au su de la communauté internationale. Le Président de Yèlèma n’a pas voulu mettre le doigt sur les trafics de drogue dont le contrôle des routes est l’un des enjeux de la situation au nord du pays. Quand on a assumé des hautes fonctions  au sommet de l’Etat, on ne doit pas livrer son pays ou du moins les autorités à la vindicte internationale. Une telle posture n’est pas digne d’un homme aspirant à briguer la magistrature suprême. Les hommes passent mais le Mali est éternel.

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Chiaka Doumbia

Source: Le Challenger 

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