Ces dernières semaines, la tension monte dans le monde des blouses blanches. Le syndicat national de la santé et de la promotion de la famille (SNS –AS-PF) et la fédération des syndicats de la santé et de l’action sociale du Mal (FESYSAM) sont agacés par la posture du gouvernement qui semble vouloir arranger dans les tiroirs les protocoles d’accords convenus entre les deux parties. En effet, plusieurs points desdits protocoles n’ont pas connu même un début d’application, plus d’une année après leurs signatures (9 novembre 2016 et 6 avril 2017). D’où la colère des syndicalistes qui n’excluent pas les « méthodes fortes » pour obtenir satisfaction. Une nouvelle crise ? Il faut le craindre.
En attendant, les deux syndicats multiplient les sorties pour dénoncer le gouvernement, incapable d’honorer ses engagements. La dernière ? Une conférence de presse, lors de laquelle ils ont fait le point sur l’état d’avancement des 13 points inscrits dans les deux PV de conciliation, obtenues au terme d’une grève illimitée. Concernant la prime spéciale de fonction, bien que les 250000 FCFA aient été effectivement payés, la conditionnalité qui était l’harmonisation des primes au niveau national n’est plus d’actualité. S’agissant de l’intégration des contractuels, elle a été purement et simplement refusée par le ministère du travail, de la fonction publique. L’intégration des nourrices de la pouponnière n’est non plus effective. S’y ajoutent plusieurs autres manquements, notamment « l’augmentation de la prime de garde » qui n’est toujours pas effective, le maintien et l’extension des ristournes piétine, l’adoption des plans de carrière n’est toujours pas effective malgré l’acceptation par les syndicats d’un délai supplémentaire de six mois. Aussi, l’octroi d’autorisation et de congé de formation à tous les travailleurs ayant respecté la réglementation en vigueur est toujours en souffrance.
« Plus d’un an après, nous ne constatons aucune avancée», déplore le Pr Mamady Kané. Et de menacer : « Nous n’hésiterons pas un seul instant à user des moyens légaux à notre disposition pour faire aboutir nos deux PV de conciliation». Sans dire, les syndicalistes font ainsi planer une épée de Damoclès au-dessus de la tête des gouvernants. Les Maliens se souviennent encore des drames occasionnés par la grève illimitée de l’année dernière. Du 9 mars au 16 avril 2017, ils (Maliens) avaient vécu la plus longue grève des trente dernières années dans le secteur de la santé. Plus que n’importe quelle autre manifestation de revendication sur le plan national, celle-ci a fait beaucoup de victimes. Un indice : selon des statistiques distillées dans la presse, entre le jeudi 9 mars et le vendredi 17 mars 2017, la maternité de Sogoninko en commune VI du District de Bamako, a enregistré 11 cas de décès de nouveau-nés, faute d’assistance médicale.
Aujourd’hui encore, nul ne peut fournir le nombre exact, même approximatif, de morts et de victimes morales de ce mouvement. La responsabilité du gouvernement avait été indexée. Et la passivité du président avait suscité beaucoup d’interrogations et de critiques au sein d’une opinion publique malienne très remontée. « Les Maliens ne devraient pas payer de leurs vies une querelle qui ne les regardent pas », commentait-on dans les rues de la capitale.
Au même moment, le débat sur l’état des établissements sanitaires au Mali battait son plein. La situation des grands hôpitaux publics, pompeusement appelés Centre Hospitalier Universitaire (CHU), laisse à désirer. Combien de fois, des patients se sont entendus dire que le scanner de l’hôpital Gabriel Touré était en panne ? Les patients sont régulièrement redirigés vers des structures privées pour faire leur analyse. Combien sont ces familles qui, impuissantes, ont assisté à une mort lente d’un proche ignorant de quoi il souffrait ?
Les praticiens qui officient dans ces centres ont une part de responsabilité tout comme les gouvernants qui n’osent point franchir la porte d’une structure sanitaire malienne pour se faire soigner. Ils ne s’y rendent que pour faire du ”tourisme” ou pour entretenir un ”espoir inexistant”. Paris, Bruxelles, Genève, Istanbul, Tunis, Rabat : ce sont là entre autres destinations pour de hauts responsables maliens qui s’y rendent fréquemment pour des soins ou encore de simples contrôles médicaux.
Telle est la triste réalité au Mali, sous un président de la République qui promettait le meilleur à son peuple lors de la campagne présidentielle de 2013. Avec son projet présidentiel « Le Mali d’abord », qui compile des actions irréalistes et irréalisables, et son slogan «Pour l’honneur du Mali-Pour le bonheur des Maliens », IBK a étourdi des Maliens qui l’ont plébiscité avec plus de 77% au second tour.
Dans le domaine de la santé, le candidat s’était engagé à « réussir un nouveau programme quinquennal de développement socio-sanitaire ». Les objectifs, selon son projet, sont multiples. En bonne place figurent l’amélioration de la qualité des services de santé dans les établissements hospitaliers et autres établissements de recherche; le renforcement des capacités institutionnelles et décentralisation; rendre les services de santé de proximité disponibles et accessibles dans les structures publiques, communautaires et privées avec un accent pour les zones pauvres, les zones déshérités. S’y ajoutent la disponibilité des soins de référence dans tous les cercles ; la réduction de la mortalité néonatale, infantile, infanto juvénile et maternelle, la fécondité et la malnutrition ; l’amélioration de la disponibilité des ressources humaines qualifiées et des médicaments essentiels, des vaccins et des consommables médicaux. Le candidat avait aussi promis de créer de nouveaux centres de santé communautaire.
À quatre mois de la fin de son quinquennat, tout ceci n’est encore que mirage. Et IBK n’a pratiquement posé aucun acte fort pour respecter ses engagements. Au contraire…
Aujourd’hui encore, le nombre insuffisant des infrastructures hospitalières fait des quelques structures existantes des véritables mouroirs, car n’offrant plus les services de qualité aux patients qui dans la plupart des cas rendent l’âme dans l’attente des premiers soins. Il faut ajouter à ce facteur le manque de personnel médical pour la prise en charge des patients.
De ces maux, le régime n’a certainement aucune idée. C’est triste et c’est dommage pour le Mali.
Santé Ça grogne hôpitaux
I B D
Source: L’Aube