L’ex-président brésilien Lula a été arrêté après avoir pu quitter le siège du syndicat des métallurgistes de Sao Bernardo do Campo (sud) samedi soir où il était retranché et va commencer à purger une lourde peine de prison pour corruption.
L’icône de la gauche brésilienne et favori de la présidentielle d’octobre a été amené dans un convoi de la police fédérale, a annoncé TV Globo, après avoir été d’abord empêché de partir en voiture par quelques dizaines de militants opposés à sa reddition, lors d’une scène cahotique.
Des militants de gauche vêtus de rouge ont poussé très fort, devant la voiture, les portes grillagées qui ont failli céder sous la pression et ont ainsi forcé le leader de 72 ans à retourner à l’intérieur des locaux du syndicat.
Moins d’une heure plus tard, un service d’ordre moins dépassé a pu, au prix d’empoignades viriles, ouvrir la voie au départ de Lula, malgré un nouvel afflux de ses partisans.
Lula était amené en début de soirée vers le siège de la police fédérale à Sao Paolo. Selon TV Globo, il pourrait ensuite prendre un vol d’une heure pour passer sa première nuit en prison à Curitiba (sud).
Il avait peu avant annoncé devant des milliers de sympathisants qu’il allait se livrer à la police. Ceux-ci, très émus, en larmes ou en colère, lui avaient crié “ne te livre pas” ou “Lula libre!”.
Lula ne pouvait plus guère éviter la prison, deux jours après le mandat de dépôt du juge anticorruption Sergio Moro, consécutif à sa condamnation en appel à 12 ans et un mois pour corruption et blanchiment d’argent.
“Je vais me conformer au mandat de dépôt”, a dit la figure emblématique de la gauche latino-américaine. Mais “je suis un citoyen outré (…), je ne pardonne pas que l’on dise au pays que je suis un voleur”.
“Je veux les regarder dans les yeux”, a-t-il ajouté, pugnace, au sujet de ses accusateurs, assurant avoir écarté de nombreuses suggestions de fuite ou d’asile à l’étranger et promettant de prouver son innocence.
“Moro a menti”, a ajouté l’ex-chef d’Etat (2003-2010) au sujet de son ennemi intime, le juge de l’enquête tentaculaire “Lavage express” autour du groupe public Petrobras, dont Lula est la plus grosse prise.
Lula s’estime victime d’une machination “des élites” destinée à l’empêcher de se présenter à un troisième mandat. “Leur obsession est d’avoir une photo de Lula prisonnier”, a-t-il lancé. Il est l’objet de six autres procédures, essentiellement pour corruption, un cancer qui ronge le Brésil.
Il a prononcé son long discours devant le siège du syndicat des métallurgistes, où il était retranché depuis deux jours, défiant les autorités en laissant passer l’ultimatum pour se rendre, vendredi.
– “Persécution politique” –
Luiz Inacio Lula da Silva et ses avocats avaient négocié vendredi avec les autorités les conditions de l’arrestation de cet ancien cireur de chaussures quasiment analphabète s’étant hissé au sommet de l’Etat.
Avant de se rendre, Lula avait demandé de pouvoir assister à une messe en mémoire de son épouse, Marisa Leticia, décédée en 2017, et qui aurait eu 68 ans ce samedi.
Elle a été mise en cause pour l’octroi du luxueux appartement en bord de mer offert par une entreprise de BTP qui a valu à Lula sa condamnation. L’appartement aurait été donné en échange de faveurs dans l’obtention de marchés publics.
La messe s’est déroulée devant le siège du syndicat des métallurgistes, que Lula a dirigé dans les années 70, sous la dictature militaire. C’est là qu’a démarré la formidable ascension de ce leader autant adulé que détesté des Brésiliens, et dont la politique a été toute la vie.
– “A l’écart des autres prisonniers” –
Une cellule d’à peine 15 mètres carrés avec toilettes et douche privatives attend Lula au siège de la Police fédérale de Curitiba, avant un transfèrement.
Elle a été spécialement prévue en raison du statut d’ex-chef d’Etat de Lula, “à l’écart des autres prisonniers, sans aucun risque pour son intégrité morale ou physique”, a expliqué le juge Moro.
A Curitiba, des anti-Lula attendaient l’ancien président devant sa prison dans une ambiance tendue.
Même en détention, Lula pourrait toutefois techniquement s’enregistrer comme candidat à la présidentielle, même s’il semble désormais hors course, à six mois d’un scrutin de plus en plus incertain.
C’est la justice électorale qui trancherait in fine sur l’éligibilité de celui qui a près de 20 points d’avance dans les intentions de vote sur son suivant immédiat, le député d’extrême droite Jair Bolsonaro.
AFP