Le président français Emmanuel Macron et la Première ministre britannique Theresa May ont pour la première fois ordonné une opération militaire d’envergure en décidant de mener des frappes samedi, avec Washington, contre le régime syrien de Bachar al-Assad, accusé d’avoir mené une attaque chimique meurtrière contre sa propre population.
“Nous ne pouvons tolérer la banalisation de l’emploi d’armes chimiques”, a déclaré M. Macron.
Pour Theresa May, il n’y avait “pas d’alternative à l’usage de la force pour dégrader et empêcher le recours à des armes chimiques par le régime syrien”, selon un communiqué.
“Il n’y a pas de moment plus grave pour un Premier ministre que de décider de l’envoi de ses troupes au combat. C’est une décision que je n’ai pas prise à la légère”, a-t-elle ajouté lors d’un point de presse.
Les frappes ont été lancées par les Etats-Unis, la France et le Royaume-Uni, qui accusent le régime d’avoir mené le 7 avril une attaque chimique samedi dernier dans la ville syrienne alors rebelle de Douma. Selon des secouristes présents sur place, cette attaque a fait au moins 40 morts.
M. Macron a déployé ces derniers jours une intense activité diplomatique. Près d’un an après son élection, il endosse donc pour la première fois ses habits de chef de guerre pour ordonner une opération, après avoir hérité de celles contre les jihadistes au Levant (Chammal) et au Sahel (Barkhane, en Afrique).
Pour M. Macron, “les faits et la responsabilité du régime syrien ne font aucun doute” concernant la mort “de dizaines d’hommes, de femmes et d’enfants” dans une attaque “à l’arme chimique” le 7 avril à Douma. “La ligne rouge fixée par la France en mai 2017 a été franchie”, a-t-il dit dans un communiqué.
C’est aussi la première fois que Theresa May, depuis son accession au poste de Première ministre, à l’été 2016, ordonne une intervention militaire des forces armées britanniques.
– ‘Bombardement symbolique’ –
Jeudi, elle avait réuni son gouvernement en urgence pour discuter d’une éventuelle participation du Royaume-Uni sans attendre un vote du Parlement qui n’est pas en session jusqu’au 16 avril, vacances de Pâques obligent.
En 2014 puis 2015, les députés britanniques avaient donné leur feu vert à la participation à des raids de la coalition internationale menée par les Etats-Unis contre le groupe jihadiste Etat islamique en Irak et en Syrie. Le Parlement s’était cependant opposé en 2013 à des frappes aériennes contre le régime de Bachar al-Assad.
Samedi, les députés conservateurs ont exprimé leur soutien au gouvernement mais l’opposition a condamné la décision de Mme May.
“Le Royaume-Uni devrait jouer un rôle de leader dans la recherche d’un cessez-le-feu dans ce conflit, et non recevoir des instructions de Washington pour mettre les soldats britanniques en danger”, a ainsi réagi le leader de l’opposition, le travailliste Jeremy Corbyn.
En France, où le débat sur le contrôle parlementaire de l’action militaire nationale est moins vif, plusieurs voix ont approuvé la décision de ces frappes.
“La France ne pouvait se tenir aveugle et muette face à cette barbarie”, a tweeté le délégué général du parti présidentiel (La République en marche), Christophe Castaner.
Pour le chef du Parti socialiste (gauche), Olivier Faure, les “attaques chimiques répétées du régime de Damas contre son peuple imposaient une réaction”.
Nombre de personnalités politiques ont toutefois critiqué une action accusée d”affaiblir” la diplomatie française.
“La voix de la France n’est forte que si elle est singulière, elle n’est utile que si elle privilégie le dialogue. Emmanuel Macron aligne la diplomatie de la France sur celle de Donald Trump; c’est une erreur”, a déploré Bruno Retailleau, président du groupe Les Républicains (droite, principal parti d’opposition) au Sénat.
Ce parti avait réclamé vendredi “un débat sans vote” sur d’éventuelles frappes de représailles en Syrie.
Paris estime que malgré l’absence d’une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU l’autorisant, cette opération est “légitime”, selon le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian.
“On ne fait pas respecter le droit international en le violant soi-même”, a tweeté pour sa part le député de La France Insoumise (extrême gauche) Adrien Quatennens. Pour la présidente du Front National (extrême droite), Marine Le Pen, “la France perd à nouveau une occasion d’apparaître sur la scène internationale comme une puissance indépendante et d’équilibre dans le monde”.
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AFP