La Chine, qui accueille l’industrie automobile mondiale au salon de Pékin à partir de mercredi, est en train de s’imposer comme la première puissance du secteur et le pays où s’invente la voiture autonome et connectée du futur.
En février, le constructeur chinois Geely, déjà propriétaire du suédois Volvo, est devenu à la surprise générale premier actionnaire de l’allemand Daimler (maison mère de Mercedes-Benz), leader mondial du haut de gamme et monument de l’histoire automobile. La prise de près de 10% du capital symbolise une montée en puissance.
“La Chine est en train de prendre le leadership mondial de l’industrie automobile et va distancer l’Europe et l’Amérique”, estime Ferdinand Dudenhöffer, directeur du Center Automotive Research (CAR), basé en Allemagne.
L’atout le plus évident de l’Empire du Milieu est la taille de son marché, le premier mondial, de très loin, avec un écart qui continue de se creuser vis-à-vis des Etats-Unis, relégués au deuxième rang.
En l’an 2000, le marché chinois était embryonnaire, avec à peine plus de 1% des ventes mondiales de voitures neuves. En 2017, sa part est passée à près de 29% et elle augmentera à plus d’un tiers des ventes dans les années à venir, selon CAR. Dans le même temps, la part des Etats-Unis est passée de 35% à 20%, avec une prévision à 16% en 2025.
Avec 28,9 millions de véhicules vendus l’an dernier, et une croissance toujours soutenue, la Chine devrait bientôt peser autant que les Etats-Unis et l’Union européenne réunis!
Le géant asiatique a rapidement développé son industrie en accueillant les investissements des constructeurs étrangers, tout en les contraignant à coopérer avec des acteurs locaux au sein de sociétés communes dont ils ne pouvaient détenir plus de 50%.
Pékin vient d’annoncer la fin progressive de ce carcan, le signe que le pays est désormais assez fort pour affronter la concurrence étrangère. Les marques locales chinoises gagnent déjà des parts de marché sur leur marché intérieur. Elles s’apprêtent à partir à la conquête du monde.
“D’ici à 2025, nous allons vivre avec les constructeurs chinois ce que nous avons déjà connu avec les coréens”, leur arrivée sur les marchés américains et européens, “mais encore plus massive, avec des véhicules de qualité, des voitures électriques”, prévoit M. Dudenhöffer.
– Mieux que la Silicon Valley –
Outre ses grands constructeurs comme SAIC, partenaire de Volkswagen et General Motors, ou Dongfeng, partenaire notamment de Renault, Nissan ou PSA (dont il est premier actionnaire), la Chine compte un vivier de start-ups automobiles, comme Lynk & Co, NIO ou FMC.
Déjà en tête dans les véhicules électriques, “la Chine veut devenir le leader mondial dans les technologies de transport du XXIe siècle, y compris les véhicules connectés et autonomes (…). Elle pense le devenir d’ici cinq à dix ans”, explique Bill Russo, directeur du cabinet Gao Feng Advisory.
Le pays n’a rien à envier aux Etats-Unis en matière d’entreprises innovantes: Baidu, Tencent ou Alibaba dans l’internet, Catl, premier fabricant mondial de batteries, Huawei, leader des télécoms, Didi, le “Uber” chinois…
La Chine fait la course en tête dans le déploiement de la 5G, l’internet mobile ultra-rapide, une technologie-clé pour la voiture du futur, selon une étude de l’association américaine des opérateurs de télécommunications (CTIA).
Les Chinois ont “à la fois des mastodontes de la production automobile et des géants des hautes technologies”, relève Guillaume Crunelle, responsable automobile chez Deloitte.
Leur écosystème est même “meilleur que celui de la Silicon Valley”, juge M. Dudenhöffer, selon qui les procès autour des accidents de véhicules autonomes aux Etats-Unis vont y freiner l’innovation au moment où la Chine accélère. Pour lui, l’Europe est déjà décrochée…
Il souligne les investissements massifs consentis par l’Etat chinois dans les universités et la recherche, avec une volonté politique claire.
La Chine est un pays “où il faut être”, confirme Guillaume Devauchelle, directeur de l’innovation chez l’équipementier français Valeo. “C’est un pays qui a une taille suffisante pour créer des standards de fait”. Il cite l’exemple d’une réglementation “astucieuse”: des subventions publiques accordées aux voitures ayant 100 km d’autonomie et atteignant 100 km/h qui “permet le déploiement rapide de véhicules électriques très peu coûteux”.
AFP