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Ligne de force : Un état d’urgence à géométrie variable

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C’est au nom de l’état d’urgence en vigueur depuis la prise d’otages meurtrière de l’hôtel Radisson blue de Bamako, en novembre 2015, qu’ a été interdite et réprimée plutôt durement ( entre douze et une trentaine de blessés) la marche pacifique projetée le samedi 2 juin dernier par la Coalition pour l’alternance et le changement.

Elle avait un double objectif affiché : ”  réclamer l’organisation d’élections transparentes, libres et crédibles ” et ” dénoncer les censures de l’ORTM “.

Cet épisode est illustratif de ce que l’état d’urgence, théoriquement destiné à prévenir des attaques terroristes dans ” les zones d’insécurité ” est devenu, dans les faits, un instrument de restriction des libertés publiques, notamment celle de manifester, entre les mains du pouvoir en place.

L’on aura observé, au cours des semaines écoulées, que son application, au lieu d’être constante et égale pour tous, comme toute loi, est à géométrie variable selon qu’il s’agit du pouvoir ou de l’opposition.

Lorsque le président de la République s’est déplacé dans les régions de Kayes, Sikasso et, plus récemment Ségou, dans le cadre de son Programme présidentiel d’urgences sociales (PPUS) pour distribuer des libéralités pré-électorales, les populations concernées, fortement conditionnées par l’argent soustrait d’un trésor public mal en point, ont été mobilisées pour lui faire un accueil à sa gloire. Du coup elles devenaient des cibles faciles pour d’éventuels jihado-terroristes ne recherchant que ce type de rassemblement pour faire le maximum de victimes.

Les autorités en charge de l’état d’urgence n’ont eu cure du danger encouru par ces braves gens lors de ces randonnées présidentielles.

Elles ont bien essayé, ces mêmes autorités, d’empêcher la célébration du Maouloud, qui draine chaque année dans la capitale des dizaines de milliers d’adeptes du guide spirituel d’Ançar dine, Cherif Ousmane Madani Haïdara, de tout le Mali et de bien d’autres pays de par le monde. On sait ce qu’il en est advenu.

C’est le président IBK lui-même qui pavoise désormais aux côtés du célèbre prédicateur, dans un stade du 26 mars avec ses 50.000 places assises qui rejette du monde, lors de chaque cérémonie de clôture de cet événement tant prisé par les musulmans. Au grand mépris d’un éventuel attentat perpétré par l’autre Ançar Dine, celle de Iyad Ag Ghali, Aqmi ou l’Etat islamique au grand Sahara.

Mais quand c’est l’opposition qui veut marcher “pacifiquement ” pour réclamer ses droits, les hommes qui nous gouvernent se rappellent subitement qu’ “ il faut préserver l’ordre et la tranquillité publics, permettre aux citoyens de vaquer à leurs affaires, empêcher tout attroupement de nature à troubler l’ordre public “.

En somme l’état d’urgence est invoqué dans toutes ses expressions et toute sa rigueur.

En réalité la motivation du nouveau gouverneur militaire du district, un certain colonel Débérékoua Soara (au fait pourquoi un haut gradé de l’armée en ce moment précis ?) et de ses donneurs d’ordre est moins sécuritaire qu’éminemment électoraliste. Ils redoutaient sans doute que cette marche ne se transforme en une déferlante protestataire, comme celle de juin 2017, qui a eu raison du projet de révision constitutionnelle du président IBK. A sept semaines du scrutin présidentiel, elle aurait pu faire l’effet d’un nouveau désaveu dévastateur pour ce dernier.

Mais le remède trouvé (l’interdiction suivie d’une répression brutale) peut s’avérer pire que le mal. En effet, le régime finissant d’IBK en rajoute à son discrédit. Le Secrétaire général de l’ONU, Antonio Guitteres, hôte du Mali la semaine dernière, “  a déploré l’interdiction par le gouvernement de la tenue de manifestation par les partis de l’opposition “. Il l’a, en outre “appelé à assurer la protection des droits de l’homme fondamentaux et la liberté d’expression et de manifester pacifiquement, y compris dans le cadre de l’état d’urgence actuellement en vigueur “.

C’est tout dire.

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Par Saouti Haïdara

Source: L’Indépendant 

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