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Abdrourahamane Oumarou Touré sur la dégradation du fleuve Niger : ‘’Le mali est le plus actif en termes d’investissement sur le fleuve Niger’’

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De nos jours le fleuve Niger fait face à des nombreuses menaces. Pour tenter de trouver des solutions idoines à ces récurrentes menaces, le Directeur General de l’Agence du Bassin du Fleuve Niger (ABFN), Abdrourahamane Oumarou Touré nous a accordé un entretien. A en croire le premier responsable de l’ABFN, beaucoup d’efforts ont été faits mais il en reste encore beaucoup.

Entretien…

 En ce mois de juin 2018, comment se porte le fleuve Niger ?

Je vais vous dire que c’est difficile de répondre à une telle question. Ce n’est pas un patient face à un médecin. Mais si on devait faire une telle caricature je dirais simplement que le fleuve se porte mal. Il se porte mal pour plusieurs raisons. Les facteurs sont multiples et sont liés  à nous-mêmes, les hommes. Le comportement des hommes et les facteurs liés à la nature. C’est-à-dire le climat et tous les autres phénomènes tels que: l’érosion et l’ensablement. Le fleuve ne se relève pas du comportement des hommes. Ce sont ces deux phénomènes conjugués qui font que le fleuve se porte mal. Les crues sont faibles ;  ça ce n’est pas la responsabilité de l’homme, c’est la nature. Quand nous avons une faible pluviométrie, il va de soi que les crues  soient faibles.  Mais tout ce qu’il y a comme autre pollution tels que : le déversement de l’industrie, la pollution chimique, les dragues. Ça c’est vraiment la faute à l’homme. C’est à peu près les causes. Cette année le fleuve a connu l’un de ses niveaux les plus bas, quelles mesures ont été prises pour atténuer les effets ?

Vous savez : que le niveau soit bas ou normal, si je peux m’exprimer ainsi, nous avons ce que nous appelons la Commission Nationale des Gestion des Eaux du Barrage de Selingué qui est le principal régulateur des crues du fleuve Niger. Et cette commission se réunit régulièrement pour voir à quel moment précis il faut  faire des lâchers, à qui il faut attribuer tel ou tel quota pour satisfaire le besoin des uns et des autres. Et je crois que malgré cette situation de crue très faible, nous avons pu, quand je dis nous, il s’agit de l’ensemble des acteurs de l’eau membres de la Commission Nationale des Gestion des Eaux du Barrage de Selingué. Nous avons pu quand même satisfaire les besoins dans une certaine mesure. Nous avons aussi conseillé quand même que les cultures de contre-saison, l’implantation des cultures contre-saison soit limitées. Pour ne pas se trouver dans une situation de non satisfaction des besoins. Tout ce qui a été fait, a été fait en fonction de ce qui est disponible, parce que c’est de ça qu’il s’agit. La disponibilité nous impose des comportements. Et on a conseillé à chacun de réaliser ses activités en fonction de ce qui est disponible.

Il y’a quelques semaines l’on a constaté des actions de votre structure  sur le fleuve au niveau de Bamako. En quoi ont elles constitué ?

C’est notre programme classique. Nous avons un projet dénommé «projet de faucardage et de curage du lit du fleuve sur les tronçons urbaine de Bamako»,un projet financé par le budget national. C’est dans le cadre de ce projet que ces actions sont en train d’être conduites. Il s’agit effectivement du nettoyage des berges entre les ponts Martyrs et Fahd. Et au niveau de Bozola en ce qui concerne le site dénommé le site de la tannerie. Quelques dépôts d’ordures que nous avons constatées par ci et par là et que nous avons pu enlever. S’agissant des ilots végétalisés c’est un constat qui a été fait par tous les Maliens. Tous ceux qui traversent les ponts nous interrogent régulièrement : qu’est ce que vous êtes en train de faire pour limiter cette végétalisation des ilots. En fait, ces ilots ont leur histoire. Ce sont des rochers qui sont là. Mais qui malheureusement avec la faiblesse des crues ont connu des dépôts solides qui à leur tour favorisent le développement de la végétation. Donc de notre point de vue il  faut relativiser la notion de plantes nuisibles, c’est par rapport à nous, nos besoins qu’on  les qualifie ainsi.  Certainement en d’autres circonstances elles seront considérées comme non nuisibles. Ce sont ces plantes là qu’on est en train d’éliminer. L’opération se fait à trois niveaux. D’abord la partie aérienne, dans un deuxième temps les déraciner. C’est-à-dire dessoucher carrément. Et dans un troisième temps crée des sillons là où cela est possible pour qu’il ait l’auto-curage dès le début de la crue. C’est vraiment des actions qui étaient déjà programmées dans les perspectives pour l’année 2018. Comme je l’ai dit au début c’est vraiment un financement du budget national.

Lors de votre dernier conseil d’administration, des actions vigoureuses ont été annoncées, ou en sommes-nous ?

Des actions vigoureuses ont été annoncées. C’est peut-être un peu exagéré de dire qu’on a annoncé des actions vigoureuses. Nous avons annoncé effectivement le traitement de ces ilots végétalisés dont je parlais tout de suite. Nous avons dit aussi que nous allons achever un sentier qui est en cours depuis un certain nombre d’années. C’est la protection des berges à Diafarabé. Mais comme ce n’est pas à Bamako, donc les Bamakois ne peuvent pas le savoir. Nous avons finalisé un certain de nombre de travaux au niveau de Tamani et au niveau de Ségou notamment la protection du pied-à-terre du gouvernorat de Ségou. Ce travail est complètement terminé et réceptionné. Nous sommes en train de faire aboutir un projet majeur dénommé «programme de réputation économique environnementale du fleuve Niger». Nous sommes à la phase de ratification de la convention de financement. C’est un projet à plusieurs phases. Cette première phase pour laquelle nous avons signé la convention du financement avec l’IDA, la Banque mondiale porte sur 14 milliards dont 7 milliards en don et 7 milliards en prêt. Donc comme je le disais toute suite nous pensons que dans les jours à venir cela va s’accélérer.  Le ministre doit  passer devant  l’Assemblée nationale demain (jeudi 21 juin 2018, ndlr) pour voter la loi qui ratifie effectivement  cet accord de financement.

Aujourd’hui le fleuve est menacé à tous les niveaux de son cours, les berges, le lit, l’assainissement. Notre pays a-t-il les moyens d’y faire face ?

Le Mali n’a pas les moyens d’y faire face. Le Mali fait ce qui est possible en fonction de ses moyens. Nous avons conçu un programme national de sauvegarde du fleuve Niger formellement approuvé par le Gouvernement du Mali depuis août 2016. Un programme très ambitieux. Mais qui pour le moment n’est financé que par le budget national. Le financement extérieur se fait rare, en dehors du projet de la banque mondiale dont je viens de parler. Mais il n’y a pas que les aspects investissements physiques. Il y a aussi la connaissance de la ressource. Il faut connaitre le fleuve, connaitre les problèmes qui existent. Dans ce cas précis nous sommes en train de réaliser un petit projet cofinancé par le gouvernement du Mali et une ONG Néerlandaise (VIA Water) en ce qui concerne la qualité des eaux du fleuve du Niger toujours à Bamako et environs. C’est une innovation majeure qui a été reconnue comme telle même à la COP 23 à Bonn.  Il s’agit de l’utilisation des drones et des spartphones pour voir quelle est la qualité de l’eau à un moment précis. On peut dire même à temps réel. Le Mali n’a pas les moyens de faire face. C’est pour cela que nous avons l’Autorité du Bassin du Niger (ABN) dont le Mali est membre. On peut dire même le membre le plus actif en termes d’investissement sur le fleuve Niger. Des projets important sinon des programmes importants ont été élaborés à cet effet. Je peux parler du PIC (Programme d’Investissement Climat) pour le fleuve Niger que nous avons monté avec l’appui technique et financier de la banque mondiale. Mais malheureusement jusqu’à présent la table ronde des bailleurs n’a pu être tenue pour mobiliser le financement nécessaire la mise en œuvre de ce programme. Il y a un autre programme dont le chef de file est la Banque Africaine pour le Développement (BAD) qui traine aussi à démarrer pour les mêmes raisons. Vous avez bien posé la question est ce que nous avons les moyens de nos ambitions. Il faut forcement le financement extérieur pour pouvoir mettre en œuvre ce que nous avons comme ambition pour le fleuve Niger.

Parmi ces problèmes, il y’a l’orpaillage, l’extraction de sable qui  se font devant nos yeux et détériorent le fleuve. On remarque Peu d’actions publiques pour les contrer…

Je crois que nous avons été les premiers sur la question. Et cela est vérifiable. Nous avons produit beaucoup de rapports sur cette question de l’exploitation de l’or par drague dans le lit du fleuve. C’est malheureusement une mauvaise interprétation des documents qui autorisent par ce qu’il y a certains quand même qui ont les permis d’exploitation, d’autres qui n’en ont pas. Ceux qui ont les permis d’exploitation, je crois, c’est leur intervention qui a favorisé aussi l’intervention anarchique qui est en train d’être fait. Il faut qu’on applique textes. Et pour appliquer les textes on n’a même pas besoin d’aller loin. L’application du code forestier peut facilement gérer ce problème. Mais malheureusement l’interprétation pose problème. Quand on délivre un permis, le permis porte sur un périmètre donné. Et ce périmètre est défini par des coordonnées géographiques. Mais il n’est pas indiqué sur les permis que l’extraction devait être faite du domaine fluvial. Quand même cela est prévu par le code domanial aussi bien que le code forestier disent qu’une servitude de 25 à 30 mètres doit être respectée. Donc ça veut dire qu’au-delà, on ne doit pas mener des activités économiques de ce genre. Mais ce n’est pas le cas, les gens ils ont leur périmètre d’exploitation. Ils interviennent en fonction de ça sans  tenir compte de ce que disent le code domanial et la loi forestière. Nous en tant qu’agents chargés de la sauvegarde du fleuve Niger nous n’avons pas fondamentalement les moyens d’agir. Nous pouvons constater, rendre à qui de droit. Mais nous n’avons pas aujourd’hui les moyens pour y faire face. C’est à dire sur le plan légal d’interdire ces interventions-là. Par ce que quelque part aussi le code minier ne remet pas en cause cette façon d’intervenir. Comme ce code est en relecture. En tout cas nous nous œuvrons à  ce que cette situation soit bannie du code à venir. On peut dire que le fleuve Niger se porte mieux que d’autres cours d’eau quelques parts au Mali sur ce plan.

Au niveau de Gao ou de Tombouctou, des dunes de sable sont presque dans le lit du fleuve. Ou en sommes-nous avec la fixation des dunes ?

J’avais dit auparavant que les causes de dégradation du fleuve Niger se situent à deux niveaux. Ce qui est du fait de l’homme et ce qui est du fait de la nature. Ces dunes ne sont pas des nouvelles créations. Je prends le cas spécifiquement de la dune de Koïma : depuis la nuit des temps cette dune existe. Et elle a même son histoire mythique. Ce n’est pas que ces dunes se sont installées tout de suite. Depuis la nuit des temps ces dunes existent. Ce sont des éléments dynamiques, des éléments dynamiques qui perdent des éléments. Et qui en reçoivent aussi. Donc la nature fait un peu son travail. A un moment donné on a constaté qu’il était nécessaire effectivement de fixer ces dunes. Vous avez précédemment posé une question à savoir si nous avons les moyens de nos ambitions. C’est toujours le même problème. Je me dis souvent que la technique utilisée n’est pas la mieux appropriée. C’est mon avis personnel. La technique de fixation que nous utilisons aujourd’hui. Je me dis que les palissades qu’on utilise viennent d’une végétation. Donc on détruit quelque part pour construire d’autre part. Et malheureusement le résultat est faible. Personne ne peut dire le contraire. Mais je dis quelque part aussi les moyens engagés sont très insuffisants par rapport aux besoins. Je crois que c’est aussi une réalité. Et peut-être qu’il faut changer de stratégie aller vers à une concentration des efforts en des endroits bien précis. Une fois cela réussi, on peut procéder à des duplications. Mais la façon dont est en train d’éparpiller les efforts, il est un peu difficile d’avoir des résultats qui puissent donner satisfaction. Je veux dire quoi ?  Je vais prendre l’exemple chez moi. Vous avez parlé tout à l’heure de Tombouctou et de Gao. Par exemple aujourd’hui dans la zone de Bourem, il est établi quand même que la forêt classée de Barria est un patrimoine important pour nos communautés. On pouvait concentrer ces efforts pendant deux ou trois ans sur les dunes qui entourent cette foret et voir ce que ça va donner. Au lieu de dire qu’on va faire un hectare à Barria, un hectare à Wabarria, un hectare Hawa, un hectare à Taoussa. Peut être concentrer le tout à un niveau et voir le résultat que ça peut donner. Par ce qu’en définitive, on n’a des résultats nulle part. En tout cas même s’il ya des résultats ce sont des résultats mitigés.

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Réalisé par Mahamane Touré et Salif Diakité

Source: LE TEMPS DU SAHEL

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