En 2013, IBK à peine déclaré vainqueur, son adversaire malheureux, Soumaïla Cissé, s’est rendu à son domicile à Sébénicoro pour le féliciter et lui souhaiter bonne chance. Un geste d’apaisement salué au Mali, dans le reste de l’Afrique, voire hors du continent comme un exemple à suivre pour les démocraties et émergentes.
Ce scrutin, décrit par son principal bénéficiaire comme ” un quasi plébiscite ” (il a obtenu plus de 77% des suffrages exprimés) n’était pourtant pas sans reproche. Du moins si l’on s’en tient au ” livre blanc ” que lui a consacré l’URD et qui figurait dans l’arsenal des outils de campagne de son candidat pour l’élection qui vient de s’achever. Il dresse une liste impressionnante de faits qualifiés de ” fraudes, d’irrégularités, de pressions exercées sur la Cour constitutionnelle dans le but d’influencer sa décision en faveur du candidat IBK ”
Soumaïla Cissé, qui avait décrié ces ” anomalies” dès la proclamation des résultats a, malgré tout, posé son acte chevaleresque pour éviter au Mali, alors menacé de désintégration à la fois par la rébellion kidaloise et les groupes terroristes aux aguets, une épreuve supplémentaire qui aurait pu lui être fatale.
Cinq ans après c’est IBK qui, de nouveau sorti victorieux de la confrontation pour le fauteuil présidentiel, va vers son rival. Non pas en se déplaçant à son domicile de Badalabougou comme certains l’ont souhaité, mais par la parole. Dans sa première déclaration post-électorale qui se veut un hymne à l’unité ” la plus grande urgence de ce moment singulier de notre histoire ” il indique : “ A mon jeune frère Soumaila Cissé, le chef de file de l’opposition républicaine, je voudrais tendre la main. Après la bataille électorale, il y a les retrouvailles. Car pour bâtir un avenir de tous les possibles, le Mali doit pouvoir compter sur toutes ses filles et tous ses fils. Chacun aura sa place. La république n’exclura personne. J’en serai le garant “.
Ces propos sont plus qu’une simple réponse à la politesse que lui a faite Soumaïla Cissé en 2013. Ce dernier et ses alliés appellent demain samedi à une réédition de ” la marche contre la fraude ” qui a mobilisé le samedi précédent 18 août ” quelques milliers de participants ” selon les media internationaux. Ils promettent qu’il en sera ainsi à Bamako et les villes de l’intérieur du pays aussi longtemps que le candidat de ” Ensemble pour restaurer l’espoir au Mali ” ne sera pas reconnu ” président élu ” et installé au palais de Koulouba en application de ” la volonté exprimée par le peuple malien “.
Le danger que recèlent ces marches à répétition projetées sur toute l’étendue du territoire, c’est de cristalliser les mécontentements sociaux qui se sont exprimés par des grèves intempestives et prolongées dans des secteurs sensibles comme la santé, l’éducation, le commerce de détail, la justice, dans les derniers mois du premier quinquennat d’IBK. A la longue elles pourraient constituer un facteur supplémentaire d’instabilité pour un pouvoir en mal de légitimité. Le président a été, en effet, élu par 1 791 926 votants pour 8 000 642 inscrits sur les listes électorales ; preuve d’un désintérêt manifeste des citoyens ayant acquis la majorité électorale pour ce scrutin.
C’est ce danger qui a commandé la main tendue d’IBK à Soumaïla Cissé. Entraîné dans une spirale de contestation-répression, le Mali en deviendrait ingouvernable. Il ne pourrait plus respecter ses engagements nationaux, notamment la mise en œuvre de l’accord pour la paix et la réconciliation des 20 mai et 15 juin 2015, ni régionaux, notamment la création d’une Cour des comptes préconisée par l’UEMOA pour mieux lutter contre la corruption et le gaspillage des fonds publics. Ni internationaux, en particulier ceux afférents à la vie des populations défavorisées.
En somme ce serait le chaos qui ne profiterait à personne. Tout doit être fait pour le conjurer.
Ligne force Conjurer chaos
Saouti Haïdara
Source: L’Indépendant