ONU brutalité l’armée birmane contre Rohingyas difficilement concevable
Des enquêteurs de l’ONU ont demandé mardi que l’armée birmane soit exclue de la vie politique, exhortant au limogeage des hauts gradés impliqués dans le “génocide” à l’encontre des Rohingyas contre lesquels ils ont fait preuve d’une brutalité “difficilement concevable”.
La Mission d’établissement des faits de l’ONU sur la Birmanie, qui n’a pas été autorisée à se rendre dans le pays, a interrogé plus de 850 victimes et témoins et s’est appuyée sur des images satellite pour publier un rapport de 444 pages, présenté mardi devant le Conseil des droits de l’homme de l’ONU.
“C’est un mépris total pour la vie humaine”, a déclaré au Conseil le président de la mission Marzuki Darusman, jugeant le “niveau brutalité” de l’armée “difficilement concevable”.
M. Darusman a décrit des massacres dans des villages rohingyas. “Les hommes étaient systématiquement tués”, “les enfants se faisaient tirer dessus, étaient jetés dans la rivière ou dans un feu”, les femmes et les filles étaient couramment violées et pour beaucoup en outre “physiquement et mentalement torturées”, selon l’enquêteur.
Plus de 700.000 Rohingyas, minorité ethnique musulmane, ont fui en 2017 les violences de l’armée et de milices bouddhistes pour se réfugier au Bangladesh voisin où ils vivent depuis dans d’immenses campements de fortune.
L’armée birmane rejette ces accusations et assure que sa campagne visait des rebelles rohingyas après des attaques meurtrières contre des postes de police en août 2017.
Malgré l’arrivée au pouvoir en 2016 du gouvernement civil d’Aung San Suu Kyi, prix Nobel de la Paix, l’armée conserve une place centrale dans le régime politique birman.
Elle contrôle trois ministères régaliens –Défense, Intérieur, Frontières– et supervise l’attribution d’un quart des sièges au Parlement, ce qui lui permet de bloquer tout amendement constitutionnel qui limiterait ses pouvoirs.
Le gouvernement civil doit “poursuivre le processus visant au retrait des militaires de la vie politique” et engager une révision de la Constitution en ce sens, selon le rapport final de la mission.
Les enquêteurs, dont la mission a été établie par le Conseil des droits de l’homme en mars 2017, réclament aussi le limogeage des chefs militaires, réitérant la demande, déjà présentée fin août dans un rapport d’étape, de poursuites contre le chef de l’armée Min Aung Hlaing et cinq autres hauts gradés pour “génocide”, “crimes contre l’humanité” et “crimes de guerre”.
Les enquêteurs recommandent que le Conseil de sécurité fasse appel à la Cour pénale internationale ou que soit établi un tribunal international ad hoc. Ils appellent aussi à des sanctions ciblées contre les auteurs de crimes et un embargo sur les armes.
“Assassinats”, “disparitions”, “torture”, “violences sexuelles”, “travail forcé”: le rapport détaille une longue liste d’exactions à l’encontre des Rohingyas constituant “les crimes les plus graves au regard du droit international”.
Il demande aux autorités birmanes de “ne pas faire obstacle au retour sûr et durable” des Rohingyas. Un accord de rapatriement signé entre la Birmanie et le Bangladesh fin 2017 est au point mort dix mois plus tard, les deux pays se rejetant mutuellement la faute. Les réfugiés rohingyas refusent, eux, de revenir avant que leur sécurité et leurs droits soient garantis.
– Plus de 10.000 morts –
La mission onusienne demande aussi au gouvernement birman, en coordination avec la Croix-Rouge et le Bangladesh, d’identifier le nombre de personnes tuées ou portées disparues.
Les informations recueillies par ses enquêteurs suggèrent que l’estimation de 10.000 morts, avancée par Médecins sans frontières (MSF), est “prudente”.
La mission demande aussi la libération des deux reporters de Reuters, Wa Lone et Kyaw Soe Oo, condamnés à sept ans de prison pour “atteinte au secret d’Etat” alors qu’ils enquêtaient sur des exactions de l’armée, et pointe l’éventuelle responsabilité de Facebook et d’autres réseaux sociaux qui ont pu relayer la propagande dispensée par les militaires birmans durant la crise.
Elle avait déploré fin août qu’Aung San Suu Kyi n’ait “pas utilisé sa position de facto de chef du gouvernement, ni son autorité morale, pour contrer ou empêcher” les violences. Très critiquée pour son silence dans cette affaire et même qualifiée de “porte-parole des militaires” par un haut responsable de l’ONU, la responsable birmane s’est montrée mi-septembre imperméable aux accusations, se contentant d’indiquer que l’armée aurait pu “mieux gérer” la crise.
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AFP