Alors que la crue continue, Bamako enregistre à la date du 17 septembre 2018, 1225 ménages victimes d’inondations, 32 748 sinistrés et 6500 personnes sous le coup de menace d’inondations.
Comme annoncée par la direction nationale de l’hydraulique, les eaux du fleuve Niger montent à un rythme effréné depuis des semaines et cela n’est pas sans conséquence sur les riverains.
“Au niveau de la station de Bamako, la montée du niveau du plan d’eau entamée en début juin se poursuit de façon progressive avec une moyenne journalière de 10 cm à partir du 1er septembre. La cote à la date du 13 septembre 2018 est de 393 cm et a dépassé de 13 cm, la cote d’alerte de 2001 qui est de 380”. Cette annonce du directeur national de l’hydraulique, Yaya Aboubacar, est largement suffisante pour tenir compte de la gravité de la crue cette année.
D’ores et déjà, plusieurs habitations riveraines ont été inondées et abandonnées à cause de la montée historique du niveau d’eau du fleuve. D’autres restent sous la menace de la même catastrophe naturelle. Selon les chiffres de la direction générale de la protection civile, à la date du 17 septembre 2018, on comptait à Bamako 1225 ménages victimes d’inondations, 32 748 sinistrés et 6500 personnes sous le coup de menace d’inondations.
Le rapport de la direction régionale de la protection civile du 12 septembre 2018 précise également les zones touchées par la montée des eaux du fleuve Niger : l’île de Guantanamo à Sébénikoro ou encore Sébénikoro-Gounkan, en Commune IV (48 familles touchées dont 420 sinistrés), Badalabougou, derrière Amadine en Commune V (4 familles dont 38 sinistrés), Baco-Djicoroni-Hérémakono (13 familles dont 82 sinistrés), Commune rurale de Kalabancoro Benne-place à Tiébani (52 familles dont 738 sinistrés), Ngabakoro-Droit (17 familles dont 608 sinistrés), Dangamba, non-loin de Moribabougou (30 familles dont 1335 sinistrés), Djénkon, Commune rurale de Moribabougou (17 concessions écroulées faisant 133 sans-abris).
En plus de ces localités déjà touchées par la crue, d’autres sont fortement menacées d’inondations comme Sotuba village (habitations Soufi Adama), Bozola-Namassadangan, village de Sala (33 familles menacées).
Montée vertigineuse des eaux du Niger
La forte pluviométrie attendue serait la cause de ces inondations. “En considérant les cumuls des pluies excédentaires attendues dans le pays ainsi que des écoulements excédentaires dans les bassins, des niveaux de risque d’inondations sont à considérer pour les fleuves Niger et Sénégal”, précise le directeur national de l’hydraulique.
Pour minimiser les dégâts de cette situation d’inondation, la protection civile est en alerte permanente. “Après le message de l’hydraulique sur la montée du fleuve, nous avons pris des dispositions pour intervenir à temps afin de limiter les dégâts”, assure le commandant Bakary Dao, directeur régional de la protection civile de Bamako. Ce qui semble réussi pour le moment au commandant Dao et ses éléments. “Pour le moment nous parvenons à éviter les pertes en vies humaines et de biens, mais nous déplorons des écroulements de maisons”, indique-t-il.
Les sinistrés témoignent de la promptitude de la protection civile. “Nous avons été secourus à temps. Ce qui a fait qu’on a pu amener tout le monde et ses biens”, confirme Bassidiki Saounta, le chef de village de Sébénikoro-Gounkan.
Ce résultat est le fruit d’un travail remarquable abattu en amont. “La révision du plan de contingence multirisque établie en février dernier nous a permis de distinguer les différentes catastrophes auxquelles nous devrons faire face. C’est ce qui nous a permis de limiter les dégâts des inondations”, explique le directeur général de la protection civile, le colonel Seydou Doumbia.
Prise en charge des sinistrés
La prise en charge des sinistrés à Bamako est aussi une action collective. Elle nécessite l’implication des agents de la protection civile, des mairies et du service du développement social. Dans un premier temps, c’est la protection civile qui intervient pour évacuer les sinistrés, tout en leur fournissant des kits de secours.
Une fois sur le site de recasement indiqué par la mairie, c’est le service social qui prend en charge la nourriture. A ce propos, les services techniques se débrouillent avec les moyens de bord. “En ce qui concerne la prise en charge des sinistrés, elle se fait avec les moyens de bord et le soutien des partenaires. Dans les cas d’espèce, il y a de stocks prédisposés dans toutes les régions”, confirme Boubacar Maïga, chef de la section action humanitaire, secours d’urgence à la direction nationale du développement social et de l’économie solidaire. “Une fois ces stocks épuisés, c’est le département qui intervient avec le Fonds national et le soutien des partenaires avec en tête le bureau des Nations-Unies pour la coordination des actions humanitaires (l’Ocha) “, précise-t-il.
Sinistrés et problématique de recasement
Dans les écoles qui servent de sites de recasement pour les sinistrés de la montée du fleuve Niger, on ne peut s’empêcher de constater la désolation et l’inquiétude sur les visages des pensionnaires de circonstance. Des enfants, inconscients de la situation, se sont vite adaptés à leurs nouveaux environnements et vaquent à leur occupation première en cette période de vacances et de jeux.
A peine logés dans les salles de classes et pris en charge par le service social, les sinistrés ne peuvent pas s’empêcher de penser à leur relogement. “Nous sommes inquiets par rapport à notre situation. Nous sommes logés dans des salles de classes et on est à quelques jours de la rentrée des classes. Ce qui est sûr, c’est qu’on ne peut pas rester dans les écoles. Notre inquiétude se situe à ce niveau. Est-ce que les dispositions sont prises par les autorités pour nous recaser avant la rentrée des classes ?”, s’interroge M. Saounta.
La même inquiétude se fait sentir par l’opinion nationale. “On se demande qu’est-ce qui va se passer avec ces gens-là après la rentrée ? Seront-ils laissés pour compte ? Je suis vraiment inquiets pour le sort qui les attend après la rentrée des classes”, s’inquiète Ousmane Traoré, habitant de la Commune II. Avant d’interpeler les autorités communales par rapport au recasement des sinistrés. “Il est temps que les municipalités songent à aménager des espaces dans les quartiers pour reloger les gens après les situations semblables”.
Les autorités communales semblent conscientes de la situation et font de leur mieux pour anticiper pareille situation déplorable qui pointe à l’horizon. “La mairie est totalement engagée à trouver des solutions à la situation des sinistrés. En plus de la mairie, tous les acteurs concernés par cette situation font de leur mieux pour redonner de l’espoir aux déplacés. Des réunions entre la mairie et ses partenaires se tiennent régulièrement pour prendre des dispositions de relogement des sinistrés, avant la rentrée des classes. Elle continue de chercher des partenaires pour une meilleure prise en charge des victimes de la crue”, assure Modibo Kéita dit Mandela, 4e adjoint au maire de la Commune IV, chargé des affaires sociales.
En plus des victimes elles-mêmes, les mairies ont leur part de responsabilité dans cette situation. Pour la majorité des populations avec lesquelles, la responsabilité des mairies est grande. “Même si les occupants de ces lieux doivent savoir qu’ils sont en danger en s’installant sur ces terrains à risque d’inondations, ce sont les maires qui sont les principaux responsables de cette situation. C’est eux qui vendent ces parcelles et ordonnent de les construire en violant tous les règlements en la matière”, peste Yacouba Sangaré, employé de commerce.
Les autorités municipales refusent d’endosser seules cette lourde responsabilité qui les dépassent dans la plupart des cas. “Ceux qui construisent dans le lit du fleuve le font anarchiquement. La mairie ne peut rien contre ces gens-là puisqu’ils disposent des documents, soit de la mairie du district, soit du gouvernorat. C’est à l’Etat de prendre sa responsabilité en prenant des mesures par rapport à cette situation”, proteste Mandela.
Les solutions proposées pour éviter et ou pour limiter les dégâts des inondations sont, entre autres, le changement de comportement, le respect des textes régissant la construction de l’habitat, la construction en dur dans les zones à risque d’inondations…
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Youssouf Coulibaly
Source: L’Indicateur du Renouveau