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L’expert Sidy Bouaré, à propos de la finance islamique : « elle freine le financement du terrorisme international »

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Dans sa Lettre de mission adressée au Premier ministre, le président de la République a décliné les axes prioritaires de son second quinquennat qui a débuté le 04 septembre 2018. En effet, dans le volet consacré à la « promotion d’une croissance inclusive », Ibrahim Boubacar Keïta instruit le chef du gouvernement et son équipe de « relever le défi de la promotion de la finance islamique comme mode de financement alternatif à travers le renforcement et l’accélération de sa mise en œuvre ».

Dès lors, des Maliens, à qui l’expression « finance islamique » semble faire quelque peu peur, s’interrogent. Qu’est-ce que véritablement la finance islamique ? En quoi peut-elle être un mode de financement alternatif ? Comment relever le défi de sa promotion ? Quels sont ses enjeux ? Ce sont autant de questions auxquelles il conviendrait de trouver des réponses pour éclairer la lanterne des lecteurs.

Dans cette optique, nous avons rencontré un jeune expert en la matière. Sidy Bouaré, doctorant au Business Science Institute Luxembourg, est détenteur d’un Exécutif MBA en finance islamique de l’École de Management de Strasbourg, Université de Strasbourg en France. Répondant à notre sollicitation, l’administrateur général d’IFI consulting Sarl se réjouit de cette « décision politique très forte qui dénote l’engagement du sommet à promouvoir l’industrie de la finance islamique ».

Par ailleurs Directeur général de la Caisse d’intermédiation et de développement Amanah Finance –CID Amanah Finance AS, M. Bouaré considère la finance islamique comme une finance qui « fonctionne exclusivement sur les principes de la loi islamique : «Charia» ». A ce titre, elle est fondée sur cinq principes : les interdictions de prise d’intérêt, de l’incertitude liées aux spéculations et des actifs illicites tels l’alcool, les jeux de hasard ou le tabac. Elle repose aussi, selon lui, sur le partage des pertes et profits et l’existence d’un actif sous-jacent. « La finance islamique n’exige aucune garantie en revanche et se consacre strictement aux besoins du demandeur », assurait-il dans une interview accordée à L’Essor.

C’est à ce titre qu’elle se positionne comme un mode de financement alternatif. En la matière, Sidy Bouaré, qui est membre du Comité de conformité Sharia de Coris Bank International (branche islamique), trouve en l’industrie de la finance islamique des potentialités à même de contribuer au développement économique et social du Mali. « L’émission de son premier Sukuk d’un montant de 150 milliards de Fcfa sur le marché régional destiné à financer un programme de 3 665 logements sociaux, dont plus de 1 250 nouvelles constructions est, à son avis, un témoignage palpable ».

Notre pays, rappelons-le, semble en la matière largement devancé par certains pays limitrophes. La Côte d’Ivoire, le Sénégal et le Togo ont pu lever 1,2 milliard d’euros grâce à l’émission d’obligations « Sharia-compliant » depuis 2014, comme on peut le consulter sur le site www.bsi-economics.org. A l’échelle mondiale, le montant total d’actifs financiers islamiques échangés était de 1 893,10 Mds Usd en 2016, selon la même source qui cite le rapport Islamic Financial Services Industry Stability de 2017.

Donc, l’exécution de cette volonté présidentielle peut être profitable au Mali. A condition, préviendra l’expert, de mettre en œuvre un certain nombre d’actions. Il s’agira entre autres de former des hauts cadres de l’Etat en finance islamique ; commettre par exemple un spécialise auprès du ministre chargé de l’Economie et des Finances etc.

En d’autres termes, il s’agit, insistera Sidy Bouaré, d’accélérer l’achèvement de l’assainissement de l’environnement règlementaire, notamment le vote par l’Assemblée nationale de projets de textes adoptés en Conseil des ministres en sa séance du 31 mai 2018 autorisant les systèmes financiers décentralisés à proposer exclusivement, ou à titre principal, les produits de la finance islamique.

De même, le spécialiste propose d’assainir le cadre fiscal « en émettant des instructions fiscales afin de faciliter les transactions de produits et services offerts par les institutions financières islamiques ».  Il est aussi nécessaire d’essayer de réunir les acteurs autour d’un forum sur la finance islamique. Réunion annuelle au cours de laquelle des panels présenteront les opportunités d’investissements pour chaque département afin d’attirer les investisseurs. En outre, exhortera-t-il, il va falloir soutenir l’Institut Zayed des sciences économiques et juridiques de Bamako en matière de formation continue des étudiants et des professionnels en finance islamique.

Parlant des enjeux, cet expert en finance islamique rappelle les conclusions du bulletin d’information n°001IFI NEWS, réalisé à Bamako en avril dernier. Selon les résultats de cette étude qui a concerné 1 000 personnes, 86,1% des enquêtés apprécieraient les produits et services offerts par les institutions financières islamiques. Avec à la clé la possibilité de mobilisation de plus de 500 milliards de Fcfa par an.

D’autres considèrent, par ailleurs, ce mode de financement comme une finance solidaire ou caritative à cause de l’absence d’intérêt. A eux M. Bouaré explique : « Les modes opératoires proposés par les institutions financières islamiques (banques islamiques, micro finance islamique, etc.) sont parfois plus rentables que ceux du système bancaire classique ». En outre, soutient-il, ils (ces modes) protègent davantage les agents économiques, car leur fondement éthique demeure le partage équitable des richesses.

Selon le doctorant, cet intérêt avéré recommande à l’Etat l’ouverture des chantiers d’envergure, tels que la création d’une Banque islamique nationale, un système financier décentralisé national islamique et un Fonds national pour la promotion de la finance islamique. Surtout que la finance islamique, contrairement à certaines idées reçues, freine le financement du terrorisme international et participe à l’atteinte de l’inclusion financière.

M. Bouaré rappelle, concernant ces derniers points, que l’une des raisons du faible taux de bancarisation des pays majoritairement musulmans est l’interdiction par l’islam de la prise de l’intérêt.

Comme effet, d’énormes fortunes échappent au contrôle des systèmes financiers mondiaux dont une partie, affirme-t-il sert au financement du terrorisme. « L’industrie de la finance islamique qui est conforme aux principes de la Charia peut drainer une bonne partie de ces fonds qui échappent au système financier conventionnel pour des raisons religieuses », argue l’expert.

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Cheick M. TRAORE

SourceEssor

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