Les pratiques à l’organe de supervision du processus électoral ont frisé l’infantilisme et la puérilité, la semaine dernière. Les antagonismes entre ses deux tendances inconciliables n’ont pu s’exprimer, en effet, que par la violence et l’épreuve de force sur fond d’adversité congénitale ayant dégénéré dans la foulée d’un vicieux audit des fonds alloués pour la présidentielle.
Il s’agit d’un coup de force en règle qu’une certaine dissidence constituée de 8 membres a entrepris en annonçant la déchéance du président Mamadou Bah et du questeur Befon Cissé. Raison évoquée : un «manquement» aux règles budgétaires de l’organe qu’a relevé précédemment une commission de contrôle irrégulièrement constituée par les adversaires du président.
A peine eut-il le temps de prendre l’opinion à témoin sur l’irrégularité de cette démarche que le camp d’en face devait être brutalement pris à partie à coups d’invectives, d’atteintes à l’intégrité physique et de saccage des bureaux. Une véritable scène de désolation sur fond de vandalisme, qui a drainé toute une armada de forces d’interposition pour dissuader les auteurs, en attendant l’issue d’une action judiciaire déjà déclenchée auprès du Tribunal de la Commune IV.
Rien n’a pu empêcher, en revanche, que leur logique putschiste débouche sur la mise en place d’un directoire parallèle sous la houlette de Me Mariko es qualité président et de Evaris comme questeur, en lieu et place respectivement de M. Bah et
– Une vielle rengaine ?
La démarche ne paraît pas surprendre outre mesure le président régulièrement installé. Approché par nos soins sur la question, M. Bah la considère en effet comme un prolongement naturel de l’inextinguible amertume consécutive à l’avènement de l’équipe qu’il dirige. La tendance opposée n’a jamais pu s’accommoder de l’équipe dirigeante de la Céni, en dépit de toutes les tentatives du président élu pour dépasser les désidératas congénitaux et concilier les camps. Par conséquent, les frondeurs n’ont jamais renoncé à inverser la tendance, a laissé entendre le président, en évoquant comme preuve leurs tentatives de reprendre la présidence de l’organe à la moindre vague. Par exemple, les convoitises et velléités ambitieuses ne se sont éteintes, lors de la nomination du président comme conseiller à la Cour suprême, qu’au prix d’un arbitrage judiciaire en dernier ressort sur la compatibilité de la fonction de président de la Céni avec celle de membre de la haute juridiction. Elles devaient ensuite rebondir à la veille de la présidentielle, au gré notamment de simples présomptions de connivence entre le président et l’opposition.
– L’air d’une fuite en avant…
Mais les motivations de la fronde actuelle découlent visiblement d’enjeux totalement différents, à en juger par le contexte. En effet, aucune agitation de la Céni n’avait précédemment connu l’ampleur de la rupture qu’a occasionnée la vicieuse mission d’audit récemment envoyée par le ministre des Finances pour tirer au clair l’utilisation des crédits alloués dans le cadre de la présidentielle. Ladite mission vient d’être bouclée après cinq longues semaines jalonnées de malentendus et divergences très prononcés autour de la posture de la Céni face aux contrôleurs. Tandis que la majorité des membres de l’organe affichaient une hostilité ouverte à la présence des auditeurs, les principaux responsables ont estimé cette posture inappropriée et assimilable à un aveu d’opacité dans la gestion des fonds mis à leur disposition. Les conclusions de l’audit en diront long du reste sur les motivations de chaque tendance, et pour cause. Les justificatifs qui manquent à l’appel portent sur des dépenses à concurrence de 900 millions environ dont la plupart concernent les démembrements imputables aux commissaires fondeurs de la Céni. Un membre de l’organe, confie-t-on, a pu justifier à peine 3 millions sur 145 millions perçus pour le compte du démembrement dont il a la charge.
De quoi corroborer les suspicions d’une fuite en avant résultant des difficultés pour collecter les justificatifs et que les frondeurs voudraient masquer par des accusations de manquements de l’ordonnateur du budget à la discipline budgétaire de la Céni. Au nombre des griefs figure notamment l’utilisation des crédits de fonctionnement pour l’achat de véhicules aux dépens des démembrements qui accusent encore de nombreux retards de paiements.
– L’hôtel des Finances aussi passible de reproches
Le premier responsable de la structure s’en défend. En réplique aux accusations des frondeurs, il rétorque que le crédit en question a été utilisé pour régler un reliquat sans lequel le fournisseur desdits engins ne pouvait procéder à leur régularisation douanière. Mais, pour autant que lesdits griefs lui paraissent spécieux dans tous les cas, le président de la Céni n’en veut pas moins au département des Finances d’avoir contribuer à entretenir le flou et la confusion sur la situation financière de l’organe. D’abord à l’arbitrage de des dotations budgétaires à accorder à la structure, ensuite au moyen d’un gel inexplicable des montants accordés pour la supervision électorale. «Je ne sais pas ce que le ministre des Finances a contre la Céni», s’est interrogé M. Bah d’un ton plaintif en évoquant les traitements infligés par l’hôtel des Finances : refus systématique d’écouter son président et de prendre en compte ses besoins y compris pour le remboursement des dépenses liées à certaines activités pré-financées dont la prise en charge des auditeurs du fichier électoral. Autant de comportements ayant contribué à ouvrir les brèches où s’engouffrent des frondeurs pour prendre en défaut l’équipe dirigeante sur l’orthodoxie budgétaire.
Quoi qu’il en soit, ni les griefs soulevés contre elle ni les manœuvres utilisées ne peuvent prospérer au point d’aboutir à sa destitution, rassure le président Bah en se référant à une violation du règlement intérieur selon lequel une assemblée générale extraordinaire élective est l’apanage du président soit d’une majorité de 2/3 des commissaires. Or les frondeurs au nombre de 8 forment juste une majorité simple dont les mesures ne peuvent qu’être irrégulières. C’est le cas pour le remplacement du président et du questeur comme pour la mise en place d’une commission de contrôle parallèle qui les a sanctionnés pour manquement aux procédures budgétaires.
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A Keïta
Source: Le Témoin