L’audience a repris ce mardi 4 décembre 2018 avec la parole aux avocats du Général Gilbert Diendéré. Ceux-ci ont brandi une pièce à décharge annexée au dossier putsch qui a tendance plutôt à charger la hiérarchie militaire. À la fin des observations de ses Conseils, le mis en cause a fait une « déclaration de pardon » adressée particulièrement aux familles des victimes.
« Veuillez vous rassoir. L’audience est reprise ». Après ces mots prononcés par le Président du Tribunal, l’audition du Général Diendéré a effectivement repris.
L’un des avocats de l’accusé, Maître Jean Yaovi Dégli du Barreau togolais a révélé un message daté du 21 septembre 2015 que le Chef d’Etat-Major général des armées (CEMGA) aurait envoyé à « tous les Chefs militaires les informant qu’il y a un coup d’Etat ».
Cela dans le but de démontrer que « la hiérarchie militaire n’est pas blanche comme neige dans cette affaire » et « qu’elle a bel et bien soutenu » le putsch.
Le Parquet militaire demande le numéro de la pièce afin de pouvoir suivre les évolutions du débat. S’en est suivie une série d’échanges entre les différentes parties.
« Si cette pièce n’est pas dans le dossier, alors, moi je tomberai à la renverse. Et Monsieur le Président, vous comprendrez que le Parquet s’érige en défenseur de la hiérarchie militaire. J’ai versé cette pièce dans le dossier de mes propres mains », foi du Général Diendéré. Et pour l’une des rares fois depuis la comparution du présumé cerveau du putsch, les avocats des parties civiles ont eu droit à la parole pour se prononcer, mais seulement sur cet « incident ».
« Si la pièce n’a pas été communiquée préalablement à toutes les parties, que cela soit fait », a suggéré Maître Prosper Farama. « Non, mon Général, ne tombez pas à la renverse », a complété son confrère Maître Guy Hervé Kam. Maître Olivier Yelkouni, Conseil de Diendéré, viendra mettre fin au débat à ce niveau : « Il s’agit d’une partie annexée à la pièce i432 ». Les avocats du militaire considéré comme la boîte noire de plusieurs autres dossiers poursuivent donc avec leurs observations.
À les écouter, le CEMGA devrait dire ouvertement qu’il n’était pas d’accord avec le coup d’Etat dès le départ. « Ce SMS montre clairement que la hiérarchie militaire a soutenu le putsch », a conclu Maître Dégli. « C’est à partir de l’acceptation et du soutien de la hiérarchie militaire que tous les actes posés pendant le putsch l’ont été. Je ne leur en veux pas quelque chose, nous sommes de la même promotion. Mais, j’estime que leur attitude a été beaucoup plus déterminante que ce qui est reproché à plusieurs de mes coaccusés ici présents », a déclaré le Général Diendéré.
L’Officier supérieur accusé dans cette affaire a par ailleurs fait comprendre que le RSP n’était pas la seule unité qui assurait la sécurité du Chef de l’Etat. Il a révélé qu’il y avait aussi des unités de la Gendarmerie et la Police nationales.
L’ancienne principale personne ressource des renseignements burkinabè a également fait des révélations : « Le Président Michel Kafando avait promis aux hommes que le RSP n’allait pas être dissout sous son autorité. C’était en présence notamment de Monseigneur Paul Ouédraogo et du CEMGA ».
A l’en croire, pendant les événements de septembre 2015, il ne pouvait pas s’opposer à la volonté des éléments du RSP, sinon il aurait « rejoint Zida et Kafando qui avaient été arrêtés ». « Il n’y a jamais eu de préméditation liée à l’arrestation des autorités de la Transition. Ce que j’ai assumé, c’est seulement la prise du pouvoir le 17 septembre 2015. Et non ce qui a suivi cette date et qui a causé des morts et des blessés. Je n’ai jamais donné des ordres d’aller tirer sur quelqu’un», s’est exprimé celui qui a passé 21 ans à la tête de l’Etat-Major particulier à Kossyam.
A l’issue de l’intervention de ses Conseils, Diendéré a tenu à lire une déclaration empreinte de demande de pardon aux familles des victimes. « J’étais conscient que je risquais la peine capitale. Mais, j’ai bien voulu assumer mes responsabilités. Je demande pardon à toutes les victimes », a déclaré le « Général deux étoiles ». Cette déclaration introduit les avocats des Parties civiles. « C’est aux familles des victimes de décider de vous pardonner », a réagi Maître Farama.
Son collègue, Maître Séraphin Somé, estime que le « Merci Papa » longuement évoqué pendant ce procès était un acte « discriminatoire ».
Selon lui, des « crimes économiques et politiques, des crimes de sang, la vie chère, la démocratie verrouillée, la monarchie en passe d’être instaurée au Burkina », avaient été dénoncés sous le régime Compaoré. « Mais, où était notre sauveur, notre Chérif, le RSP pour dire non on ne peut pas continuer comme cela ? C’est parce que la chose leur profitait. C’est regrettable de présenter aujourd’hui le RSP comme le justicier », a-t-il déploré.
Les avocats des Parties civiles poursuivent avec leurs questions et observations.
Général Diendéré : « Je demande pardon à toutes les victimes »
Noufou KINDO
Source: Burkina 24