Le Groupement professionnel des distributeurs de gaz butane au Mali (GPDG) a annoncé jeudi 10 janvier la suspension de la vente du gaz butane jusqu’à nouvel ordre. Il proteste contre la saisie des bouteilles de gaz par la direction nationale du commerce, de la concurrence et de la consommation.
Les ménages maliens seront très bientôt confrontés à une pénurie de gaz. Après les sociétés importatrices de gaz, c’est autour du Groupement professionnel des distributeurs de gaz butane au Mali de suspendre ses activités.
De quoi s’agit-il ?
Le Mali comptait douze centres emplisseurs (dépôts de recharge de gaz). Cinq, à savoir Total, Shell, Mobile, Ceregaz et Fouta Gaz ont depuis fermé boutique sans leurs bouteilles qui sont restées avec les consommateurs. Face à cette situation, la direction nationale du commerce, de la concurrence et de la consommation, à travers son antenne régionale du district de Bamako, a lancé une opération de saisie des bonbonnes de gaz des sociétés qui n’opèrent plus dans le secteur.
Les activités de distribution suspendues par manque d’option
La distribution de gaz est suspendue à Bamako depuis le mercredi 9 janvier. Contacté, Birama Yattassaye, président du Groupement professionnel des distributeurs de gaz butane au Mali, estime que les distributeurs de gaz sont piétinés dans leurs activités par les autorités en charge du commerce, de la concurrence et de la consommation.
Les arguments avancés par l’Etat, selon lui, ne sont pas crédibles. L’interchangeabilité ne saurait prospérer. Car les opérateurs gaziers se sont engagés à travers un écrit à recharger les bouteilles dites «non-conformes». Dire également que les distributeurs ne sont pas concernés n’est pas juste.
Selon Birama Yattassaye, les bouteilles saisies dans les différents centres emplisseurs appartiennent aux consommateurs que les distributeurs ont amenées pour remplissage. Cette situation entraîne une difficulté entre les consommateurs et les distributeurs, car ils ne cessent de réclamer leurs bouteilles. Ils pensent que les consommateurs ont payé leurs bouteilles de gaz et doivent par conséquent continuer à les utiliser. D’autant que, pour lui, les cinq sociétés n’ont jamais remboursé l’argent des consommateurs.
Désemparé, M. Yasttassaye affirme d’un ton acerbe : «c’est par manque d’option que nous avons décidé de suspendre nos activités». Il indique avoir écrit deux lettres au ministre du commerce et de la concurrence pour lui demander son implication personnelle. La première le 8 novembre et la seconde le 8 janvier. Toutes ces deux correspondances ont essuyé un refus.
Doute sur la destination des bouteilles saisies
Les autorités en charge du commerce avaient lancé dans les années 2013 et 2014 une telle opération de saisie de bouteilles de gaz. À présent, les distributeurs ne sont pas entrés en possession de leurs bouteilles. Ils sont nombreux à s’interroger sur la destination des produits saisis. Ont-elles été détruites ou pas ? Ou sont-elles stockées dans des magasins ?
Ces questions sont pour l’instant sans réponse. Toutefois, selon nos interlocuteurs, ce sont les responsables en charge du commerce qui détournent les bonbonnes de gaz. «Ils les revendent sur le marché», témoigne un membre du groupement. Contactée, la Direction régionale du commerce et de la concurrence du district de Bamako n’a pas répondu à nos sollicitations.
«C’est normal qu’on retire les bouteilles…»
Avec cette opération de saisie, les bonbonnes de gaz des cinq centres ne pourront plus être utilisées. Les consommateurs qui les détiennent seront obligés de chercher d’autres bouteilles. Joint au téléphone, le président du Regroupement pour la défense des consommateurs du Mali (Redecoma), Badou Soumounou, affirme être au courant de l’opération de saisie. «C’est normal qu’on retire les bouteilles des cinq emplisseurs qui ne travaillent plus», poursuit-il. Une fois qu’une société se retire, il n’y a pas de raison que sa bouteille reste en circulation.
«C’est tout à fait logique», martèle-t-il. De l’avis de M. Soumounou, aucun opérateur ne doit utiliser la bouteille d’un autre. Chacun est responsable de sa bouteille. Sinon comment situer les responsabilités en cas d’incendie provoqué par une bouteille de gaz ? s’interroge-t-il. C’est une question de sécurité.
Le président du Redecoma doute également du poids des bouteilles. Car rarement la quantité indiquée est juste. «On dit six kilogrammes mais ça ne vaut pas ça», précise-t-il. D’après M. Soumounou, beaucoup de bouteilles de gaz sont de mauvaise qualité. «Il y a des bouteilles qui ne sont pas sécurisées. Beaucoup de nos bouteilles proviennent de la France. Plusieurs d’entre elles sont déjà usées. Celles-ci sont badigeonnées et ensuite utilisées pour la vente du gaz. Ce n’est pas normal», peste-t-il. Le président Badou Soumounou invite les opérateurs gaziers à ne jamais recharger la bouteille d’un autre.
Les importateurs de gaz réclament 3,6 milliards de FCFA à l’Etat
La Société de distribution de gaz (Sodigaz), Sigaz et Faso gaz réclament à l’Etat, depuis septembre, le payement d’un montant de près de 3,6 milliards de FCFA. Près de quatre mois après, les opérateurs gaziers attendent toujours le paiement de la facture. «Ils ont envoyé une lettre au ministre de l’Economie avec ampliation aux différentes associations de défense des consommateurs pour lui réclamer leur argent», atteste Badou Soumounou, président de Redecoma. La même information est confirmée par Birama Yattassayé, président du Groupement professionnel des distributeurs de gaz butane au Mali. Contacté, Oudiéri Diawara de Sodigaz n’a pas voulu réagir.Ce qui est sûr, les points de recharge de gaz butane se vident de jour en jour.
Abdrahamane Sissoko
Source: La Sirène