Ce terme Patisakana vient de la déformation du terme français Partie sanglante mal prononcé par les tirailleurs sénégalais de la première guerre mondiale de 1914 à 1918. Au cours de la seconde guerre mondiale, les tirailleurs sénégalais, issus de l’armée coloniale française ont âprement combattu, comme lors de la première guerre, pour défendre les couleurs du drapeau tricolore. A la libération, la France ne leur accordera que de maigres droits et gèlera leurs pensions. Pour rappel notons que la création du corps des tirailleurs sénégalais date de 1857 par le Général Faidherbe, alors gouverneur du Sénégal. Il était initialement composé d’esclaves libérés qui gagnaient, en statut en s’engageant. Dès lors et jusqu’aux indépendances des colonies françaises au début des années 1960, ils connurent toutes les guerres : de la conquête coloniale, dont ils furent l’un des piliers, jusqu’aux guerres d’Indochine et d’Algérie. Dans la guerre de 1914- 1918 la première guerre mondiale, environ 170 000 tirailleurs africains et malgaches ont été recrutés. La seconde guerre mondiale entre 1939 et 1945 a enregistré environ 350 000 africains issus des colonies subsahariennes qui ont combattus pour la France. Nos soldats ont débarqué en Provence le 15 août 1944. Il y eu le massacre de tirailleurs désengagés en 1944 à Thiaroye au Sénégal. Entre 1960 et 1964 il y a eu la dissolution des dernières unités de tirailleurs sénégalais. Une fois rentrés en Afrique, ces hommes ont été trop souvent les oubliés de l’histoire. En effet lorsque qu’en janvier 2012, date de l’invasion de son territoire, le Mali est entré en guerre contre les forces obscurantistes (MUJAO, Ançar Dine, AQMI) et leurs alliés: les groupes armés indépendantistes (MNLA, HCUA, MAA, etc.), son armée n’a pas pu contenir les terroristes en raison du coup d’Etat du 22 mars 2012. A partir de janvier 2013, l’armée française est intervenue dans le pays, officiellement pour combattre les groupes djihadistes, ensuite avec le soutien de la MINUSMA, force onusienne chargée de la stabilisation du Mali. A côté de ces forces étrangères, les forces de sécurité et de défense du Mali ont mené tant bien que mal leurs missions de sécurisation du territoire. De 2012 à nos jours, les différentes forces présentes au Mali ont subi de lourdes pertes en vie humaines. Les forces armées du Mali, pourtant censées mieux connaître le terrain, ont payé le plus lourd tribut à la guerre. Combien de soldats maliens sont morts depuis 2012 ? Quelles sont les causes de cette hécatombe ? Enquête…
Suite au renversement de Kadhafi, des combattants maliens qui combattaient dans l’armée Libyenne sont rentrés au Mali, avec armes et bagages. Dans La foulée est fondé le Mouvement National de Libération de l’Azawad (MNLA) , le 16 octobre 2011 par la fusion du Mouvement National de l’Azawad (MNA) et de l’Alliance Touareg Niger-Mali (ATNM). L’objectif du MNLA était la création d’un état indépendant au nord du Mali, appelé Azawad, qui correspond à trois régions administratives maliennes: Tombouctou, Gao et Kidal avec la bénédiction de l’ancien président français Nicolas Sarkozy et son Ministre des affaires étrangères Alain Juppé la Jupette. Le 17 janvier 2012, les rebelles touaregs du MNLA (indépendantiste) et d’Ançar Dine (mouvement salafiste) ont déclenché la cinquième rébellion touarègue contre le Mali. Bientôt rejoints par les djihadistes d’AQMI et du MUJAO, ils vont prendre Aguelhok, Ménaka et Tessalit. À la suite de ces défaites, une partie de l’armée malienne a fomenté un coup d’État en mars 2012. Les rebelles en ont profité pour s’emparer de Kidal, de Tombouctou et de Gao. Le 6 avril 2012, le MNLA a annoncé la fin de son offensive et a proclamé l’indépendance de l’Azawad. Plusieurs batailles ont été livrées à cet effet.
Si chaque nation avait son 11 septembre, référence à l’attaque d’Al-Qaida contre les Etats Unis, l’attaque d’Aguelhok a été le 11 septembre malien. L’attaque de Ménaka, le 17 janvier 2012, a marqué le début du conflit au Mali. Le 18 janvier, les forces d’Ançar Dine, du MNLA et d’AQMI ont attaqué simultanément les villes de Tessalit et Aguelhok. Le 19 janvier, le colonel Mohammed Ould Meydou est sorti de Gao avec une colonne de militaires maliens et de miliciens arabes pour tenter de secourir les assiégés. Mais le 20 janvier, les forces maliennes sont tombés dans une embuscade au sud d’Aguelhok, près de l’oued d’In-Emsal. Au cours de cette embuscade, le Mali a perdu 10 hommes d’après le gouvernement, 100 selon les rebelles. Le 24 janvier, les groupes djihadistes ont pris le camp d’Aguelhok et ont exécuté tous les combattants en les égorgeant ou d’une balle dans la tête. Un premier bilan a fait état de 41 morts. Chiffre qui a grimpé ensuite à 82 tués. Le 1er février 2012, le président Amadou Toumani Touré a évoqué 95 morts. Enfin, l’Association malienne des droits de l’homme a parlé de 153 militaires maliens massacrés.
Le 26 mars 2012, les rebelles d’Ançar Dine et du MNLA, menés par Iyad Ag Ghali ont attaqué Kidal, ville tenue par les forces loyalistes du colonel El-Hadji Gamou. Le 30 mars, ce dernier a abandonné la ville qui a été conquise par les rebelles. Encerclé au cours de sa retraite par les hommes du MNLA, Gamou a fait croire qu’il se rallie au mouvement indépendantiste, puis il s’est réfugié au Niger avec ses 500 hommes. Pendant cette autre défaite, notre armée a perdu plusieurs soldats sans que le nombre exact soit connu. Ce nombre resté inconnu a été d’ailleurs à l’origine de la manifestation des femmes de Kati sur le Palais présidentiel occupé alors par Amadou Toumani Touré.
Fash Back la Bataille de Konna
Le 2 janvier 2013, venues des régions de Gao et de Tombouctou, les forces djihadistes d’Ançar Dine, du MUJAO, d’AQMI et de Boko Haram se sont rassemblées à Bambara Maoudé surnommé le Battant dans la perspective d’une grande offensive qui devait les conduire aux portes de la capitale malienne. Le 9 janvier, ils ont engagé le combat avec l’armée malienne dans les environs de Konna. Le 10 janvier, les djihadistes ont pris l’avantage sur les soldats maliens qui se sont replié sur Sévaré, abandonnant Konna aux mains de l’ennemi. L’armée a subi des pertes énormes. Le président malien par intérim, Dioncounda Traoré, a appelle alors le président français, François Hollande, lui demandant une aide militaire immédiate. Le président français a décidé, dès le 11 janvier, d’engager l’armée française: c’était le début de l’opération Serval. Les combats de reconquête menés à Konna par les armées françaises et maliennes ont fait 100 morts chez les salafistes, 12 victimes civiles et, officiellement, 11 tués du côté des militaires maliens.
La Bataille de Diabaly
Plus à ouest, le 14 janvier, une colonne islamiste de plus de 1000 hommes a contourné les lignes maliennes en passant par la Mauritanie et a pris d’assaut la ville de Diabaly, à 400 km de Bamako. L’armée malienne, surprise une fois encore, a subi des pertes. Il a fallu une énergique riposte des armées françaises pour sauver les forces maliennes
Encore de nouveaux morts de Kidal ont été constatés
Le 26 septembre 2013, le MNLA, le HCUA et le MAA ont publié un communiqué commun dans lequel ils ont déclaré suspendre les négociations avec le gouvernement malien à la suite du refus du président Ibrahim Boubacar Keïta de négocier l’autonomie du nord du Mali. Le 27 septembre, 2 militaires maliens ont été blessés à Kidal par des jets de grenades. Le 17 mai 2014, la visite du Premier Ministre malien, Moussa Mara, à Kidal va provoquer des affrontements entre les l’armée malienne et les rebelles du MNLA, du HCUA et du MAA. Les rebelles ont pris encore l’avantage et se sont emparés du gouvernorat après des combats qui ont fait plusieurs dizaines de morts côté malien.
A Nampala et à Ténenkou, il y a eu également des morts
C’était le 5 janvier 2014, la ville de Nampala a été attaquée et prise pendant quelques heures par les djihadistes; 11 militaires maliens sont tués, les autres ont pris la fuite. Dans la nuit du 6 au 7 janvier, des djihadistes ont attaqué la localité de Djoura, dans la région de Mopti: ils ont incendié la mairie, tuer 1 civil et se sont repliés. Le 16 janvier, ils ont attaqué Ténenkou mais ont été repoussés après des combats qui ont fait 10 morts. Le 25 janvier, 3 soldats maliens sont tués lors d’un échange de tirs avec des hommes armés entre Tombouctou et Goundam. Le 26, à Bamako, le général malien Mohamed Abderrahmane Ould Meydou échappe à une tentative d’assassinat commise par deux sbires d’Al-Mourabitoune(le groupe terroriste de Belmokhtar): l’officier a été cependant blessé par les tirs.
Lors de la visite de Mara à Kidal, les rebelles ont fait un nouveau massacre: ils ont égorgés les sous-préfets de Bouréissa, de Tin Zawaten, le préfet de Kidal et son adjoint, le préfet de Tin Essako, le préfet de Tessalit, 2 techniciens du gouvernorat de Kidal. De surcroît, 21 casques bleus et plusieurs dizaines de militaires maliens sont blessés. Pour couronner le tout, 30 civils ont passé des heures chaudes, pris en otages par les forces rebelles au gouvernorat de Kidal.
Il y a eu la poursuite des attaques après les accords de paix
Le 10 juin 2015, à Misséni, près de la frontière avec la Côte d’Ivoire, des djihadistes ont tué 1 gendarme, incendié des véhicules et hissé leur drapeau noir dans le camp militaire avant de disparaître dans la nature. C’était la première fois que des djihadistes mènent une attaque si loin de leurs bases, au sud du Mali.
Egalement Nara a été concerné par les attaques
Le 27 juin 2015, une attaque djihadiste a été repoussée par l’armée malienne à Nara, 3 soldats maliens et 9 assaillants ont été tués.
A Gourma-Rharous, le 1er août 2015, deux soldats maliens sont tués et 4 blessés dans une embuscade près de Toulé, entre Nampala et Diabaly. Le 3 août, un groupe de djihadistes a attaqué Gourma-Rharous et tué 11 gardes nationaux.
Sévaré n’a pas échappé aux attaques terroristes
Le vendredi 7 août 2015, vers 7 h, une attaque terroriste a été perpétrée à l’hôtel “Le Byblos”,à Sévaré, où était logée une partie du personnel de la MINUSMA. Bilan provisoire: 5 soldats maliens tués et 2 blessés. Côté terroriste: 2 tués et 7 suspects arrêtés.
Sans que ces zones citées ci-haut ne soit maitrisées par les forces nationales et étrangères, le conflit islamique s’est étendu au centre du pays, surtout dans les régions de Mopti, Ségou et le nord de la région de Koulikoro opposant les populations multi-ethniques (peul, bambara, dogon etc…) depuis 2016 sous forme de guerre ethnique. Au bout de deux ans plus de 500 civils ont été tués sans espoir que la paix revienne dans ces localités, malgré la promesse faite par l’actuel premier Ministre SoumeylouBoubèyeMaïga d’envoyer 4000 hommes bien équipés et bien entrainés ‘’pour ne laisser un seul centimètre carré aux terroristes’’. Ce pari n’a pas été tenu jusqu’à ce jour. D’où le doute légitime du peuple quant à la capacité d’en imposer par la force. Chaque jour que Dieu fait, il y a des victimes dans ces zones.
Bilan de la guerre depuis le début
Le 26 février 2013, selon un premier bilan de la direction de l’information et des relations publiques des Armées maliennes (DIRPA), 37 soldats maliens ont été tués et 138 blessés entre le 11 janvier 2012 et le 26 février 2013. Dans un deuxième bilan publié le 27 mars 2013, la DIRPA déclare que 63 de ses soldats sont morts depuis le 11 janvier 2012. Le 5 avril 2013, le bilan de la DIRPA passe à 66 tués et 200 blessés. Le 6 mai 2013, la DIRPA affirme que 208 soldats maliens ont été tués depuis le 12 janvier 2012, dont 75 depuis le 11 janvier 2013. D’après l’Association malienne des droits de l’Homme (AMDH), le massacre d’Aguelhok a causé à lui seul la mort de 153 militaires maliens, soit un nombre plus important que celui donné par la DIRPA pour toutes les pertes de l’année 2012. Le bilan de l’AMDH est repris par HumanRights Watch. Le 23 mars 2014, lors d’une cérémonie en mémoire des soldats tués lors de la guerre, le ministre malien de la défense et des anciens combattants, Soumeylou Boubèye Maïga, déclare que la reconquête du nord du Mali a fait 75 morts et 300 blessés dans les rangs de l’armée malienne. Le 25 mai, il déclare qu’environ 50 soldats sont morts lors de la bataille du 21 mai à Kidal. Cependant, des sources indépendantes dressent un bilan de 400 à 450 soldats maliens tués de janvier 2012 à 2015.
Sans oublier les autres massacres perpétrés d’une manière ou d’une autre sur l’ensemble du territoire, les Nations-Unies trouvent que ce conflit malien, est le plus meurtrier pour ses casques bleus avec plus de 200 morts depuis que ses forces sont impliquées dans le maintien de la paix. La dernière tuerie date du Samedi ou 10 soldats tchadiens sont morts et plusieurs blessés suite à des attaques kamikazes orchestrées par les terroristes. Les anciens combattants des deux grandes guerres n’ont-ils pas eu raison de dire que la partie est sanglante ou « Patisakana » ?
Badou S. KOBA
Source: Le Carréfour