Plus de cinq ans après le début de l’opération française au Mali, la situation sécuritaire dans le pays peine à retrouver un semblant de normalité. Quelle en est la véritable cause ? Le bourbier sécuritaire malien est-il si compliqué que même une des plus grandes puissances militaires au monde peine à y rétablir la sécurité ? Ou, comme le pensent beaucoup, la France entretient cette situation de « plus de guerre que de paix » pour en tirer un maximum de profit ?
La souveraineté du Mali est, plus que jamais, mise entre parenthèses. Le pays compte pour assurer sa propre sécurité sur des forces étrangères. Malgré les moyens mis à leur disposition, MINUSMA et Barkhane peinent à combler les attentes sécuritaires des Maliens. La logique voudrait que toute intervention militaire étrangère dans un pays souverain ait comme résultante l’amélioration de sa condition sécuritaire. Aujourd’hui, même si l’on est loin de l’occupation des 2/3 du territoire malien, le constat n’est guère luisant.
A qui la faute ?
Le président français ne s’en est pas caché. Lors de sa présentation des vœux aux armées françaises, il a déclaré que son pays restera militairement engagé partout où ses intérêts sont menacés, y compris au Sahel. Une déclaration qui rappelle, à qui doute encore, que la présence militaire française au Mali et au Sahel en général, est surtout d’ordre géopolitique. Pour un pays dit souverain comme le Mali, la pilule est dure à avaler. Comme tout Etat qui se respecte, et quand on sait toute la fierté patriotique qui a accompagné la déclaration d’indépendance du pays, compter aujourd’hui sur l’ancienne puissance colonisatrice pour assurer l’intégrité de son territoire, est une situation humiliante.
Cependant, en sachant raison gardée, doit-on uniquement accuser la France de l’insécurité qui sévit au Mali ? Le constat qui s’impose aujourd’hui est que l’occasion du grand retour de la France au Mali a été favorisé par la crise de 2012 consécutive au coup d’Etat de la bande à Aya, qui réclamait des armes pour combattre les rebelles et terroristes du septentrion. Partant de ce postulat, tout devient assez clair. Car, un coup d’Etat est rarement anodin. Et celui du 22 mars 2012, bien qu’étant commis par des individus très peu recommandables, annonçait l’échec d’une politique, celle de toujours faire dos aux principaux défis du pays au lieu d’y faire face. L’aspect sécuritaire, élément essentiel de tout pays souverain, a très peu été pris en compte dans la gouvernance d’alors. Alors que l’on annonçait que le budget de la défense avait fait un bond historique (une hausse de 200% sous la période 2002-2012 avec la somme mirobolante de 897 milliards de FCFA investie), les soldats maliens manquaient d’armes et d’équipements militaires. Ces derniers ne faisaient pas le poids face à des ennemis dont la puissance de feu était largement supérieure à la leur. Les images de soldats maliens en entrainement militaire mimant, de la voix et du geste, des bruits d’armes qu’ils n’ont que dans leur imagination ont fait le tour du monde. Dans ces tristes conditions, difficile d’assurer l’intégrité du territoire. Difficile aussi, d’accuser la France comme la seule coupable du marasme sécuritaire ambiant.
La France, coupable malgré tout
Comme toute grande puissance qui se respecte, la France, pour rester parmi les grands de ce monde, entend bien encore jouir des retombées de son histoire coloniale. 2012, fut l’année de son grand retour au Mali, et au Sahel de manière générale. Son rayonnement diplomatique est en grande partie dû à sa stratégie militaire à travers le globe. Elle est aussi militairement engagée au Levant, en Syrie, et pèse de tout son poids dans les grands dossiers de l’actualité internationale, tels que le conflit au Yémen. Ce qui attise la colère des Maliens, c’est le second souffle que Paris accorda aux rebelles arabo-touarègues qui déroulèrent le tapis rouge aux narco-terroristes et combattirent l’Etat du Mali. Aujourd’hui, même si ces rebelles semblent avoir abandonné leurs velléités indépendantistes, ce sont, tout de même, cinq ans de perdu dans la résolution de la crise sécuritaire du Mali, et de nombreux réfugiés qui peinent encore à retourner chez eux.
Paris cynique ?
L’Elysée entretient-elle volontairement le marasme sécuritaire pour les intérêts de la France ? De plus en plus de Maliens pensent que l’Hexagone fait preuve de cynisme diplomatique. Elle aurait militairement les moyens de faire mieux. Le fait qu’Iyad Ag Ghaly, toujours présent sur la liste des Etats-Unis des terroristes à abattre, soit toujours en vie, trouble plus d’un.
Mais, que peut-on valablement faire pour que l’armée malienne soit la seule force sur toute l’étendue du territoire et qu’elle soit capable d’assurer la souveraineté du pays ? Eh bien, durant l’été de nos 20 ans de tranquillité, nous avons chanté le mensonge de notre exemplarité démocratique et de notre robustesse militaire. Aujourd’hui, à l’épreuve de l’hiver du défi sécuritaire, nous ne pouvons que reconnaitre avec humilité nos errements, travailler patiemment afin que, lorsque la prochaine période dure adviendra, que l’on soit prêt.
Ahmed M. Thiam
Source: Inf@Sept