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La vie est-elle plus belle sans Facebook ?

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Des économistes américains ont mené une vaste expérience pour étudier l’impact d’une privation de Facebook sur la vie de plus de 3 000 volontaires. Leurs conclusions : les participants étaient moins bien informés et se sentaient un peu mieux.

Malgré les scandales, malgré les critiques, Facebook continue de se porter comme un charme. Le réseau social a annoncé, mercredi 30 janvier, des profits record pour le quatrième trimestre et un nombre d’utilisateurs en légère hausse. Cette loyauté envers le site, malgré son image dégradée, est souvent attribuée à l’anxiété de quitter un espace devenu synonyme d’existence en ligne.

Des économistes américains de l’université de Stanford et de celle de New York ont voulu répondre à cette angoisse en analysant les effets d’une cure de désintox à Facebook, dans une étude rendue publique sur le site de l’université de Stanford mardi 29 janvier. Plus de 3 000 internautes américains ont accepté de se passer du réseau social pendant un mois et de répondre, quotidiennement durant l’expérience, à des questions envoyées par SMS sur les conséquences de cette privation sur leur vie.

Ces cobayes ont été sélectionnés car ils “correspondent à l’utilisateur moyen de Facebook aux États-Unis”, notent les auteurs de l’étude. Avant de débrancher, ces internautes ont dû répondre à une longue série de questions sur leur mode de vie, leurs préférences politiques et leurs habitudes sur le réseau social. Un questionnaire similaire leur a, ensuite, été soumis à l’issue de l’enquête.

Une heure de gagnée. Privés de Facebook, ces individus ont constaté qu’ils se retrouvaient, en moyenne, avec une heure à tuer par jour. Les plus gros consommateurs du réseau social pouvaient gagner jusqu’à trois heures par jour.

Ce temps libre a principalement bénéficié à la télé et à la famille. L’étude a ainsi permis de constater que la principale victime de la popularité de Facebook, du moins aux États-Unis, avait été le petit écran. Le premier réflexe des cobayes de cette étude n’a pas été de chercher à rencontrer leurs amis dans le monde réel, mais bien de dégainer la zappette. Une manière pour les auteurs de l’étude de souligner que si Facebook est un réseau social, son utilité première est similaire à celle de la télé, c’est-à-dire informer et divertir.

Les sujets de l’enquête n’ont pas non plus cherché un substitut en ligne à Facebook. Ils ne se sont pas rués sur Twitter, Instagram ou Snapchat. Au contraire : le temps passé sur des plateformes sociales alternatives a aussi légèrement diminué. “C’est pour moi une des grandes surprises de cette expérience”, a affirmé au New York Times Matthew Gentzkow, économiste à Stanford et coauteur de l’étude. Facebook agit moins comme un concurrent à Twitter & Co. que comme un “service complémentaire qui augmente le temps passé en ligne, ce qui bénéficie à toutes les plateformes”, notent les auteurs.

Moins bien informés, moins polarisés. Le fondateur de Facebook, Mark Zuckerberg, a beau répéter que son site n’est pas un média d’informations, l’enquête prouve le contraire. Les économistes ont soumis les quelques 3 000 volontaires à un quizz d’actualité politique avant le début de l’expérience et à un autre après : le nombre de bonnes réponses “chute sensiblement” après avoir passé un mois sans se connecter, constatent-ils. Le questionnaire mélangeait des vrais titres d’articles issus de journaux comme le New York Times ou le Washington Post à des “fake news” telles que “Donald Trump a prononcé un discours à l’enterrement du sénateur John McCain” (alors que le président américain n’avait pas été invité aux funérailles).

Ces résultats soulignent à quel point les Américains se retrouvent désemparés pour s’informer dès qu’ils sont privés d’accès à Facebook. “Ils n’ont absolument plus le réflexe de se tourner vers les médias traditionnels”, regrette le New York Times. Mais ce phénomène serait peut-être moins marqué si l’expérience avait duré plus longtemps “offrant davantage de temps aux personnes concernées de trouver et s’habituer à des sources d’information alternatives”, reconnaissent les auteurs de l’étude.

En revanche, cette cure de Facebook a rendu les individus plus tolérants envers les idées politiques du camp adverse. “Cela confirme que la hausse de la polarisation politique aux États-Unis est, en partie, exacerbée par les réseaux sociaux”, constate l’étude.

Un peu plus heureux sans Facebook. Le bonheur, c’est simple comme débrancher de Facebook ? Une douzaine d’études se sont penchées, ces dernières années, sur la question de l’impact psychologique du temps passé sur le réseau social. Les plus alarmistes soulignent qu’une utilisation trop intensive de Facebook pouvait plonger des adolescents déjà fragiles dans la dépression. D’autres ont constaté une simple anxiété induite par le besoin de ne rien raté, et l’étude des économistes de Stanford et de l’Université de New York se classe plutôt dans cette catégorie.

Ils ont constaté qu’au fil des jours, le sentiment de bien-être semblait s’améliorer chez les participants à l’expérience. “L’amélioration n’est pas énorme, et elle se mesure surtout sur l’impression de mieux profiter de la vie et sur une baisse du sentiment d’anxiété”, note l’étude.

Autre indice d’une amélioration du sentiment de bien-être : une majorité des personnes soumises à la cure ont déclaré, à l’issue de l’expérience, qu’ils ne comptaient pas retourner sur le réseau social ou qu’ils allaient réduire le temps passé sur le site. Les économistes ont continué à observer les habitudes en ligne de leurs cobayes pendant un mois supplémentaire, pour constater qu’ils avaient tenus parole.

Sébastian SEIBT

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