La situation éducative au Mali donne de la peine. L’éducation devant être au centre de toutes les préoccupations dans une nation soucieuse de son avenir n’occuperait plus de place dans les politiques gouvernementales au Mali. Les grèves intempestives, le mauvais contenu de l’enseignement dispensé, la mauvaise ou la non-formation des enseignants, l’insécurité, constituent entre autres des maux qui gangrènent le secteur éducatif malien. Face à ces situations, nous ne pouvons que voir une décadence programmée du Mali. Pour l’éviter, les autorités doivent changer de réaction.
Les autorités donnent l’impression d’accorder peu de crédits au secteur de l’éducation. Or, ce domaine constitue un secteur assez sensible dans la vie de la nation. C’est la raison pour laquelle les anciens n’ont jamais badiné avec lui. Durant les années d’indépendance, avant Moussa Traoré, l’éducation malienne scintillait dans le firmament des nations les plus développées grâce à la réforme initiée en 1962 par Modibo Keita afin d’avoir plusieurs cadres. Cette réforme encourageait notamment la qualité de la formation. Ce qui expliquait la forte sollicitation des intellectuels ou plutôt des étudiants maliens dans les pays de la sous-région voire dans les grandes écoles de part et d’autre le monde. Mais, les modernes et notamment les initiateurs de la démocratie, d’un revers de main, ont mis à l’eau tous les travaux accomplis afin d’assurer une meilleure qualité à l’école.
Comme disent ChoguelKokallaMaiga et IssiakaSingaré dans leur livre Rebellions au Nord du Mali : des origines à nos jours, la démocratie a été considérée comme « une panacée » par les nouveaux démocrates. Ils ont voulu instaurer la démocratie avec tous ces défauts. Une large décentralisation a été le slogan de ces hommes. Ainsi, des réformes ont été initiées dans tous les domaines notamment celui éducatif avec la politique de « Un village, une école ».
On a multiplié les écoles sans tenir compte des possibilités de l’État à gérer des infrastructures aussi nombreuses dans un pays où la mauvaise gouvernance constitue une maladie atavique. Cette multiplication des écoles dans les contrées les plus reculées du pays constituait un geste salutaire dans la mesure où elle permettait de rapprocher l’école à chaque enfant. Le problème a alors été le fait de multiplier ces infrastructures sans se donner les moyens nécessaires à leur gestion.
Les erreurs du passé deviennent plus vite les problèmes du présent. Des écoles se sont retrouvées dans des crises de personnels enseignants. Une situation qui double le travail de maints enseignants qui se voient obliger de procéder à la double-vacation ou à la double-division. Dès lors, la mauvaise formation a été le sort de moult enfants. Cela, pendant que deux enseignants peuvent faire la rotation dans une seule et même classe à Bamako.
Les enseignants n’ont plus cessé leur revendication récurrente et le gouvernement comme pour se montrer indifférent n’a trouvé d’autre chose que d’encourager la création des écoles privées. Avec un tel agissement, il pensait se décharger voire trouver la solution au mal. Mais, il ne faisait que l’aggraver. De fausses promesses sont prises aux syndicats enseignants à chaque fois que ceux-ci déclenchent des mouvements de grève de grande ampleur comme celui commencé par la synergie des syndicats signataires du 15 octobre 2016.
Depuis cette année jusqu’à nos jours, l’état malien a confirmé son mépris vis-à-vis du secteur de l’éducation en se montrant uniquement soucieux au taux de réussite aux examens qu’à la qualité de l’enseignement dispensé ou au niveau réel des apprenants. Cela se corrobore par la façon dont les examens sont organisés chaque année. Des sujets qui se vendent comme des cacahouètes à la veille de chaque épreuve ; des sujets corrigés qui circulent dans les salles d’examen ; des arrangements lors de la correction en repêchant les « poissons mourants », l’organisation des cours de remédiation, etc., ont constitué la marque de cette décadence. Quelle politique pour se montrer indifférents de la grève des personnels enseignants ! L’état préfère commettre tous ces crimes contre des générations successives plutôt que de trouver ou mieux d’honorer sa promesse vis-à-vis des enseignants.
L’éducation au Mali est devenue ainsi un drame. L’école ne cesse de former les élèves à la vie. Cela, depuis fort longtemps, mais maintenant plus qu’hier. Due à cette indifférence des autorités, des universitaires franchissent les murs de l’université sans avoir aucune maitrise de leur langue officielle, sans avoir aucune idée de ce qu’ils feront dans la vie.
Vous ne cessez de vous interroger pourquoi la délinquance est devenue le sort des sociétés maliennes ? Pourquoi trop de jeunes préfèrent-ils mourir sur le désert ou dans la Méditerranée plutôt que de rester au Mali ? Pourquoi trop de jeunes se radicalisent-ils ? Alors, la réponse est entre vos mains. C’est parce qu’ils se sentent trahis par leur mère. La patrie qui les a vus naitre, mais qui a refusé de leur indiquer un chemin à suivre.
La décadence du niveau scolaire au Mali !
Tout le monde est habilité à le dire ou à le décrier sauf vous les autorités. Qu’avez-vous fait pour les enfants du Mali pour leur donner le niveau nécessaire si ce n’est de faire d’eux des cowboys. Chaque année, ils se retrouvent devant un nouveau système dont leurs enseignants n’ont pratiquement aucune connaissance. Le Système de Licence, Master et Doctorat (LMD) au niveau universitaire n’a pas fini de commettre ses crimes dans le milieu estudiantin. Qu’en est-il du curriculum au niveau fondamental ? Qu’en est-il de Sira au même niveau ? Les élèves ne reçoivent plus les mêmes formations parce qu’ils font une école privée ou une école publique.
Le pire dans tout ce bric-à-brac, c’est que même s’il y a un programme d’enseignement, c’est seulement le contenu du premier trimestre qui arrive à être dispensé au niveau des écoles publiques. Au sein des privées, bien vrais qu’on arrive à exécuter le maximum de contenus, la qualité de l’enseignement laisse à désirer pour être dispensée pour la majeure partie des cas par des enseignants n’ayant reçu aucune formation enseignante et pire souvent par des recalés du DEF. Quel désastre !
Durant cette année scolaire 2018-2019, dans la région de Kayes, les élèves n’ont pas eu deux mois de cours pour question de grève locale des enseignants. Une grève qui s’est couplée à celle nationale et qui a commencé depuis décembre et s’est poursuivie jusqu’au vendredi dernier et devra se poursuivre à partir du 13 février prochain jusqu’au 1er mars.
Le drame dans cette grève, c’est que le gouvernement donne l’impression d’enclencher un bras de fer avec les enseignants en ne décidant d’ouvrir les négociations qu’à la dernière minute.
Mécontentement tardif ou indifférence des parents d’élèves ?
En tout cas, nous savons que des parents d’élèves ont entrepris la semaine dernière des mouvements d’humeurs dans certaines localités du Mali notamment à Bougouni, à Koutiala et à Kayes où ce sont les femmes qui se sont emparées des rues pour manifester leur mécontentement face à la fermeture des classes.
Toutes ces situations ne devraient pas arriver. Au nord et au centre, nous savons qu’il n’y a pratiquement plus d’enseignement à cause de l’aggravation de l’insécurité. Plus de 750 écoles fermées dans le centre et dans le Nord. À cette situation vient s’ajouter cette grève interminable des enseignants. Le Mali vit en conséquence une crise éducative qui ne peut contribuer qu’à aggraver la situation sécuritaire voire le sous-développement de toute la nation.
C’est tout l’avenir du Mali qui reste ainsi compromis par cette absence d’éducation scolaire couplée à la dégénérescence éducative au sein des familles. Si les autorités ne changent pas de fusils d’épaule, le Mali ne pourrait devenir qu’une « jungle » où la loi du plus fort fera loi parce que chacun se donnera les moyens qui lui semblent nécessaires pour subvenir à ses besoins. Car l’éducation étant ce qui humanise l’homme, celle-ci venant à lui manquer, on ne peut que vivre une « société obscurantiste ». Ce sera le comble de la décadence morale dans la société malienne.
Fousseni TOGOLA
Source: Le Pays