Deux ou trois morts, selon les versions, et plusieurs blessés : c’est le lourd bilan des violences qui ont éclaté avant-hier, lundi, à Tambacounda, entre des militants du PUR, le Parti de l’unité et du rassemblement d’Issa Sall, et ceux de la coalition au pouvoir, Benno Bokk Yaakaar. Les victimes sont des sympathisants de Benno Bokk Yaakaar, dont deux circulaient à moto. Et parmi les blessés, on compte 8 journalistes.
L’envoyé spécial du site d’information Dakar Actu raconte : « c’est dans la nuit de dimanche à lundi que la délégation du PUR a débarqué dans la ville de Tambacounda, après une tournée à l’intérieur de la région. Journalistes et militants ont été logés dans une maison, alors qu’Issa Sall était dans son hôtel, dans un quartier réputé être un bastion de Benno Bokk Yaakaar. (…) Le matin, un premier incident a éclaté quand des éléments du PUR ont voulu peindre les murs du quartier aux couleurs de leur coalition. C’est ce qui a mis le feu aux poudres. Après un retour au calme, des militants de Benno ont demandé à la presse de quitter les lieux. La garde rapprochée d’Issa Sall s’y est opposée (…). C’est de là que coupe-coupe, pilons, barres de fer… ont été sortis et c’est parti dans tous les sens. J’ai demandé aux confrères de battre en retraite. »
L’envoyé spécial de Dakar Actu poursuit : « sur notre voiture de presse, il y avait des autocollants à l’effigie du PUR. Pour les militants de Benno, nous étions donc des militants du PUR. On était devenus des cibles. Certes, les policiers nous ont protégés, mais à un moment donné, il y avait des routes barrées et des pneus brûlés. La foule nous avait cernés. La caravane du PUR a emprunté un autre chemin pour sortir de la ville. C’est dans ce sauve-qui-peut que deux conducteurs de motos Jakarta ont perdu la vie. »
Deux poids, deux mesures ?
Le procureur de Tambacounda, Demba Traoré, interrogé par le quotidien Enquête, parle lui de deux morts et il annonce que 24 personnes, membres de la garde rapprochée d’Issa Sall ont été appréhendées. Le procureur a également révélé que plusieurs armes blanches ont été découvertes par les gendarmes, lors de la fouille des véhicules.
D’après Walf Quotidien, il y a deux poids deux mesures dans cette affaire, car, affirme le journal, les gros bras locaux de Benno Bokk Yaakaar, eux, n’ont pas été arrêtés. « Aucune interpellation n’est pour le moment constatée dans leur camp, déplore Walf Quotidien. Alors que le même jour, des éléments de la garde rapprochée du candidat Issa Sall ont donc été arrêtés, menottés, désarmés, déshabillés et placés en garde à vue. »
Sursaut patriotique !
En tout cas, l’émotion est vive dans le pays. Enquête dénonce « une montée fulgurante de la violence dans plusieurs sphères de la vie sociale et l’émergence de malheureux discours à connotation ethnique (…). » Du coup, poursuit-il, « les masses aux réactions épidermiques se soulèvent comme des ressorts. Les propos libres teintés de cynisme foisonnent et banalisent une forme de violence qui se propage comme un feu de brousse en zone aride. » Et le quotidien sénégalais de prévenir : « une escalade de la violence aggravée par la menace terroriste n’est pas à exclure, au moment où les leviers régulateurs semblent inopérants. Un sursaut patriotique exige un pacte fort de non-agression entre les parties prenantes de la présidentielle. »
Un modèle de démocratie ?
L’émotion est forte également dans la sous-région… « En Afrique francophone, pointe Ledjely, le Sénégal est l’un des rares pays que l’on présente régulièrement comme un modèle de démocratie. Malheureusement, il n’est cependant pas exempt de certaines des tares que l’on déplore dans bon nombre d’élections sur le continent, soupire le site d’information guinéen. On en a eu une dramatique illustration avec les affrontements meurtriers de lundi à Tambacounda. »
« Le Sénégal n’a pas besoin de ces scènes affreuses, s’exclame pour sa part Le Pays au Burkina. Car en plus de ternir l’image du pays qui a déjà pris un coup ces dernières années, avec les accusations de corruption, les relents de trafic d’influence et de désinformations contre le pouvoir, elles compromettent dangereusement la cohésion sociale et l’unité nationale qui constituent le socle du développement national. En outre, elles accroissent considérablement les risques des contestations post-électorales qui peuvent mettre à rude épreuve la stabilité du pays et le fonctionnement des institutions. »
RFI