Cette décision constitue une violation flagrante du document signé par
les différentes parties et une atteinte aux prérogatives régaliennes du gouvernement
Une vue des participants à l’ouverture des travaux
Le Comité de suivi de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali (CSA) a tenu, hier à l’ex-Cres de Badalabougou, sa 32è session ordinaire. L’ouverture des travaux était présidée par le président du CSA, Ahmed Boutache en présence du ministre de la Cohésion sociale, de la Paix et de la Réconciliation nationale, Lassine Bouaré et d’autres membres du gouvernement. L’on notait également la présence des représentants des mouvements signataires de l’Accord, en l’occurrence la CMA (Coordination des Mouvements de l’Azawad) et la Plateforme, ainsi que les représentants de la communauté internationale. L’ordre du jour de cette session a porté sur la communication du représentant du gouvernement au sujet de l’évolution de la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation. Celui-ci s’exprimait au nom des trois parties signataires. Figuraient également au menu de la rencontre, la présentation des rapports des sous-comités thématiques en complément à l’exposé présenté par le gouvernement, la présentation du résultat des concertations maliennes sur l’inclusivité, y compris celle des femmes au processus de paix. D’autres points inscrits à l’ordre du jour de la réunion avaient trait à la présentation du troisième rapport de l’Observateur indépendant, et à l’examen des conclusions et propositions formulées à l’issue de la retraite du 17 février 2019.
A la fin de la rencontre, le président du CSA a animé une conférence de presse au cours de laquelle il a restitué les conclusions des travaux de cette session. Pour l’occasion, il était accompagné du ministre de la Cohésion sociale, de la Paix et de la Réconciliation nationale, Lassine Bouaré et de la représentante des Nations unies, Joanne Adamson.
Le président du CSA a, tout d’abord, réagi face aux récentes mesures prises par le président de la CMA au niveau de Kidal. Ces mesures visent à réglementer un certain nombre de secteurs de la vie publique dans la capitale de la 8è Région.
En effet, par une décision, le président de la CMA a mis en place une opération de police de sécurisation dénommée «Acharouchou», c’est-à-dire rééducation pour une période de 15 jours. L’opération est chargée de la sécurisation des axes routiers, du contrôle des véhicules, de la circulation des armes et des motocyclistes armés. En outre, il y a aussi l’interdiction de la vente et de la consommation de l’alcool, l’obligation pour les pharmacies de se faire enregistrer, l’obligation pour tout étranger d’avoir une pièce d’identité de son pays d’origine. La liste des interdictions est longue. La décision du président de la CMA précise que les contrevenants seront «conduits devant la justice ALQADA pour toutes fins utiles». Selon Ahmed Boutache, cette décision constitue, du point de vue du CSA et de celui de la médiation, une violation flagrante de l’Accord et une atteinte aux prérogatives régaliennes du gouvernement. Pour l’animateur de la conférence de presse, ce sont des prérogatives qui relèvent d’abord et avant tout, si de telles mesures devaient être prises, du gouverneur qui se trouve à Kidal. «Nous considérons donc que ces mesures à caractère règlementaire indument prises par le président de la CMA sont nulles et de nul effet. Et le président de la CMA est interpellé pour ne plus avoir à prendre de pareilles initiatives qui constituent une violation flagrante de l’Accord», a fermement condamné le président du CSA. Par ailleurs, M. Boutache s’est étonné du fait qu’on reproche à la mise en œuvre de l’Accord d’avoir été «lente».
Selon lui, s’il y a lenteur, ce n’est pas du fait du CSA, mais plutôt du fait des obstacles qui ont jalonné la mise en œuvre de l’Accord et qui ont donc ponctué le processus, notamment le problème de l’inclusivité. Or, ce problème de l’inclusivité est loin d‘avoir été entièrement résorbé, a-t-il dit. « Maintenant, nous avons un autre problème d’une autre nature. Il s’agit de remous qui traversent en ce moment le Mouvement arabe de l’Azawad, membre de la Plateforme», a affirmé M. Boutache.
Revenant sur les travaux de la session, le président du CSA a révélé que les participants ont examiné au cours de la rencontre les progrès réalisés dans la mise en œuvre des points inscrits dans la feuille de route de mars 2018. «Je crois qu’il y a globalement une satisfaction quant aux progrès enregistrés», a apprécié Ahmed Boutache.
En outre, il a indiqué que les participants ont également examiné d’autres points inscrits à l’ordre du jour notamment celui relatif à l’inclusivité y compris de la jeunesse et du genre. A ce niveau, le président du CSA a estimé qu’il y a des efforts à faire pour pouvoir aboutir à des résultats. «Nous avons également entendu la présentation du rapport de l’observateur indépendant qui sera incessamment rendu public et auquel tout le monde aura accès», a-t-il annoncé. Par ailleurs, le président du CSA a souligné qu’il y a aussi une retraite qui a été organisée dimanche dernier en deux volets. Il s’agit, a-t-il détaillé, du volet équipe de médiation internationale et du volet informel, qui ont pu faire une évaluation de ce qui a été fait jusque-là par le CSA (des lacunes relevées dans son mode de fonctionnement et des améliorations qu’il y a lieu d’apporter).
«Je pense que les éléments retenus à l’issue de ces échanges figureront dans le communiqué qui sera rapidement publié», a rassuré Ahmed Boutache.
Interrogé sur l’instauration de nouvelles mesures à Kidal par la CMA, le ministre de la Cohésion sociale, de la Paix et de la Réconciliation nationale dira ceci : « On fait un constat regrettable, et on en appelle à la bonne volonté des uns et des autres pour rester dans le sens de l’apaisement et de la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation».
Bembablin DOUMBIA
Source: L’Essor