Suite à la décision n° 09/2019/CD/CMA du 30 janvier 2019 portant mise en place d’une opération de police de sécurisation et la décision n°10 /2019/CD/CMA de la même date, relative aux dispositions générales concernant le traitement de certains aspects jugés d’utilité publique, l’opinion publique malienne a manifesté son mécontentement et sa désapprobation, surtout sur les réseaux sociaux.
Ensuite, réuni le lundi 18 février, le Comité de suivi de l’accord (CSA), présidé par l’algérien, Ahmed Boutache, a considéré la décision de la CMA (Coordination des Mouvements de l’Azawad), comme nulle et de nuls effets.
En mission à Bamako depuis la semaine dernière, nous avons pu approcher Al Aghabass Ag Intallah, président de la CMA, en exclusivité, dans son hôtel, le samedi 23 février à 15h, pour échanger avec lui sur cette actualité.
Sans ambages, il soutient que sa ville, Kidal, la capitale de l’Adrar des Ifogas, est en train d’être défigurée par les activités d’orpaillage, de la frontière algérienne jusque dans la commune de Kidal. Conséquences : des Soudanais, des Ghanéens, des Burkinabé, des Nigérians, des Nigériens, des Tchadiens et plusieurs autres nationalités ont envahi les coins et recoins de Kidal, avec à la clé l’insécurité, la prostitution, le meurtre. S’y ajoute, selon le président de la CMA, une activité de commerce inquiétant et clandestin d’alcool et de stupéfiant menaçant dangereusement la jeunesse et la région.
Face à cette situation qu’il trouve indescriptible, soutenue par l’absence de l’Etat, Kidal est devenu un no man’s land, à en croire Al Aghabass Ag Intallah. C’est pourquoi, selon lui, la CMA ne peut pas rester les bras croisés. La sécurité de la région lui incombe, en attendant que l’Etat assume sa fonction régalienne de sécurisation des personnes et de leurs biens. Il jure, la main sur le cœur, qu’aucune disposition de la décision de la CMA ne viole l’Accord issu du processus d’Alger.
A la question de savoir : pourquoi le recours au Cadi ? Il soutient mordicus que celui-ci est bien prévu par l’Accord. Effectivement, au chapitre 14, titre IV relatif à la réconciliation et justice, l’avant dernier tiret évoque la revalorisation du rôle des Cadis dans l’administration de la justice… Le précédent parle de promotion d’une formation de qualité à tous les acteurs et auxiliaires de la justice, y compris les Cadis.
Dans la vision d’Al Aghabass, le Cadi va rendre la justice en attendant le retour de la justice malienne, parce que Kidal ne peut pas être gérée par la loi de la jungle.
A la question de savoir : pourquoi une carte de séjour pour entrer à Kidal ?
«Comme l’Etat est suffisamment absent dans notre région, il revient donc à la CMA de prendre des mesures réglementaires pour protéger et sécuriser nos populations, avec les nombreux étrangers qui envahissent nos localités dans le cadre de l’orpaillage. Il est important que nous sachions qui entre et sort de Kidal. Il important que nous sachions ce qui se passe sur les sites d’orpaillage. Récemment, des Soudanais se sont bagarrés, s’en est suivie mort d’hommes. Donc, nous ne pouvons pas être des spectateurs sur notre territoire. C’est pourquoi, nous avons décidé d’instituer une carte de séjour pour les étrangers. Les maliens ne sont pas concernés parce qu’ils sont chez eux. Nous sommes toujours favorables à l’application de l’Accord issu du processus d’Alger. Et notre décision est en phase avec ce texte. Le président du Comité de suivi de l’accord (CSA), Ahmed Boutache nous a mal compris », a expliqué le président de la CMA. Avant d’insister : « Notre décision demeure valable. Elle n’est pas nulle et ses effets continuent à s’exercer sur notre territoire et sur nos populations pour leur bien-être, dans un temps bien précis. Encore une fois de plus, nous sommes dans l’Accord et nous demandons son application intégrale ».
El Hadj ChahanaTakiou
Source: 22 Septembre