La mort de l’un des plus grands chefs djihadiste au Centre du Mali, Amadou Koufa, avait été annoncée, le samedi 24 novembre 2018, par les autorités françaises et maliennes, à l’issue d’une opération militaire conjointe. Mais, l’énigmatique Koufa vient de réapparaitre dans une vidéo diffusée, la semaine dernière, par la chaine France 24. Amadou Koufa est-il mort ou vivant ? La question se pose désormais.
Vendredi 23 novembre 2018, « après l’opération militaire (des armées malienne et française), Koufa était gravement blessé. Il a été transporté par ses proches, avant de décéder après », avait confirmé à l’AFP une autre source militaire. La mort du chef djihadiste malien a également été annoncée sur la page Facebook des forces armées du Mali.
L’armée malienne avait auparavant indiqué avoir mené avec les soldats français de la force Barkhane « une opération coordonnée, dans le centre du Mali le 23 novembre 2018, sur une base abritant le commandement de la Katiba d’Ansar Dine du Macina » dirigée par Amadou Koufa.
Au moment des faits, selon le premier ministre Soumeylou Boubeye Maïga, le chef djihadiste, cible prioritaire de l’opération lancée dans la nuit du jeudi 22 au vendredi 23 novembre par les forces spéciales françaises, « est mort des suites de ses blessures dans la forêt de Wagadou où il avait été transporté par les siens ». « Son corps n’est pas en notre possession », indiquait par ailleurs Soumeylou Boubeye Maïga, le jeudi 29 novembre 2018, à Monde Afrique.
Dans son propre communiqué, l’armée française a annoncé avoir mené, dans la nuit du jeudi au vendredi, une opération dans le Centre du Mali, le fief d’Amadou Koufa, qui a permis la « mise hors de combat » d’une « trentaine de terroristes ». La ministre française des armées, Florence Parly, a salué « une action d’ampleur, complexe et audacieuse qui a permis de neutraliser un important détachement terroriste au sein duquel se trouvait probablement l’un des principaux adjoints de Iyad ag Ghali, Amadou Koufa, chef de la katiba Macina », ajoutait-elle dans un communiqué publié vendredi soir, une information également donnée par la France.
Auparavant, l’armée malienne avait indiqué avoir mené avec les soldats français de la force Barkhane « une opération coordonnée, dans le centre du Mali le 23 novembre 2018, sur une base abritant le commandement de la Katiba d’Ansar Dine du Macina » dirigée par Koufa. « Le terroriste Amadou Koufa est mort de ses blessures après l’intervention militaire française, suite aux informations fournies par l’armée malienne », avait déclaré le général Abdoulaye Cissé, chef des opérations de l’armée malienne.
Koufa en pleine forme
Dans une nouvelle vidéo de propagande de 19 minutes et 23 secondes où les questions sont posées en arabe et en anglais, réalisée par la Fondation An-Andalous, bras médiatique d’AQMI, le chef de la Katiba d’Ançar Dine du Macina, Amadou Koufa réapparait pour la première fois depuis l’annonce de sa mort en novembre 2018. Dans cet enregistrement, il parle de son évasion d’une tentative d’assassinat par la France et de l’arrestation de l’espion qui les a signalés, ainsi que de l’affiliation de nombreuses personnes à son groupe.
En plus de démentir la fausse affirmation de la France sur son décès, Koufa a mentionné des incidents similaires tels que la frappe aérienne à Abeibara, en 2017 qui a tué des soldats maliens détenus en otages. Il a aussi reproché à la France mentir en affirmant le recours à des femmes kamikaze lors de l’attaque du Super Camp de la MINUSMA, en avril 2018 à Tombouctou.
Dans cette vidéo, l’on montre Koufa en pleine forme sous différentes facettes. Sa mort avait déjà été démentie par l’émir d’AQMI, Droukdel dans un élément sonore diffusé en décembre dernier.
Cette annonce intervient au lendemain de la présentation par la France d’un bilan sur la lutte contre le terrorisme au Sahel. Dans ce bilan, il est dit qu’en 2018, la France avait neutralisé près de 600 djihadistes dont des chefs comme Nouini, Djamel Okacha et Koufa. Cette nouvelle vidéo du JNIM met en doute ces affirmations.
Par ailleurs, contacté par RFI, l’état-major à Paris dit analyser cette vidéo avec beaucoup de prudence et rappelle que la mort d’Amadou Koufa a été considérée comme « probable » après le raid survenu dans la nuit du 22 au 23 novembre 2018, mais reconnait aussi qu’elle n’a jamais été confirmée à 100%, car aucune preuve tangible n’est venue confirmer le décès du chef terroriste…
M S
Encadré
Amadou Koufa : De Saraféré à la Katiba Macina
Né vers 1961, Amadou Diallo est un peulh originaire du village de Koufa, à Saraféré, dans le cercle de Niafunké (région de Tombouctou). Issu d’une famille pauvre, il est le fils d’un imam. Il prend son surnom en référence à son village natal. Pendant plusieurs années, il mène une formation islamique dans le cercle de Bankass, puis dans le Delta intérieur. Il devient prêcheur et voyage dans plusieurs pays et notamment au Pakistan et en Mauritanie.
Au Mali, il réclame l’instauration d’une république islamique et acquiert une forte popularité dans le centre du pays. Selon l’anthropologue malien Boukary Sangaré : « Lui et les autres islamistes de la région parlent de libération, d’émancipation et d’épanouissement, cela attire les plus démunis, les pasteurs transhumants et certains marabouts. Il y a dans ce combat une forme de révolution sociale vis-à-vis de l’Etat et des structures communautaires traditionnelles quasi féodales ». Selon un rapport de la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH) et l’Association malienne des Droits de l’Homme (ADMH) : « Il a très vite acquis une certaine notoriété chez les jeunes Peulhs. Dans les années 1990-2000, les enregistrements de ses prêches s’arrachent. […] S’il séduit les jeunes, c’est aussi parce que ses prêches et ses poèmes, qu’il déclame à la radio, sont autant de remises en cause du système. Koufa dénonce l’hypocrisie des « aristocrates » et des familles maraboutiques. Il critique la mendicité des talibés qui servent à enrichir les marabouts. Il pointe du doigt les voleurs ou les femmes légèrement vêtues. Il célèbre les bergers. Plus globalement, il dénonce – sans employer ces termes – l’absence d’ascenseur social ».
Dans les années 1990, Amadou Koufa se rapproche de la secte Dawa, tout comme Iyad Ag Ghali, avec lequel il se lie dans les années 2000.
En 2012, lorsque débute de la guerre du Mali, Koufa se joint à Ansar Dine, dirigé par Iyad Ag Ghali. Après la conquête du Nord du Mali par les djihadistes, Amadou Koufa est vu à Tombouctou. Entre juillet et décembre 2012, il y reçoit sa seule formation militaire. Il négocie aussi avec les autorités maliennes la libération des soldats faits prisonniers à Kidal et Tessalit. En janvier 2013, il participe à la bataille de Konna. Il devait être désigné émir de Konna, mais l’offensive des djihadistes est cette fois repoussée après l’intervention de l’armée française et le début de l’Opération Serval.
Amadou Koufa regagne ensuite le Centre du Mali et début 2015 il fonde la katiba Macina, active dans les régions de Mopti et Ségou. Koufa demeure cependant moins un chef militaire qu’un guide spirituel pour les djihadistes.
Son retour sur la scène terroriste se fera presque deux ans jours pour jour après le début de l’opération française « Serval », avec l’attaque, le 5 janvier 2015, du camp militaire de Nampala, dans le cercle de Niono. Le Centre du Mali s’avère une zone à conquérir pour les chefs djihadistes, principalement arabes et touareg. Apparaît alors une nouvelle appellation à laquelle est attribué l’attentat : le Front de libération du Macina, un nom jamais repris par les djihadistes mais qui s’avère être « une émanation des réseaux peulhs d’Iyad Ag-Ghali, le véritable sponsor du groupe », explique Yvan Guichaoua, chercheur à la Brussels School of International Studies à le Mondeafrique.
En parallèle, Amadou Koufa gravit les échelons au sein de la nébuleuse des mouvements liés à Al-Qaida. Début mars 2017, il apparaît aux côtés d’Iyad Ag-Ghali et de ténors d’Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI) et d’Al-Mourabitoune sur une vidéo entérinant la fusion de leurs mouvements au sein du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM).
Source: L’Aube