Rien ne va plus entre les syndicats des enseignants et le gouvernement. Après plusieurs jours de grève, Boubou Cissé vient d’ordonner, en violation de toutes les procédures en la matière, le blocage des salaires des enseignants du mois de février. Cet acte a été posé à la veille d’une autre grève de 15 jours qui commence aujourd’hui même. Ne s’achemine-t-on pas véritablement vers une année blanche ?
Si le Président de la République est sur le point de pacifier le front politique à la faveur d’un dialogue inclusif qui doit probablement déboucher sur un consensus, le front social risque d’être véritablement son goulot d’étranglement. Les grèves s’enchainent et se multiplient à un rythme effréné sous l’œil impuissant du gouvernement. L’école, qui est l’avenir du pays, est paralysée depuis plus de quatre mois. Un dialogue de sourds semble s’instaurer entre le gouvernement et les syndicats. Le premier n’est pas prêt à céder d’un iota, il est resté campé sur sa position, celle de dire que le gouvernement ne pourrait faire aucun autre effort financier. Le second, à savoir les enseignants, dit ne plus reculer sans obtenir un minimum de satisfaction, après plus de trois mois de débrayage. Toutes les négociations pour une sortie de crise ont échoué. Les positions se durcissent même, après le blocage par le gouvernement du salaire du mois de février, pour ; dit-il ; mener pression sur les enseignants afin qu’ils lâchent du lest. Cette décision est-elle la bonne ? Le Gouvernement n’est-il pas en train de violer les textes en matière de grève et de retenue sur salaire ?
Sans être praticien du Droit, le salaire d’un fonctionnaire est, ce qu’il y a de plus fondamental. Par conséquent, il est sacré. Comment alors peut-on lui priver de ce droit le plus élémentaire sous prétexte qu’il a grevé pendant plus de 31 jours ? Si la loi est formelle sur la grève comme un droit, elle impose aussi au salarié le respect de certaines dispositions, à la violation desquelles il sera privé de certains de ses droits. Donc, sans nul doute que le prélèvement sur salaire des jours non dus est prévu par la législation malienne, mais dans le cadre d’une procédure bien définie. Le ministre des Finances en ordonnant le blocage du salaire du mois de février a violé la loi et est passible de poursuites.
Au-delà du droit, la question que beaucoup d’observateurs se posent est celle de savoir si au Mali, il n y a pas des citoyens de seconde zone. Sinon, comment comprendre que les magistrats qui ont fait près de trois mois de grève n’ont pas connu de blocage de salaire encore moins de prélèvement. Que dire des agents de santé dont les conséquences de leur longue grève ont été fatales à des milliers de patients. Pourtant, ils n’ont jamais été sanctionnés, pour leur gravissime acte. Plus grave encore, ceux qui ont déserté l’armée et retourné leurs armes contre la République y ont réintégré la main tachée de sang du Peuple avec grade et rappel de plus de sept ans de salaires.
En somme, comme pour la décrispation politique, le Président de la République est interpellé sur le front scolaire pour apaiser et éviter à notre pays une autre année blanche. La grève de 15 jours qui débute aujourd’hui 11 mars, si elle s’effectue, sonnera à jamais la fin de l’année scolaire 2018 -2019. Alors qu’il est encore temps, le Président de la République, comme il a fait pour les magistrats, doit appeler les syndicats des enseignants pour leur tenir un langage responsable et rassurant.
Youssouf Sissoko
Inf@Sept