Les syndicats de l’éducation signataires du 15 octobre 2016 observent depuis le 11 mars une grève de 15 jours. Cet énième arrêt de travail, depuis l’ouverture des classes en octobre 2018, perturbe le déroulement normal des cours. Même les établissements privés commencent à souffrir de cette situation. Car depuis quelques temps, l’Association des Elèves et Etudiants du Mali a pris la décision de faire cesser les cours dans ces établissements.
Façon pour l’AEEM d’interpeler ceux d’entre nous qui pensent être à l’abri des soubresauts de l’école publique en envoyant leurs enfants dans des écoles privées. Ils commencent effectivement à se réveiller en se rappelant sans cette histoire de ‘’bassa’’ en train de se poursuivre. La sagesse tirée d’une anecdote désormais célèbre déconseille vivement la posture de l’indifférence quand ces deux reptiles se battent. Car les conséquences peuvent être incroyablement dramatiques pour tout le monde.
Depuis l’accalmie observée vers les années 2000, cette situation est inédite au niveau de ces deux ordres d’enseignement, à savoir le fondamental et le secondaire. L’enseignement supérieur est habitué à gérer ses années universitaires interminables. C’est la rupture de dialogue entre la partie gouvernementale et les négociateurs des enseignants. Les deux parties n’arrivent pas à accorder le violon sur trois des dix points de revendication. Il s’agit de l’octroi d’une prime de logement, la relecture immédiate du décret n°529 P-RM du 21 juin 2013 portant allocation au personnel chargé des examens et concours professionnels, l’accès des fonctionnaires des collectivités territoriales aux services centraux de l’Etat. La situation est à la fois préoccupante et inquiétante. Elle intervient dans un contexte de crispation sociale, politique et économique sans oublier les difficultés sécuritaires avec les affrontements intercommunautaires. Depuis 2012, il n’y a pas de cours dans certaines zones du pays à cause de l’insécurité. Or, ne devrait nullement perdre de vue une évidence : à la différence de la grève illimitée des magistrats, passée dans une relative indifférence à cause des états d’âmes des justiciables vis-à-vis de ce corps, les débrayages répétitifs des enseignants peuvent en revanche laisser difficilement les populations sans réaction. Le spectre de l’année blanche est là. Autant le gouvernement est interpelé, autant les responsables des syndicats de l’éducation le sont au sens du patriotisme.
Les parties doivent savoir raison garder pour ne pas hypothéquer davantage l’avenir des enfants innocents. Les responsabilités sont partagées dans la déchéance du système éducatif malien. La faute n’est pas seulement à ceux qui nous gouvernent. La plus grande faute incombe à cette majorité silencieuse et complice passive souvent pour des miettes. Il faut s’indigner de cette démission collective qui a permis à une petite minorité de faire main basse sur les ressources nationales au prix d’une vaste opération de corruption et d’opérations de communication.
La qualité de l’enseignement dispensé dans les écoles publiques ne constitue pas une préoccupation pour l’élite dirigeante qui préfère envoyer ses enfants et petits-enfants dans des établissements privés ou à l’étranger. Il s’agit là d’une volonté délibérée de maintenir les populations dans une ignorance totale.
Il faut tuer le système éducatif pour maintenir la couche la plus défavorisée dans la médiocrité totale. Que ceux pensent et agissent comme cela se détrompent. Nul ne se sauvera seul !
Chiaka Doumbia
Le Challenger