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L’investissement dans la qualité de l’éducation au Mali relégué au second plan : Des budgets énormes pour de maigres résultats

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Une école à Douentza, au Mali, le 27 septembre 2012.

Secoués régulièrement par des grèves cycliques et loin d’être impliqués dans le processus du développement économique, l’Éducation Nationale et l’Enseignement Supérieur sont au centre d’une crise qui n’arrive pas à trouver son issue. C’est le cas actuellement avec le bras de fer entre le ministère de l’Éducation Nationale et les syndicats de l’éducation.

Déjà que le secteur est en proie à d’innombrables difficultés, les résultats sont  en deçà des attentes en dépit des efforts budgétaires consentis depuis l’indépendance. Abandon scolaire, redoublement, pléthore dans les classes, inadéquation entre la formation et les besoins du monde de l’entreprise, disparités régionales dans les conditions de scolarisation et dans le niveau de formation, et bien d’autres défaillances font que l’éducation n’arrive toujours pas à franchir le pas de la qualité et jouer son rôle dans la formation du capital humain.

Un capital nécessaire pour l’édification d’une société de savoir et d’une économie forte, indépendante de la rente et fondée sur la connaissance. Aujourd’hui, les partenaires ne manquent pas de relever ce point. «C’est la qualité qui est le plus grand défi du Mali en matière d’éducation. Le gouvernement doit en effet, de toute urgence, répondre à l’impératif de la qualité de l’éducation», soulignent-ils. Comment ? En consacrant une partie du budget du secteur à ce volet (qualité ndlr) dans un cadre réglementaire. «En plus du budget de fonctionnement, un cadre juridique devrait prévoir un budget d’investissement consacré à la qualité de l’éducation», note encore les partenaires pour qui  il  y a lieu de déterminer  un niveau minimum du budget national à allouer à l’Éducation.

«Bien que la portion du budget national consacrée à l’Éducation dépasse les 20%, le Mali ne dispose pas d’un cadre juridique sur l’investissement national dans le domaine de l’Éducation. Il conviendrait d’élaborer ce cadre afin de déterminer un niveau minimum du budget national à allouer à l’Éducation», ont-ils regretté dans le même sillage.

En effet, aucune loi ne consacre un niveau minimum. De même qu’aucune portion précise n’est dédiée à la qualité. Un point que n’ont pas manqué de soulever les syndicalistes. À  ce sujet, le SENEC dit : «La formation n’a pas de place dans la dépense du secteur. Idem pour la formation des formateurs. Nous n’avons même pas d’institut spécialisé en recherche en éducation », fait remarquer le syndicat, notant que la plus grande partie du budget est destinée aux salaires des personnels du secteur, alors que pour le reste (notamment les conditions de scolarisation), les moyens sont très faibles par rapport aux besoins.

« Le gouvernement ne consacre pas à l’Éducation les dépenses qu’il faut», résumera-t-il.  Un avis partagé par le SENESUP. Ce dernier dira : «Vu de loin, le budget du secteur est important, mais quand on sait que près de 83% sont absorbés par les salaires, que reste-t-il pour la prise en charge de 1,5 millions d’élèves ? » «A peine 17%. De quoi prendre en charge seulement un effectif d’élèves estimé à environ 1,5 millions d’élèves ».

Si le Trésor ne peut plus supporter ces dépenses, il y a lieu de trouver d’autres sources de financement, comme les taxes sur les grandes fortunes. Cela pour dire que le gouvernement ne met pas le paquet pour assurer les conditions nécessaires  à la scolarisation des élèves et la qualité de l’enseignement.

Ce que relève également une étude sur le secteur publié en 2010 à l’occasion du cinquantenaire de l’indépendance. «Les ressources ne sont pas allouées en fonction d’indicateurs quelconques de performance. Autrement dit, le système ne favorise pas une gestion efficace des ressources allouées. En second lieu, l’allocation selon les différents postes de dépenses s’avère non optimale eu égard à un objectif de qualité de l’enseignement », note le rapport qui observe «une surpondération des dépenses sociales et de fonctionnement au détriment des dépenses ayant un impact direct sur la qualité de l’enseignement».

Plus de 80% des dépenses pour des salaires jugés indécents

Pour le document, même si les dépenses du Mali sont comparables, voire supérieures dans certains cycles (comme l’enseignement supérieur) à celles de pays à revenus intermédiaires, ces dépenses se font dans des postes qui n’affectent pas directement la qualité des enseignements et la performance du système éducatif.

En plus de l’insuffisance des finances, les syndicalistes posent le problème de la gestion du budget et des détournements, une question considérée comme une équation à plusieurs variables difficile à résoudre. L’argent alloué au secteur ne va pas toujours là où il faut. Par exemple, les enveloppes destinées aux cantines scolaires et au chauffage sont souvent amputées via les détournements en l’absence de mécanismes de contrôle.

Pour ce dernier comme pour d’autres acteurs du secteur, il ne faut pas se voiler la face et avancer à chaque fois que le budget de l’Éducation vient en deuxième position après celui de la Défense nationale. Certes, l’État  a consenti d’importants efforts depuis l’indépendance, mais  l’aspect quantitatif l’a toujours emporté sur la qualité.

Le ministère de l’Éducation, a même rappelé que l’augmentation du budget est due essentiellement à la hausse des dépenses consacrées aux fonctionnaires qui représentent 87% de ce budget, et ce, depuis 2011. Le reste est destiné aux services décentralisés, les travaux de maintenance, les frais de transport, la restauration et l’acquisition des outils pédagogiques.

En somme, rien pour améliorer la qualité de l’enseignement. Un rapport publié en 2008  par la Banque mondiale sur les dépenses publiques du Mali dans l’Éducation dresse le même constat. Entre 2002 et 2007, environ 85 à 90% des dépenses de fonctionnement étaient consacrées aux salaires. Si au moins il y avait satisfaction à ce niveau, comme en témoigne le désarroi des enseignants au primaire, les dépenses autres que les salaires représentaient au cours de cette période moins de 1% des dépenses de fonctionnement, soit 2 dollars par élève et par an alors qu’en principe les municipalités devraient contribuer aux dépenses des écoles.

Ce qui n’est pas le cas même aujourd’hui. Il y a absence totale de l’implication des APE (Association des parents d’élèves) dans la gestion des écoles primaires à cause du manque de ressources financières.

Les chefs d’établissement posent d’ailleurs régulièrement ce problème, notamment dans les communes les plus pauvres. Ce qui pose un autre problème, celui des disparités régionales dans la prise en charge des élèves.

Effort budgétaire mal réparti

Un enfant scolarisé à Bamako a une meilleure prise en charge que celui d’une zone rurale reculée. Ce que n’a pas manqué de relever le Conseil  économique, social et culturel (CESC) dans son rapport sur le développement humain de 2010. «Malgré les progrès dans la démocratisation de l’accès à l’éducation, d’importantes disparités apparaissent dans les conditions de scolarisation, dans la mise en application des programmes et dans la qualité de l’encadrement», est-il noté dans ledit rapport. Donc, autant d’éléments qui expliquent les déperditions scolaires et les écarts dans les rendements du système éducatif malien.

De même  pour l’absence de ressources humaines qualifiées pour certaines spécialités dans de nombreuses régions du pays, à l’image du centre où les entreprises se plaignent de ce problème. Le SNEC abonde aussi dans ce sens. «Il y a des inégalités régionales très fortes, qui témoignent d’un effort mal réparti sur l’ensemble du territoire. Les disparités régionales sur le plan des taux de réussite au primaire et au premier cycle du secondaire sont assez prononcées. Les performances des régions sont plus disparates au primaire», conclu le syndicat.

Des performances de moyen également faibles, au secondaire, dans l’enseignement supérieur et dans la formation professionnelle, comparativement à la taille des dépenses. Ce que relèvent les différents rapports de l’Unesco. L’augmentation des dépenses d’éducation ne s’est finalement  pas traduite par des progrès scolaires en raison notamment de la faible motivation des enseignants liée aux mauvaises conditions de travail et surtout aux salaires inappropriés, tel que souligné dans ces rapports.

Ce problème n’est pas propre au Mali. Mais, c’est le cas dans d’autres pays africains, selon l’Unesco qui résume : «Malgré le fait  qu’une écrasante majorité des dépenses courantes soit consacrée aux rémunérations des enseignants, ces derniers ne perçoivent que des salaires très peu élevés pour permettre un niveau de vie décent.  Et c’est l’objet du conflit actuel entre les syndicats et la tutelle ».

Jean Pierre James

Nouveau Réveil

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