La nouvelle tombe mal à un an des Jeux de Tokyo: le président du Comité olympique japonais, mis en examen pour corruption active par la justice française, a décidé de se retirer, niant cependant tout lien avec l’affaire.
“Ma décision n’a rien à voir avec l’enquête en cours, j’y réfléchissais depuis quelque temps en raison de la limite d’âge”, a déclaré Tsunekazu Takeda, 71 ans, devant la presse à Tokyo.
Le responsable, qui préside l’instance olympique japonaise depuis 2001, espérait initialement pouvoir rester jusqu’aux JO prévus l’été 2020, mais il se trouvait sous pression depuis l’annonce en janvier de sa mise en cause par les enquêteurs français.
Il quitte également le Comité international olympique (CIO).
“Je n’ai commis aucune irrégularité”, a-t-il répété mardi. “Je ne peux rien dire sur le fond car les investigations sont en cours”.
Quelques minutes plus tôt, il était apparu affecté devant les autres membres du Comité. Il a fait part de son départ après une réunion ordinaire d’environ une heure et demie, une annonce qui n’a surpris personne car sa décision avait largement été éventée dans les médias.
“Tokyo a été choisi grâce aux efforts de tous, les préparatifs avancent comme il faut”, mais il est temps de passer le relais aux nouvelles générations “à l’approche des JO”, a-t-il déclaré. Et d’ajouter: “Une nouvelle ère s’ouvre”.
D’après les médias, plusieurs candidats sont en lice pour le remplacer, dont l’ex-champion olympique de judo Yasuhiro Yamashita, déjà membre très actif du comité.
– Versements suspects –
M. Takeda est soupçonné par le juge français Renaud Van Ruymbeke d’avoir autorisé deux versements suspects, en juillet et octobre 2013, pour obtenir “des votes favorables de membres du Comité international olympique” (CIO) lors de l’attribution des JO à Tokyo, le 7 septembre 2013.
Depuis que sa mise en examen a été révélée, il a limité les apparitions publiques. Il a dû annuler des déplacements et avait refusé lors d’une conférence de presse d’à peine 7 minutes le 15 janvier à Tokyo de répondre aux questions des journalistes, se contentant de lire un texte où il réfutait les accusations portées à son encontre.
Selon les éléments de l’information judiciaire française, les deux virements représentant 2,8 millions de dollars singapouriens (1,8 million d’euros au cours actuel) ont atterri sur le compte d’une société totalement inconnue, Black Tidings, sous le libellé “Tokyo 2020 Olympic Game Bid”, officiellement pour rémunérer des opérations de conseil.
Or cette firme est proche de Papa Massata Diack, fils de l’influent Sénégalais Lamine Diack, ancien patron de la Fédération internationale d’athlétisme (IAAF), au carrefour de plusieurs enquêtes pour corruption dans le sport. Dans ces affaires, la compétence de la justice française s’explique notamment par le fait que des fonds ont pu être blanchis dans l’Hexagone.
– Explications laborieuses –
M. Takeda avait donné sa version, laborieuse, aux juges d’instruction le 10 décembre 2018 lors d’une audition à Paris au cours de laquelle lui a été signifiée sa mise en examen.
“Je ne connaissais pas Papa Massata Diack, je n’ai jamais eu de conversation avec lui, j’ignore tout de lui”, a insisté l’ancien cavalier olympique, selon le procès-verbal de son interrogatoire, dont l’AFP a eu connaissance.
Il a dit n’avoir fait que signer les ordres de paiement sur la base d’explications de ses collaborateurs sur la nécessité de recourir aux services de Black Tidings, dirigée par un certain M. Tan, au sujet duquel M. Takeda dit tout ignorer.
Cette société a été recommandée par l’agence de publicité japonaise Dentsu, a souligné M. Takeda, un fait qui intéresse d’autant plus les juges que Dentsu est partenaire de longue date de la Fédération internationale d’athlétisme.
En août 2016, un Comité d’enquête japonais a pour sa part dédouané le responsable olympique, reprenant les arguments de ce dernier selon lesquels il ne connaissait pas les liens entre M. Tan et Papa Massata Diack.
Il a conclu qu’aucune loi japonaise n’était violée par les accords passés, reprochant seulement des lacunes de communication au sein du comité.
Ce rapport, composé d’un panel de trois juristes, n’a cependant pas convaincu les enquêteurs français.
Une commission rogatoire internationale lancée par la justice française au Japon a par ailleurs conduit à des investigations partielles qui n’ont cependant pas apporté grand-chose car la loi japonaise ne reconnaît pas le délit de corruption privée, ce qui a limité les actions entreprises.
AFP