Le classement du Mali dans les indices de corruption basés sur des enquêtes d’opinion suggère un problème de corruption généralisée. Le Mali obtient la note de 32/100 à l’indice de perception de la corruption de Transparency International. En 2015, notre pays obtenait la note 35, en 2013, la note 28, en 2012, la note 34. Converti en rang, le Mali se classe à la 116ème place sur les 176 pays les plus corrompus au monde.
Le Conseil national du patronat du Mali (Cnpm) a organisé le vendredi 15 mars, dans ses locaux, une conférence-débat sur le thème «rôle du secteur privé dans la lutte contre la corruption». La conférence était animée par le Pr. Clément Dembélé, en présence du président du Cnpm, Mamadou Sinsy Coulibaly.
Dans son discours d’ouverture, Mamadou Sinsy Coulibaly a rappelé qu’il n’y a pas et qu’il n’y aura jamais de développement économique sans l’implication et la considération effective du secteur privé. Selon lui, les vrais et premiers acteurs de la stabilité sont les entrepreneurs, qui observent, savent, analysent, réfléchissent et créent la richesse. Le président du Cnpm dira que c’est avec les entrepreneurs qu’une nation avance dans la mesure où un Etat n’est véritablement riche que lorsque ses populations sont riches, et la première source de la richesse est entre les mains de ceux qui entreprennent.
Il a souligné qu’après 28 ans de démocratie au Mali, force est de constater qu’un tiers des Maliens ne mangent toujours pas 3 fois par jours ; les jeunes maliens sont majoritairement chômeurs, vivant dans le désespoir et la misère intellectuelle et matérielle, sans aucun espoir de savoir quand cela prendra fin ; le Mali reste un pays richement pauvre dans lequel s’entretuent les frères au centre et au nord ; ce sont des millions de Maliens qui vivent dans l’ignorance totale, la misère et la famine, la maladie, l’insécurité et l’injustice, juste parce que quelques personnes détournent et s’approprient tout ce qui appartient à tout un peuple, etc.
Le patron des patrons a également rappelé que, sous le premier régime, les opérateurs économiques ont été considérés comme des malfaiteurs à l’antipode d’un système qui se voulait socialiste dont l’enrichissement personnel, l’effort individuel, le marché libéral n’étaient pas la priorité. Selon lui, le régime de Moussa Traoré a observé et ménagé l’opérateur économique comme «un vil homme sans envergure, qui se réduisait essentiellement et injustement à la dimension de voleur, de malhonnête, de trompeur, etc.», au lieu de le considérer comme acteur de développement social, économique, humain et culturel…
Aux dires de Mamadou Sinsy Coulibaly, après les évènements de mars 1991, l’espoir fut donné à tout un peuple galvanisé par les grands discours de ces «démocrates sincères et convaincus» contre la corruption, le mensonge, le chômage, l’injustice, l’inégalité. Mais force est de constater que tous les rêves et promesses ont été avortés quelques années après. Il a indiqué que l’instauration de la démocratie avec ses valeurs devrait accompagner les principes fondateurs de notre Nation depuis l’époque précoloniale jusqu’à l’indépendance : il s’agit du respect des droits de l’homme, la dignité, l’honneur, le plein emploi, l’autosuffisance alimentaire, la sécurité, la solidarité, la justice et la transparence pour tous.
Pour le patron des patrons, les opérateurs économiques, au lieu d’être au carrefour de ce rendez-vous tant espéré, ont été trébuchés dans la boue de l’ignorance, du mépris et de l’abandon : depuis des années, les bonnes volontés entrepreneuriales sont enchaînées, piétinées par la corruption de quelques dizaines de fonctionnaires devenus milliardaires avec l’argent du peuple. Ces vagabonds financiers, dit-il, sont même fiers de voler, de montrer leur richesse, de s’organiser en bourgeoisie compradore, d’évoluer en toute impunité face à un peuple intellectuellement désorienté, moralement dépersonnalisé, idéologiquement déstructuré.
À qui la faute ? Pourquoi sommes-nous en arrivés là ? Que devons-nous faire chacun et chacune dans sa responsabilité citoyenne et civique ? s’interroge le président du Cnpm. «Pour ma part, j’agis en toute conscience et en toute liberté pour défendre les causes contre la corruption. Je fais ma part. Il ne s’agit pas d’un combat de Mamadou Sinsy Coulibaly, mais le combat de tout un peuple, le combat de chaque génération. Il ne s’agit pas de la seule volonté des opérateurs économiques, mais la conscience de toute une Nation dressée contre l’injustice, la pauvreté, les délinquances, l’insécurité, les violences intercommunautaires, l’immigration clandestine, les maladies, les misères, qui ont un dénominateur commun : la corruption. La combattre est l’œuvre de tout le peuple malien pour un Mali digne, prospère mais aussi riche et commun en droit», a-t-il déclaré.
Et le président du Cnpm d’ajouter : «si nous voulons une vraie politique de développement, luttons contre la corruption, si nous voulons la paix, luttons contre la corruption, si nous voulons une Nation libre et un système équilibré, luttons contre les magouilles et les rackets. Démanteler les réseaux des délinquants financiers, désarmer les corrompus, c’est rendre service à la Nation malienne tout entière. C’est la responsabilité morale et intellectuelle de chaque Malien et ami du Mali. Car il n’y aura jamais de développement dans le mensonge et le vol, il n’y aura jamais de paix ni de stabilité dans l’injustice et la corruption, il n’y aura jamais d’égalité et de confiance dans les magouilles. Un pays avec des fonctionnaires milliardaires n’est pas un pays pauvre, mais un pays pauvrement géré qui doit se débarrasser de ses ennemis intérieurs».
Voler au Mali est devenu comme un jeu
Dans son exposé, le conférencier, Clément Dembélé, a indiqué que la corruption, c’est lorsque vous êtes tenté un moment de faire la démarche pour donner quelque chose en biens, en nature à un autre individu déposant un pouvoir, pour l’influencer dans l’exercice de sa fonction. Selon lui, à partir de cette définition, on se rend compte que la corruption est à tous les niveaux au Mali. Le conférencier dira que la corruption au Mali n’est plus un phénomène institutionnel, elle a été aussi culturalisée. «Voler au Mali est devenu un jeu. Plus on vole au Mali, plus on a la promotion. La corruption se trouve au plus haut niveau de l’Etat», a déclaré Clément Dembélé.
Avant de faire savoir que le classement du Mali dans les indices de corruption basé sur des enquêtes d’opinion suggère un problème de corruption généralisée. Le Mali obtient la note de 32/100 à l’indice de perception de la corruption de Transparency International.
En 2015, le Mali obtenait la note 35, en 2013, la note 28, en 2012, la note 34. Converti en rang, le Mali se classe à la 116ème place sur 176 pays les plus corrompus au monde. Selon le conférencier, Transparency International, dans ses recommandations, se basant sur l’enquête qui a été faite par le Programme alimentaire mondial (Pam-Mali), déclare qu’à partir de juin 2018, une famille sur trois ne mangera pas trois fois par jour à cause de la corruption dont la moyenne atteint annuellement entre 250 et 350 milliards de Fcfa détournés dans l’impunité totale.
Il a indiqué que les solutions sont très simples et sont connues. Clément Dembélé propose d’auditer les comptes des partis politiques, de fixer le montant des frais de campagnes électorales, d’introduire l’éducation civique et morale dans le programme scolaire et universitaire ; de mettre en synergie des structures de contrôle ; de systématiser le contrôle interne et externe des services ; de multiplier les pôles économiques, etc.
Diango COULIBALY
Le Reporter