La session extraordinaire du lundi dernier s’est littéralement terminée par un triste constat d’échec. Trente-huit (38) conseillers ont déposé une pétition, auprès du Gouverneur du district, demandant sa suspension pour fautes lourdes et graves. Il lui est particulièrement reproché d’avoir détourné la délibération du conseil relative à la construction de magasins démontables le long de la clôture du terrain de Baco-Djicoroni, en un « protocole d’accord » aux contours flous et rédigé presque en catimini, à l’insu du même conseil. Avec à la clé, la signature d’un contrat emphytéotique (99 ans) entre la mairie représentée par lui-même et l’opérateur économique Bouréma Sidibé, richissime homme d’affaires et natif du quartier de Baco-Djicoroni.
Cette attitude de défiance aggravée des 38 conseillers s’explique par les rapports difficiles que le Maire Ouattara entretient depuis plusieurs mois avec la majorité de ses collaborateurs. Mépris, indifférence, manque total du sens de partage. Les conseillers « frondeurs » ont encore une seconde occasion de sévir contre Amadou Ouattara lors de la session de ce jeudi 21 mars 2019, consacré à l’examen du compte administratif.
Pour le maire et les rares conseillers qui lui sont restés fidèles, dont Oumar Siby en tête (élu sous les couleurs de l’alliance ADP-MALIBA- CNID), c’est donc une semaine de tous les dangers qui s’annonce, à charge pour eux de trouver de nouveaux arguments susceptibles de ramener les pétitionnaires à de meilleurs sentiments. Le conseil communal compte 45 conseillers. Ce quorum de 38 conseillers est-il nécessaire pour amener le gouvernorat à prendre une sanction disciplinaire contre le maire ? La suspension ne dépasse jamais trois mois. Encore qu’après la fin de la sanction, le maire peut bien reprendre ses fonctions.
Mais, à qui peut bien profiter le crime ?
Pour beaucoup d’observateurs politiques, ces marches à répétition dirigées ces derniers temps contre le maire Amadou Ouattara sont assez révélatrices du lourd climat d’inconfort qui règne actuellement au sein de la section locale du parti en CV, dont il est le secrétaire général depuis Avril 2011. La principale détonation de cette crise interne est partie de la conférence de section, ou à la grande surprise générale de tous, c’est le nom du non moins président national du RPM, Dr Bocary Tréta qui fit soudainement son apparition, comme dans un vilain tour de magie.
La pilule a-t-elle été trop amère pour être avalée ? Tous ces prétendants au « trône » ne lui ont sûrement pas pardonné cette grande « forfaiture » et du coup chacun affûte ses propres armes pour pouvoir mieux tirer profit de la nouvelle tournure prise par les évènements. Que disent les textes en cas de suspension du maire Amadou Ouattara, lâché en plein vol par les deux tiers des membres du conseil communal (45 conseillers) ?
Dans l’article 59 du document intitulé ‘’Lois de la décentralisation et décrets de transferts des compétences’’, nous pouvons lire ceci : « en cas de décès, de révocation, de suspension, de démission, d’absence ou de toute autre empêchement constaté par le représentant de l’Etat dans le cercle, le Maire est provisoirement remplacé dans la plénitude de ses fonctions par un adjoint dans l’ordre d’élection ou à défaut par le conseiller le plus âgé ». Dans le cas d’espèce, il s’agit là du conseiller Ibrahima Bagayogo, plus connu sous le nom affectueux de « Jeune premier », aujourd’hui 4e adjoint au maire, membre du bureau municipal.
Il n’est pas un inconnu sur la scène politique local. A Daoudabougou, son fief électoral, il avait réalisé un score très honorable, lors des élections communales de novembre 2016. Il dispose donc d’un vivier électoral important, stable. Sa mise à l’écart, lors du choix des candidats en septembre dernier aux élections législatives reportées a été visiblement mal ressentie par lui et ses nombreux fidèles, lesquels menacent même d’aller sur une liste indépendante, s’il le faut. Il faut néanmoins rappeler qu’il avait subi le même revers lors des élections législatives de 2013, où sa candidature avait été recalée au profit d’une candidature féminine, celle d’Oumou Simbo Keita, malheureusement décédée au cours de son mandat.
Bacary Camara Correspondance particulière
Le Challenger