Du moins, c’est l’analyse d’un chercheur malien, Baba Dakono, qui pense que l’attaque d’Ogossagou peul était prévisible. Il donne des pistes de sortie de crise au centre du pays et exhorte l’Etat malien à jouer pleinement son rôle dans la protection des personnes et de leurs biens.
«Cette attaque peut paraître surprenante mais elle était prévisible dans la mesure où cette zone connaît des violences multiformes depuis quelques années. Les rapports socioprofessionnels, historiquement dans ces zones, ont été conflictuels. Ce qui a changé c’est la violence dans les affrontements qui s’explique d’abord par la faible présence de l’Etat dans les localités dont il est question. Ensuite, la présence et l’accès facile aux armes. Enfin, l’instrumentalisation du facteur terroriste», diagnostique-t-il.
Aussi, estime-t-il, les groupes extrémistes violents n’hésitent pas à explorer les failles politiques et sociales au niveau national et local pour s’implanter et consolider leur présence. M.Dakono en estconvaincu :«La présence des groupes extrémistes est utilisée pour exercer dans le cadre de luttes de pouvoirs locaux notamment. Donc, les récents événements dans le cercle de Koro sont les conséquences d’une violence armée dans la zone impliquant divers acteurs avec des motivations toutes aussi diverses. Le drame d’Ogossagou est certes inédit mais il n’était pas imprévisible. L’ampleur également dépasse l’entendement mais les conditions pour qu’il arrive existaient et étaient connues.»
«L’ampleur de la violence au centre aurait pu être évitée»
À l’Etat, il demande deprendre la mesure du problème et de ses enjeux au plan national. Et d’ajouter : «L’ampleur de la violence dans la situation au centre aurait pu être évitée si, dès le départ, les bonnes mesures avaient été prises. Ces mesures, il faut le rappeler, incombent principalement à l’Etat mais pas que. Le Mali et ses partenaires ont focalisé le discours sur le retour de l’Etat occultant ainsi toute la dimension utile de cette présence de l’Etat pour les communautés.»
Selon Baba Dakono, «S’il est vrai que l’insécurité, que ce soit au nord ou au centre du pays, prospère notamment sur les failles dans la gouvernance étatique, les solutions ne seront durables que si elles prennent en compte cette dimension. Les mesures sécuritaires doivent avoir un objectif clair : pacifier l’environnement et être limitées dans un délai court.»
Parallèlement,il suggère à l’Etat de devoir rapidement pourvoir aux besoins des communautés et instaurer un minimum de confiance entre elles, puis entre elles et lui. «À terme, il s’agit de la prise en charge effective par l’Etat des besoins élémentaires des communautés notamment de sécurité, de justice, de santé et d’éducation», soutient-il.
D’autant que, poursuit-il, «Il ne faut pas oublier que les milices sont nées pour répondre à un besoin. Tant que ce besoin existe et que les réponses institutionnelles apportées ne parviennent pas à rassurer, il sera difficile de venir à bout du phénomène d’autodéfense».
Et Baba Dakono de conclure : «La tragédie dans le cercle de Koro fait craindre des représailles et un effet de contagion plus large et il est urgent d’identifier tous les acteurs et mettre en œuvre les mesures de pacification de la zone et d’instauration d’un minimum de confiance. L’idéal serait le désarmement immédiat des milices mais à défaut penser à des réponses intégrées et multidimensionnelles qui pourraient permettre de résoudre durablement la crise.»
Dioncounda Samaké
Nouvelle Libération