Le pouvoir vénézuélien a déclaré inéligible pour 15 ans l’opposant Juan Guaido, reconnu président par intérim par une cinquantaine de pays, sanction jugée illégale par l’intéressé et “ridicule” par les Etats-Unis.
Cette décision jeudi a fait monter la tension dans ce pays pétrolier paralysé par une nouvelle panne d’électricité massive durant trois jours, et qui compte deux dirigeants rivaux se disputant le pouvoir: le chef d’Etat socialiste Nicolas Maduro et le député de centre-droit Juan Guaido.
Sur la scène internationale aussi, la tension ne redescend pas entre Washington et Moscou à propos de la présence de soldats russes au Venezuela. Ce pays d’Amérique du Sud est devenu un point de friction supplémentaire de la nouvelle Guerre froide opposant les deux géants.
A Caracas, le Contrôleur général de la République, Elvis Amoroso, chargé de veiller à la transparence de l’administration au Venezuela, a décidé jeudi à la mi-journée “d’interdire l’exercice de toute fonction élective au citoyen (Juan Guaido) pour la durée maximum prévue par la loi”, soit 15 ans, pour corruption présumée, a-t-il déclaré à la télévision d’Etat.
Selon M. Amoroso, jugé proche du pouvoir en place, l’opposant n’a pas justifié, dans ses déclarations de patrimoine, certaines dépenses réalisées au Venezuela et à l’étranger avec des fonds provenant d’autres pays.
AFP / Cristian HERNANDEZL’opposant vénézuélien Juan Guaido lors d’un meeting pour présenter un plan de reconstruction nationale, à Caracas le 28 mars 2019
“Il a réalisé plus de 91 voyages hors du territoire pour un coût supérieur à 310 millions de bolivars (quelque 94.000 dollars au taux actuel), sans justifier l’origine de ces fonds”, a expliqué le Contrôleur, qui a demandé au parquet d'”exercer les actions correspondantes”, sans plus de précision.
– Personne ne reconnaît personne –
AFP / Federico PARRAL’opposant vénézuélien Juan Guaido salue ses partisans après avoir prononcé un discours à Caracas le 28 mars 2019
Dans la foulée, Juan Guaido a rejeté cette sanction lors d’un discours devant ses partisans alors qu’il présentait son plan pour le Venezuela.
“Il n’est pas contrôleur. Il ne l’est pas (…) et il n’existe pas de sanction d’inéligibilité (…) Le Parlement légitime est le seul ayant le pouvoir de désigner un contrôleur”, a déclaré Juan Guaido. Il a rappelé qu’Elvis Amoroso avait été nommé à ce poste par l’Assemblée constituante, qui est acquise au pouvoir et remplace dans les faits le Parlement, seul organisme contrôlé par l’opposition.
“Chaque journée (supplémentaire) dans la rue pour moi est une défaite pour le régime. S’il m’arrête, ce sera son ultime défaite”, a-t-il ajouté dans une autre réunion publique.
Les Etats-Unis ont qualifié de “ridicule” cette sanction. “Ça, c’est fort. C’est ridicule”, a déclaré le porte-parole du département d’Etat, Robert Palladino. Les pays latino-américains et européens du Groupe de contact international (GCI) sur le Venezuela, réunis jeudi à Quito, ont condamné la décision des autorités vénézuéliennes.
Dans ce pays où personne ne reconnaît la légitimé de personne, difficile de dire quelles seront les conséquences de cette décision qui vise Juan Guaido, également président du Parlement. Ni s’il va pouvoir continuer à siéger, la sanction étant en théorie d’application immédiate.
Dans la rue, les Vénézuéliens ont fait face durant trois jours à une nouvelle panne électrique géante qui frappe leur pays en ayant recours à des “méthodes du Moyen Age”: marcher pendant des heures, fabriquer des lampes à huile ou aller chercher de l’eau à la source.
“Ça fait perdre patience à n’importe qui (…) Ça suffit! Ce n’est pas la première panne”, s’est plaint Mauro Hernandez, 57 ans, qui a dû marcher durant une heure et demie pour rejoindre son travail.
– Passe d’armes –
Jeudi après-midi, le ministre de la Communication Jorge Rodriguez a annoncé que le courant était revenu “dans la plus grande partie” du Venezuela, pays de 30 millions d’habitants. Le gouvernement a également annoncé la reprise vendredi des cours et du travail dans les administrations qui étaient suspendus depuis mardi.
Un peu plus tôt, une nouvelle passe d’armes avait opposé Russes et Américains.
AFP/Archives / Daniel SLIMUn avion American Airlines à l’aéroport de Miami le 3 février 2019
Washington reconnaît comme une cinquantaine de pays Juan Guaido comme président par intérim et réclame le départ de Nicolas Maduro, tandis que Moscou accuse les Etats-Unis d’essayer d’organiser un “coup d’Etat” dans ce pays aux immenses réserves pétrolières.
Ces tensions ont connu un nouveau pic depuis l’arrivée le week-end dernier de deux avions russes, un Antonov An-124 et un Iliouchine Il-62, à Caracas. Selon des médias vénézuéliens, ils transportaient 99 militaires et 35 tonnes de matériel, sous le commandement du chef de l’armée de terre russe, le général Vassili Tonkochkourov.
Recevant mercredi dans le Bureau ovale Fabiana Rosales, épouse de Juan Guaido, Donald Trump a haussé le ton: “La Russie doit partir” du Venezuela.
En réponse, la Russie a demandé à Donald Trump de la “respecter” et de ne pas se mêler de ses relations avec Caracas, où elle a confirmé avoir envoyé des “spécialistes” militaires chargés de mettre en oeuvre les contrats d’achat d’armement entre Moscou et Caracas.
Face à l’instabilité dans le pays et l’hostilité envers les intérêts américains, la compagnie aérienne American Airlines a suspendu ses deux vols vers le Venezuela, Miami-Caracas et Miami-Maracaibo. Ils seront rétablis “quand les conditions seront correctes”, a-t-elle expliqué dans un communiqué.
AFP