Le vendredi 05 avril 2019 restera dans les annales de la mobilisation humaine, la marée humaine de ce jour était du jamais-vu au Mali. Les Maliens, toutes sensibilités confondues, sont sortis pour répondre à l’appel de l’imam Mahamoud Dicko. Les manifestants sont arrivés depuis 12 heures en petits groupes sur l’esplanade de la Bourse du Travail, certains ont même prié sur place. Tellement déterminés.
Il y avait certains leaders de l’opposition comme Me Mountaga Tall, président du CNID, Me Mohamed Aly Bathily, président des APM, Housseyni Amion Guindo dit Poulo, président de la CODEM, Harouna Diallo, ancien maire de Gao, actuellement vice-président de la CODEM, Oumar Mariko, président du parti SADI, Tiébilé Dramé, président du PARENA, Me Hamidou Diabaté (PARENA). Sans oublier les syndicats d’enseignants, les responsables de Tabitaal Pulaaku, les organisations de la société civile, des cheminots, parents d’élèves, des députés de la majorité et de l’opposition.
«Nous allons prier ici pour ne pas rater l’appel de l’imam Dicko», déclare Issa Traoré, mécanicien. «IBK dégage», pouvait-on lire sur des pancartes portées par des femmes de tout noir vêtues. Mais aussi : «Pas de sécurité, IBK dégage, Boubèye out».
Les manifestants étaient éparpillés entre l’esplanade de la Bourse du travail et le monument de l’indépendance. Ceux qui ont prié sur l’esplanade de la Bourse du travail ont convergé vers le monument de l’indépendance vers 14 heurs, l’heure de la convocation. Elles étaient là aussi les forces de l’ordre. «Nous sommes venus pour encadrer la manifestation et éviter des dérapages», déclare le commissaire de police du 5ème arrondissement.
«Nous sommes venus répondre à l’appel de l’imam Mahamoud Dicko et Bouyé Haïdara. Personne ne peut nous empêcher d’assister à ce rassemblement», laisse entendre Gaoussou Kouyaté, un manifestant. Malgré le soleil, des femmes, jeunes et vieux ont fait le déplacement. «Ce régime nous a fatigués, nos enfants, nos maris et nos parents meurent à cause de la mauvaise gestion d’IBK et de son clan. Trop c’est trop ! on ne peut plus continue avec ce régime. IBK dégage», s’égosille Mariam Fomba, veuve de militaire.
«Nous ne pouvons pas rester les bras croisés. Nos enfants ne partent plus à l’école, les autorités ne font rien, nous sommes à la fin de l’année scolaire, une année qui reste d’être blanche. C’est pourquoi nous profitons de l’appel de l’imam Dicko pour dénoncer la situation de l’école», déplore Aissata Sidibé, manifestante.
Éclectique, la marée humaine était réunie en attendant l’arrivée de l’imam Dicko et des retardataires. Aly Cissé, un jeune assis sur le mur d’un bâtiment, rumine encore son licenciement «abusif» du fait d’un proche d’un ministre, au niveau de la direction de la caisse des retraités. Moussa Diawara était lui en contact avec des habitants de Nioro du Sahel, qui faisait partie de la marche de Nioro du Sahel avec à sa tête le Chérif Bouyé. «Nous sommes rassemblés pour les morts d’Ogossagou, la mauvaise gestion du pays par IBK et son Premier ministre incompétent», s’épanche le fils du Cherif de Nioro, Moulaye Oumar.
La ville de Kayes n’était pas en reste. «Nous sommes sortis parce que les leaders religieux demandent la démission des politiques qu’ils accusent de ne pas être à la hauteur des défis que traverse le Mali actuellement», déclare Boutou Guiro de la coordination des jeunes de Kayes.
Après une longue attente, l’imam Mahamoud Dicko arrive sur place. «Je voudrais le dire à l’intention de l’opinion nationale et internationale, à l’intention de tout le monde, le peuple souverain du Mali s’est réuni ici, pour montrer et démontrer sa désapprobation de ce qui se passe dans notre pays, notamment ces tueries barbares qui ont eu lieu dans notre pays. Nous sommes étonnés que ce ne soit pas la majorité présidentielle avec à sa tête le président de la République, qui organise ce rassemblement pour prouver à la face du monde qu’elle condamne cet acte.
Parce que lui, il a l’habitude de prendre l’avion qui a été payé par l’argent des contribuables maliens, pour traverser l’océan, pour aller en Europe. Aller marcher avec des gens parce qu’il y a eu des tueries. Donc marcher au Mali parce qu’il y a eu des massacres au Mali, ne doit pas être un crime. On ne doit pas chercher une autorisation pour faire cette marche. Ils doivent être tous, gouvernement, Assemblée nationale, tout le monde devrait être là aujourd’hui. Pour qu’ensemble nous puissions dire non à l’amalgame, non à la confusion, non à la barbarie. Pour qu’ensemble, nous disions plus jamais ça au Mali.»
Le décor était ainsi planté par l’imam Mahamoud Dicko. Il a ensuite dit aux Peulhs que la vengeance n’est pas la solution et demandé aux Dogons de déposer les armes. «Nous sommes un peuple. Ceux qui sont venus nous aider doivent le faire en toute franchise ou quitter le Mali. Si nos autorités sont incapables, nous allons désormais prendre nos responsabilités. Ça ne peut plus continuer comme ça», ajoute l’imam de Badalabougou. D’après lequel, le message du Chérif de Nioro lors du meeting du 10 février 2019 a été mal interprété par les autorités.
«Encore une fois, nous leur demandons d’écouter, de comprendre, de diligenter ce message. Nous avons vu l’exemple ces quelques jours, un grand homme qui a lutté pour l’indépendance de son pays, le président Bouteflika, il a été l’artisan de l’indépendance de son pays. Quand le peuple lui a demandé de partir, il est parti avec dignité en adressant une lettre d’excuses, de pardon à son peuple. C’est ça la grandeur d’âme, c’est ça la dignité, c’est ça l’honneur et c’est ce que les grands hommes font face à l’histoire. Ce n’est pas de braver votre opinion, votre propre population en se disant que si vous écoutiez votre population, c’est une humiliation. C’est ce qui vous honore, je le dis à l’endroit de mon frère et ami. Nous ne faisons pas du mal à ce pays, nous avons toujours contribué et participé pour qu’il y ait la paix dans ce pays», conclut Mahamoud Dicko.
Le porte-parole du Chérif de Nioro a informé les manifestants que le Chérif a marché à Nioro. Il est parti de sa Zawiya au lieu de rassemblement à pied pour témoigner son soutien.
Kassim TRAORE
Le Reporter