Devant des dizaines, voire des centaines de milliers de personnes, venues répondre à son appel, l’imam Mahmoud Dicko, président du Haut Conseil Islamique, a mis en garde le pouvoir contre la mal gouvernance, dont le pays fait l’objet, avec son corollaire d’insécurité, qui a fait plus de 500 morts, civils et militaires. Et la France, contre son jeu trouble au nord du Mali.
A combien peut-on estimer les manifestants du vendredi dernier ? Un million ? Trois millions ? Quatre millions ? Nul ne le sait, avec exactitude. Mais, une certitude, cependant : ils étaient des dizaines, voire des centaines de milliers à prendre d’assaut, en ce début d’après-midi du 05 avril, le Boulevard de l’indépendance.
Une mobilisation historique
En dépit du refus de manifester, notifié aux initiateurs de cette grande marche, la place de l’indépendance était noire de monde. Une marée humaine à perte de vue.
Aux environs de 13h30 mn, la circulation était bloquée. Ou presque. Toute la population de Bamako semble s’être donnée rendez-vous au centre-ville de la capitale. Hommes, femmes, jeunes et mêmes les handicapés… chacun tenait à être présent. Car, disent-ils, « Trop c’est trop ! ».
Déjà, la veille, des dizaines de cars, bourrés de manifestants, seraient arrivés de Nioro et de Sikasso, à la demande de leur Guide spirituel, Cheickné Hamahoullah, dit Bouyé avec ces mots : « Si vous mourrez aujourd’hui (ndlr : vendredi 05 avril), nous mêmes le seront demain, sauf si nous obtenons gain de cause ».
Stationnées, en plusieurs endroits, les forces de l’ordre sont discrètes. Avec leurs matraques et leurs gaz lacrymogènes, elles ont – pour la première fois – évité de s’en prendre aux manifestants.
Mais, il a fallu attendre 15h30 mn, pour que l’imam Mahmoud Dicko, président du Haut Conseil Islamique, prenne la parole devant une foule surexcitée.
Officiellement, cette manifestation a pour objet de dénoncer, d’une part, la mauvaise gouvernance, dont le pays fait l’objet. Avec son corollaire de grèves, d’écoles fermées depuis trois mois, et d’insécurité. Qui a fait plus de 500 morts, civils et militaires, en l’espace de quelques jours. Et, d’autre part, de mettre en garde la France contre sa volonté de faire de Kidal sa « Nouvelle – Calédonie au Sahara ». Afin de faire main basse sur les immenses ressources minières, dont regorge cette région. Avec la complicité d’une poignée d’hommes, issus de la communauté touareg la plus minoritaire au nord du Mali : les Ifoghas.
été, d’abord, réclamé par le Chérif.
Ensuite, par le président du Haut Conseil Islamique. Enfin, par les partis politiques de l’opposition. Lesquels avaient appelé leurs militants à faire bloc, derrière les deux leaders religieux.
Kidal, la Nouvelle-Calédonie de la France au Sahara
En effet, depuis l’intervention Serval, intervenue en 2013, la huitième région du Mali est devenue une « République dans la République ». Nul ne peut s’y rendre, sans l’autorisation expresse de Barkhane, la force française, stationnée dans cette zone. Ou celle de la Minusma. Chose inacceptable pour les Maliens, qui réclament le départ des troupes françaises ; mais aussi, celles des Nations-Unies.
« Que la France sache que le Mali ne lui appartient pas. Il n’appartient pas, non plus, à la Minusma. C’est à nous les Maliens de construire notre pays », martèle l’imam Mahmoud Dicko, dans un tonnerre d’applaudissements
Une mise en garde sans équivoque
Sur les pancartes, brandies par la foule en colère, on peut, entre autres, lire : « Dégagez la France et la Minusma ! » ; « Stop au génocide de la France au Mali » ; « Notre ennemi commun, c’est la France ».
Accusant le président IBK de jouer le « jeu des ennemis du Mali » dans la gestion de Kidal, le très populaire leader religieux de Nioro a, au cours d’une assemblée générale d’information, tenue vendredi 05 avril dans sa Zawiya, appelé les autorités maliennes à se ressaisir.
« J’ai parlé avec les gens des mouvements armés. Je suis au courant de ce qui se trame à Kidal », a-t-il dit.
Pour le président du Haut Conseil Islamique, l’imam Mahmoud Dicko, le président IBK ne peut pas continuer d’ignorer les aspirations du peuple malien. Auquel cas, ajoute-t-il, les Maliens, eux, se donneront les moyens de descendre dans la rue tous les vendredis. Comme c’est le cas en Algérie. Ou en France, tous les samedis, avec les gilets jaunes.
Oumar Babi
Source: Canard Déchainé