Lors de sa sortie médiatique, le mardi dernier, le président de la République Ibrahim Boubacar Kéïta, a annoncé la tenue des concertations nationales du 23 au 28 avril sur la révision constitutionnelle, en lieu et place du dialogue national inclusif réclamé par la majeure partie de la classe politique. IBK ne s’est pas, dans son discours, prononcé sur l’exigence des leaders religieux lui demandant de se séparer de son Premier ministre Soumeylou Boubèye Maïga.
On l’aura compris : la priorité du président de la République du Mali est de réviser la constitution. Et pour cela, il est même prêt à se priver de son avion pendant cinq jours (chose rarissime), le temps de la tenue de concertations nationales, qui doit se tenir du 23 au 28 de ce mois, sur la révision constitutionnelle.
Le président aura fort à faire pour faire adhérer la classe politique à une concertation nationale précipitée et exclusive sur la révision constitutionnelle. Surtout que l’exigence d’une frange importante de la classe politique malienne (Cnas Faso Hèrè de l’ancien Premier ministre Soumana Sako, Fare An Ka Wuli de l’ancien Premier ministre Modibo Sidibé, le Front pour la Sauvegarde de la Démocratie (FSD), la Coalition des Forces Patriotiques (COFOP)…) reste la tenue d’un dialogue national inclusif sur la grave crise multidimensionnelle que traverse le Mali.
Dans les conditions actuelles du pays, convoquer des concertations nationales rien que sur la révision constitutionnelle est symptomatique de la dérive grave du président de la République qui, pour imposer sa loi et ses vues, ne recule pas pour user de tous les moyens, y compris ceux que la logique refuse et que la sagesse interdit.
En effet, quand l’intérêt du pays, sa stabilité et sa sécurité exigent des solutions de compromis, il devient hasardeux de franchir certaines lignes rouges, celles qui peuvent provoquer un embrasement social et produire le contraire de ce qui est demandé. Est-il loisible aujourd’hui d’organiser des concertations nationales exclusivement sur la révision constitutionnelle dans un pays en proie à une insécurité chronique ?
Des concertations nationales, dans ces conditions, ne laissent aucune place à un dialogue serein, ni à la recherche d’un compromis qui tient compte de la situation difficile que connaît le pays.
Concernant la situation au centre du Mali, selon IBK, des mesures nécessaires ont été prises pour que des contingents supplémentaires des forces armées et de sécurité soient déployés sur le terrain. «Sur notre demande, les partenaires internationaux – la MINUSMA et Barkhane – sont, eux aussi, engagés dans la sécurisation accrue des populations. Dans le même temps, nous poursuivons notre programme de désarmement et d’intégration des éléments armés qui ont fait le choix de renoncer à la violence», a-t-il déclaré.
Le président a aussi annoncé la mobilisation d’un fond d’un milliard de francs CFA en faveur des populations du Centre affectées par les conflits et la dotation des services déconcentrés d’un fond de 12 milliards de francs CFA pour financer le Plan Stratégique de sécurisation des régions du centre… Ces mesures sont salutaires, mais où en sommes-nous avec les enquêtes des tueries dans le centre du pays ? Ces mesures suffiraient-elles à amener la paix dans le Centre ?
Quid de la demande des religieux de démettre le chef du gouvernement Soumeylou Boubèye Maïga ? Le président n’en a fait aucune mention dans son adresse à la Nation ! En occultant cette question, qui a fait sortir des centaines de milliers de personnes le vendredi 5 avril dernier à Bamako, IBK refuse une solution de compromis et favorise le bras de fer, au détriment de tout bon sens et des intérêts du pays.
Madiassa Kaba Diakité
Le Républicain